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CAN 2002 ou le rêve brisé d’une génération d’exception

Il y a 21 ans, une des plus belles générations du football sénégalais a manqué l’occasion d’inscrire son nom au palmarès de la grand-messe du football africain. «La génération 2002» comme elle est surnommée, a déjoué tous les pronostics pour se hisser en finale de la CAN face au « Grand» Cameroun. Une aventure féerique du Sénégal brisée aux tirs au but par Samuel Eto'o et sa bande. Pour SNA, Ferdinand Coly, titulaire dans cette finale, a accepté de partager ses souvenirs, anecdotes croustillantes d’un 13 février 2002, à jamais dans la postérité.

De notre correspondant au Sénégal,

La génération de 2002 du Sénégal a manqué de peu le trophée continental

Le Sénégal a enfin remporté la première CAN de football de son histoire en février 2022. Une consécration au Cameroun, ce même pays qui, 20 ans auparavant, lui a privé du trophée continental au terme d’une finale mémorable. Au terme d’un parcours phénoménal où les Lions de la Téranga ont déjoué toutes les prévisions, éliminant tour à tour Tunisie et Zambie en poules, la RDC en quart et le Nigeria en demi-finale. Face au tenant du titre, le Sénégal est héroïque mais finit par céder face à l’expérience des champions olympiques qui décrochent leur 4ème couronne continentale.

Quand les Lions impulsent le changement

En 2002, l’équipe nationale du Sénégal avait amorcé un tournant dans la construction de son effectif avec le technicien français, Bruno Metsu à sa tête. Les binationaux débarquent progressivement dans la Tanière avec un nouveau capitaine, Aliou Cissé. La Fédération sénégalaise de football (FSF) découvre alors une génération audacieuse. «Ça a été une aventure extraordinaire avec des joueurs de caractère. Et des dirigeants qui ont su s’adapter à cette équipe qui avait connu des problèmes auparavant, se souvient Ferdinand Coly. Il faut rendre hommage aux joueurs qui ont osé mettre des exigences sur la table et derrière, d’assumer ces revendications sur le terrain», a-t-il confié à SNA.

L’équipe du Sénégal était alors habituée à des standards au rabais en ce qui concerne les conditions d'hébergement. «Pour un mois de compétition, être logé dans des chambres exiguës, avec de petits lits… Ça a été une bataille à l’époque, on a mis la pression pour que les joueurs soient mis dans les meilleures conditions plutôt que les dirigeants. Ce n’était pas des caprices mais c’était pour faciliter la récupération et la performance», a expliqué l’ancien joueur du Racing Club de Lens. Ce changement de mentalité pour un groupe qui n’avait rien gagné auparavant était annonciateur de ce parcours exceptionnel.

«Les supporters maliens avaient pris fait et cause pour le Cameroun»

Favori de cette finale au stade du 26 mars de Bamako, le Cameroun avait tout à craindre de cette opposition face à un novice à ce stade de la compétition Mais qui a impressionné lors de son précédent match. «On sortait d’un match extraordinaire en demi-finale à 10 contre 11 en prolongations face au grand Nigeria. C’était la première finale du Sénégal à la CAN. Nous étions une équipe avec un fort potentiel. Mais nous n’étions pas attendus en finale avec toutes ces grandes nations présentes», a concédé Ferdinand Coly.

Au Mali, le Sénégal n’a pas la côte. La rivalité historique entre ces deux pays n’eest en effet plus à démontrer. En 2002, les coéquipiers de Coly en font la douloureuse expérience. «Malheureusement, les supporters maliens avaient pris fait et cause pour le Cameroun. Il y a cette rivalité sous-régionale mais il n’y avait aucune animosité. Il y avait quelques déclarations maladroites de la part de certains joueurs du Sénégal sur la défaite du Mali contre le Cameroun (0-3 en demi-finale). Ça n’a rien arrangé mais ça ne nous a pas perturbé. Si on a perdu c’est parce qu’on a été maladroit devant le but », a reconnu l’ancien défenseur international sénégalais (26 sélections).

Le Sénégal se montre dangereux dans cette première demi-heure. Mais pour leur première finale, le trio offensif El Hadji Diouf, Henri Camara et Khalilou Fadiga manque de bouteille. «On n’a pas su mettre le but qui nous aurait éviter d’aller aux tirs au but. Ils ont quelques opportunités mais on a eu des occasions d’entrée de jeu qui auraient pu plier le match. Les tirs au but étaient l’affaire des Camerounais. Ils avaient plus d’expérience que nous, ils sortaient d’un titre en finale remporté aux tirs au but. C’était une équipe mûre. Il y avait un avantage psychologique même si dans le jeu on les a mis en difficulté. On a perdu au pénalty mais sans regrets», a expliqué Coly.

«Quand on vous force à tirer un pénalty»

Jouer une finale c’est toujours spécial. Mais une première encore plus. Si pour le Sénégal c’était une première inédite, pour les Lions indomptables, il s’agit de la 5ème finale de CAN. «Avant le match, l’équipe avait beaucoup de confiance, ce n’était pas de la prétention. Quand on arrive au stade, qu’on voit tout ce monde, l’adrénaline commence ainsi à monter. Le premier ballon, on essaie juste d’assurer pour se libérer. Ça s’est joué sur des détails. Je me souviens qu’à la fin de l’entraînement la veille de la finale, on a fait une séance de tirs au but pour se préparer au cas où. Le jour du match, personne ne voulait tirer (rires). Malheureusement, ce n’est pas la même chose quand vous voulez tirer un pénalty ou qu’on vous force à tirer. Je ne voulais pas tirer, Aliou Cissé non plus. Ce sont ces petits détails qui ont fait la différence», se rememorre Coly.

Deux ans plus tôt, le Cameroun s'offrait son 3ème titre de champion d’Afrique en dominant le Nigeria aux tirs au but. La force de l’habitude a fini par faire la différence. Dans cette séance, le Sénégal avait pourtant pris un meilleur départ en réussissant ses deux premières tentatives grâce à Fadiga puis Ferdinand Coly. En face, Wome manque le premier tir au but camerounais. Un avantage que les Lions de la Téranga n’auront pas su conserver avec les ratés successifs de Amdy Faye, El Hadji Diouf et le plus marquant, celui d’Aliou Cissé.

Plus de 20 ans plus tard, Ferdinand Coly se rappelle des moindres détails de cette séance légendaire. Lorsqu’on s’amuse à lui poser la question sur la posture insolite de son ancien capitaine en sélection, il ne peut s’empêcher d’éclater de rires. « Si vous avez l’occasion de revoir les images, regardez bien le groupe de joueurs au milieu de terrain. On était tous là, on se disait mais pourquoi il tourne le dos au gardien (rires). On en rigole mais on ne lui veut pas. C’était la pression, il ne devait pas tirer, on ne devait pas tirer. Mais c’était notre responsabilité puisque personne ne voulait y aller. On a gagné ensemble, on a perdu ensemble dans la dignité», s’est fendu Coly.

« On aurait gagné si on n’avait pas mangé autant de dibi la veille »

Un groupe venait de naître au Mali. Sous la houlette de Bruno Metsu, le Sénégal franchit des paliers. Le management du technicien français était apprécié à l’unanimité. «Son discours dans cette finale c’était de nous lâcher, il nous disait qu’on avait rien à perdre et qu’on pouvait marquer l’histoire. Il avait des guerriers avec lui. Nous voulions écrire l’histoire du football sénégalais. Même si on n’a pas gagné, notre génération reste exceptionnelle. En quelques mois on fait une finale de CAN et un quart de finale d’une Coupe du monde. Nous avions une abnégation à toute épreuve, on s’est battu jusqu’à notre dernier souffle. C’était notre état d’esprit», a soutenu Ferdinand Coly.

Les cadres de la sélection comme Amara Traoré avaient facilité une cohésion et une joie de vivre contagieuses au sein de cette Tanière. «La veille de la finale comme à chaque soirée, tous les joueurs se retrouvaient dans ma chambre qui était celle d’Amara Traoré. C’était l’occasion de discuter, c’était des plaisanteries autour du «Attaya» (thé en wolof, ndlr). Ce n’était pas recommandé sur le plan diététique mais il y en a quelques-uns qui allaient chercher du «dibi» (viande grillée, spécialité malienne, ndlr). On n’a jamais mangé autant de « dibi» que ce soir-là (rires). On se disait que si l’on avait pas mangé autant de « dibi » la veille, on aurait remporté le trophée. C’était pour chambrer», explique-t-il.

Moustapha M. SADIO

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