Le Sénégal s’apprête à défendre son titre de champion d’Afrique, avec à sa tête, Aliou Cissé, l’homme de tous les succès. Le technicien de 47 ans va bientôt entamer sa 9e année sur le banc des Lions. A jamais le premier à avoir conduit le Sénégal sur le toit de l’Afrique, le technicien pour cette CAN 2023 vise la gagne, par ricochet, à mettre tout le monde d’accord sur ses qualités régulièrement discutées. Une nouvelle victoire lui donnerait indiscutablement ce statut.
Visage fermé, rugissement à l’envi sur le terrain, signe de griffure en consigne depuis le banc, Aliou Cissé a toujours eu l’attitude d’un Lion. C’est donc logiquement que les termes de guerrier, meneur d’homme, harangueur, joueur de devoir caractérisaient déjà le joueur. Quand il s’agit encore de définir, le coach du Sénégal depuis 2015, le profilage n’a pas beaucoup évolué. Cela malgré sa victoire à la CAN 2021 et la progression constante des « Gaindés ».
A-Lui Succés (Aliou Cissé) c’est en termes de résultats successivement (quarts de finale CAN en (2016) ; finale perdue (2019) ; victoire finale (2022). La logique de ses résultats en constante amélioration voudrait donc qu’il remporte la CAN ivoirienne. Sans doute son vœu pieux, d’abord pour le peuple sénégalais, et pour mettre enfin la totalité des sénégalais d’accord....
La CAN en terre ivoirienne est assimilable pour lui, à la quête de l’unanime reconnaissance de ses qualités de techniciens. Le débat serait définitivement clos, sa légende achevée. Il deviendrait « Prophète chez lui ».
Car, avec le coach aux longs rastas, aux grosses lunettes et le public sénégalais, la presse : il y a toujours après les encouragements, les félicitations, des réserves qui suivent. Ses options tactiques, certains de ses choix de joueurs, surtout le jeu développé par son équipe, font toujours l’objet de débats acharnés. Aliou heureusement, ne répond pas à ses détracteurs, semble n’en avoir cure des critiques auxquelles, même ces anciens coéquipiers se sont donnés. Stoïque en tout temps, il n’a jamais eu le mot de trop, de réponse même après la victoire à la CAN. Ce qui traduit sa force mentale. Pour Cissé, qu’importe la manière, seule la victoire est belle. Il s’est longtemps appuyé sur le classement FIFA, au besoin pour confirmer, l’embellie de la sélection, sur le pourcentage de victoires. Choses qui militent en sa faveur.
Mais d’un autre côté, la constante Aliou Cissé, c’est aussi que son Sénégal après 8 ans, n’a toujours pas développé une identité de jeu, des circuits préférentiels de jeu. Aliou valse entre les classements (4-4-2, 4-3-3, 3-5-2), son équipe ne développe pas un jeu flamboyant, sauf contre des adversaires non continentaux (Pologne, Brésil…). Allez savoir pourquoi ?
C’est un Mourinho dans le texte. Et comme le technicien portugais, tout ce qui est unanime autour de celui qui est né en Casamance en 1976 et a rejoint la France à l’âge de 9 ans, c’est qu’il ne fait pas l’unanimité, qu’il divise le public, les techniciens…
Mais au final, seule la victoire compte et Aliou a eu la CAN tant attendue. Il a, en plus, joué une autre finale, s’est qualifié deux fois de suite à la Coupe du Monde. Que lui demander de plus ?
Lire sur le même sujet : Sénégal : Aliou Cissé sans salaire depuis 6 mois
Les clichés ont la dent dure, comme susmentionné, Aliou, est toujours vu comme le rastaman toujours rugissant. Celui qui sait mettre de l’ordre, qui impose le respect. Et, il faut reconnaitre que depuis son installation, à la tête des Lions de la Teranga, l’extra-sportif ne fait plus les choux-gras de la presse. De là à limiter son impact à cet aspect. Cela frise, la sous-estimation.
2023 sonne comme l’heure de vérité pour Aliou, la fermeture d’un chapitre, sur une fin convaincante pour tous enfin ? Aliou, le parachèvement du technicien !, sonnerait comme un bon titre au lendemain du 11 février. Une tout autre tournure, offrirait une suite, ouverte à toutes les possibilités… « Aliou et ses difficultés face aux blocs bas » ; « Aliou et la non-prise de risques » ; « Aliou et le jeu stéréotypé » ; « Aliou et le renouvellement tardif de l’équipe (les reproches du public) »…
Il est reconnu que s’il y a un secteur qui caractérise l’ingratitude, c’est le sport de haut niveau, particulièrement le football. Aliou peut et/ou doit nourrir intérieurement une frustration face à une certaine minimisation de son parcours. Lui, qui est ironiquement appelé « El tactico ». Mais il n’a qu’à relativiser en se rappelant les précédents Shehata avec l’Egypte, Belmadi avec l’Algérie etc. Seul le résultat présent compte au football. Lui-même l’a affirmé au lendemain du sacre sénégalais.
Aliou Cissé, a déjà tout donné ou presque au Sénégal. Une première CAN rangée dans l’armoire anciennement poussiéreuse et vide du Sénégal. Il a fait pleurer les jeunes et surtout les vieux qui ont traversé des décennies de déception, de frustration (1986, 1992, 2004…). C’est une immense source de fierté et de satisfaction, un homme respecté, malgré les critiques. Un homme qui a donné comme jamais ou rarement dans l’histoire autant de joie aux sénégalais.
Il a par ailleurs, été le capitaine de la troupe de 2002 qui a disputé la première finale d’une CAN, certes perdue. Aliou Cissé a raté le penalty qui avait sacré le Cameroun. Ce qui l’a un peu prédestiné à devenir un entraineur. L’ancien joueur du PSG, s’étant promis par tous les moyens d’offrir au Sénégal un trophée en sélection. Il a aussi été le chef de meute lors de la campagne mémorable de l’année 2002 en Corée et au Japon, au Mondial, avec les quarts de finale atteints. Il a été de tous les hauts faits du football sénégalais.
Ce n’est pas tout Rasta-Aliou comme l’affuble certains supporteurs sénégalais, a eu sa première expérience notable d’entraineur, lors de des Jeux Olympiques de Londres en tant qu’adjoint de Karim Séga Diouf (Il a été précédemment entraineur adjoint à Louhans-Cuiseaux). Les harangues et les consignes donnés depuis le banc font que jusqu’à présent, beaucoup pensent qu’il en a été le sélectionneur. Le Sénégal mais surtout Cissé, avait marqué les esprits avec un tournoi mémorable qui s’est arrêté en quarts.
La propagande Aliou pour présider aux destinées du Sénégal était lancée. L’élimination du Sénégal à la CAN 2015, rendait évident le choix sur sa personne. Unanimement ou presque demandé par les sénégalais.
Aliou après le plébiscite, traversera d’assez grosses vagues, après l’élimination en quarts de la CAN 2017 contre le Cameroun, pour son 1er gros tournoi. Un échec qui a fait mal aux sénégalais notamment la presse et ses anciens coéquipiers qui ont décelé des lacunes tactiques, surtout face à un Cameroun inférieur en qualité intrinsèque, qui plus est avec des jeunes joueurs, inexpérimentés.
Une autre déception sera de mise avec le scénario de l’élimination à la Coupe du Monde 2018 du Sénégal au 1er tour. Le Sénégal se fait éliminer en ayant le même nombre de points que le Japon à cause d’un surplus de cartons jaunes. Là aussi le bouc-émissaire tout trouvé est l’entraineur qui a terminé sa carrière à Nîmes. Là-aussi, l’élimination n’est pas passé, le Sénégal ne devait son élimination qu’à lui-même.
2 ans plus tard Aliou retrouvait la finale de la CAN, face à l’Algérie qui battra le Sénégal et en match de poules et en finale. Encore une fois, le public a imputé la défaite, à l’irrésolution de l’équation tactique posée par son ancien camarade de quartier Djamel Belmadi. Le Sénégal a montré une fois de plus après l’élimination par le Cameroun, une stérilité offensive, un manque de réactivité, de sursaut après avoir été mené au score. Mais Aliou, soumis à des contrats de performance reste toujours en poste. Il installe quoi qu’on puisse dire le Sénégal dans la régularité.
Enfin en 2022, Aliou triomphe en finale contre l’Egypte. Au soir de la victoire les critiques sont tues, Aliou peut savourer sa revanche par rapport aux critiques. Qui n’ont cessé de le toucher. « Je pense que cet homme mérite tout le succès qu'il obtient parce qu'il est l'entraîneur le plus critiqué que j'ai jamais vu dans ma vie, mais il n'abandonne jamais », déclarait Sadio Mané après la victoire en demi-finale de la CAN contre le Burkina Faso 3-1. Pour dire que le coach est aussi un homme proche de ses joueurs contrairement aux opinions le décrivant comme un dictateur « Yaya Jammeh ».
Pour en revenir à la victoire du Sénégal à la CAN au Cameroun, le pays est en extase. Aliou se voit qualifier de tous les superlatifs. Il enchaine une 2e qualif au mondial après la double confrontation contre l’Egypte. Aliou vit ses meilleurs moments.
Au Mondial 2022, « El tactico » passe le 1er tour, pour retrouver l’Angleterre en 8es et se fait laminer (3-0). L’exigeant public sénégalais, « qui a une haute estime de son football » comme disait Giresse, reprend les bonnes vieilles habitudes : les critiques. Aliou une fois de plus a montré ses limites technico-tactiques. L’argument lui est opposé comme à chaque résultat négatif par la presse et une partie du public. Son système changeant est aussi décelé, son manque de prise de risque aussi, la lisibilité de son jeu…
Il repart, donc pour une nouvelle aventure qui démarre le 13 janvier pour se finir pour l’heureux élu le 11 février. Aliou a l’expérience requise pour atteindre ses objectifs, un groupe de qualité, des Lions de main, avec qui il a partagé des terrains de chasse… L’histoire d’Aliou se poursuit. Les sénégalais gagent que sa bonne étoile le suivra !
Aliou Cissé pour finir son crayonnage c’est 57 victoires, 20 nuls et 12 défaites. Il a eu une carrière de joueur modeste démarrée à Lille (1994-1997), poursuivi au CS Sedan Ardennes (1997-1998). Aliou Cissé a ensuite rejoint le PSG (1998-2001) puis Montpellier (2001-2002), avant de rejoindre Birmingham (2002-2004), ensuite Portsmouth (2004-2006). Aliou Cissé retournera en France pour boucler la boucle. Il a d’abord joué à Sedan (2006-2008) et a enfin fini à Nîmes (2008-2009). Il a joué 2 CAN en tant que joueur (2002 et 2004), un Mondial (2022).
This #FridayFeeling is brought to you by the one and only, Aliou Cissé 🥳
Who becomes the next #TotalEnergiesAFCON champion to be thrown in the air? 😝 pic.twitter.com/pXgfjZRqrz
— CAF (@CAF_Online) December 22, 2023