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CAN 2025 : comment les Comores ont réalisé la meilleure phase éliminatoire de leur histoire ?

Qualifiés pour la deuxième fois de leur histoire à la CAN, les Comores ont réussi l’exploit de terminer invaincus et premiers d’un groupe comptant la Tunisie. Un résultat qui s’explique par l’alchimie trouvée par le sélectionneur italien Stefano Cusin.

Par Romain Molina

Les Comores se qualifient à la CAN pour la deuxième fois de leur histoire.

Si tout le monde se souvient du parcours épique des Comores à la CAN 2021 au Cameroun, marqué par cette victoire face au Ghana (3-2) en poules et ce huitièmes de finale invraisemblable contre le pays hôte avec un joueur de champ dans les cages (Alhadur), les lendemains ont été beaucoup plus douloureux pour cette équipe enthousiasmante.

Complètement largués durant la phase de qualification de la CAN 2023, terminée à la troisième place avec seulement 7 points en 6 matchs (incluant les deux victoires face au dernier, le Lesotho), les Coelacanthes souffraient de graves problèmes internes. Un conflit latent entre les anciens et la fédération perdurait tandis que les clans minaient la sélection. En off, chaque partie s’accusait et le nouveau sélectionneur, Younes Zerdouk, n’arrivait pas à faire fructifier ses années d’adjoint d’Amir Abdou pour ramener la sérénité nécessaire.

Un an avant, les joueurs ne voulaient plus venir en sélection...

Pour redresser l’équipe, déjà dépourvue d’un de ses cadres ayant pris sa retraite internationale (Fouad Bachirou), la fédération se tourna vers des profils d’entraîneurs ayant réussi dans des contextes sans trop de moyens. Deux noms ressortaient : le Croate Zdravko Logarusic, un baroudeur passé notamment au Zimbabwe, et l’Italien Stefano Cusin, un autre voyageur qui sortait d’une expérience réussie au Soudan du Sud.

Lire aussi : Bénin, Gabon, Comores... ces sélections qui font leur retour à la CAN

Finalement, Cusin fut choisi, notamment pour des questions linguistiques (Logarusic ne parlait pas français et signa finalement en Eswatini) et parapha début octobre son contrat. Cependant, quelques jours seulement après sa nomination, les joueurs publièrent communiqué pour dénoncer des dysfonctionnements constatés en sélection et pointer le président de la fédération, Saïd Ali Saïd Athouman.

Si la plupart des griefs était justifiés (note d’hôtel non réglée en Turquie, organisation défaillante…), la responsabilité d’Athouman devait être tempérée puisque la majorité des charges incombait principalement à d’autres secteurs, dont le secrétariat général ou le team manager. Souvent absent à cause de ses missions pour la CAF et le COSAFA, le président de la FFC, réputé pour sa (très) grande clémence et son manque de fermeté, était cette fois bien décidé : les « mutins » ne reviendraient pas en sélection. Dans ce contexte épineux, Cusin nomma dans l’urgence une liste d’espoirs et de locaux pour affronter le Cap-Vert en amical.

En privé, les fomenteurs de ce « coup » - qui n’étaient pas uniquement des joueurs – espéraient que l’équipe nationale se plante totalement pour légitimer leurs actions. Or, contre toute attente, les jeunes comoriens s’imposèrent 2-1 ! Un résultat fondateur : même sans leurs cadres supposés indéboulonnables, les Coelacanthes pouvaient encore jouer au ballon.

Avoir convaincu de nouveaux binationaux

Désireux d’aplanir la situation, Cusin débuta une longue série de conversations avec les joueurs, dont les cadres les plus remontés comme le milieu Youssouf M’Changama. Apaisant les différends, dans une fédération pas toujours très coordonnée et soumise à des influences extérieures, le sélectionneur convainquit rapidement les anciens de revenir et de se plier aux règles du groupe : aucun individu, joueur compris, ne pouvait être au-dessus de la sélection.

Avec le coordinateur de la fédération, Ahamada Mohamed Thani, ils entamèrent une tournée pour convaincre plusieurs binationaux d’opter pour les Comores. Un travail méticuleux et payant. Rayan Lutin (milieu d’Amiens, 21 ans), Ismaël Boura (latéral gauche de Troyes, 24 ans), Rafiki Said (ailier de Troyes, 23 ans) ou Myziane Maolida (attaquant d’Al Kholood, 24 ans) vinrent dans une équipe en reconstruction avec la promotion de plusieurs joueurs passés en sélection U20 comme le gardien Yannick Pandor (Lens, 23 ans), le milieu Raïmane Daou (OM, 20 ans) ou l’offensif Adel Mahamoud (Nantes, 21 ans), qui avait marqué lors de cette fameuse rencontre face au Cap-Vert.

Surtout, au fil des mois et des résultats probants (9 points sur 12 lors des quatre premiers matchs de qualification à la Coupe du monde dont des succès marquants contre la Centrafrique et le Ghana), des éléments plus huppés se greffèrent à cette dynamique : le défenseur central Warmed Omari (prêté à Lyon par Rennes, 24 ans), le latéral gauche formé un temps au Bayern Rémy Vita (Amiens, 23 ans) et le milieu Zaydou Youssouf (Famalicao, 25 ans). De quoi former un groupe équilibré avec la présence rassurante d’anciens toujours performants tels que le latéral Saïd Bakari, le milieu Youssouf M’Changama ou l’ailier Faïz Selemani.

Adaptabilité tactique

Privée d’un de ses principaux atouts, le Stade de Malouzini, non homologué par la CAF, la sélection débuta timidement ses éliminatoires à la CAN 2025 avec des nuls contre la Gambie et Madagascar. Assez pour créer un début de polémique médiatique, pas forcément aidé par des choix encore hasardeux de la fédération qui nomma comme media officer un journaliste (Elie Djouma) vu par beaucoup en interne comme un opposant.

Malgré d’autres va-et-vient autour de l’équipe nationale, comme le départ de l’ancien directeur sportif et team manager Djamal Mohamed, remplacé dans ses fonctions par El Hadad Himidi, une certaine stabilité s’est installée, bien aidée par l’arrivée d’une nouvelle ministre des Sports, Inayati Sidi, qui succéda cet été à Djaanfar Salim, dont les relations avec le président Athouman étaient très fraîches ; Salim comptant se présenter aux prochaines élections de la fédération.

Dans un climat plus sain, où le sélectionneur faisait l’unanimité au sein de son groupe, les Coelacanthes terminèrent magistralement leur phase de qualification avec une victoire historique en Tunisie, une nation qui n’avait plus perdu un match d’éliminatoire à la Coupe d’Afrique depuis 2010 et une défaite contre le Botswana !

Capable de passer d’un 4-3-3 à un 3-5-2 selon les matchs et les profils adverses, avec des choix forts, Cusin a tiré la quintessence d’une équipe solide à tous les postes. D’un gardien fiable (Pandor) à une défense sublimée par l’arrivée d’Omari, le milieu s’est trouvé à chaque fois des joueurs capables de faire la différence comme Yacine Bourhane (buteur contre Madagascar) pour alimenter une attaque supersonique. Autour de l’expérimenté Faïz Selemani, buteur au retour contre la Tunisie, le duo Rafiki Saïd et Myziane Maolida tortura en contre de nombreuses défenses adverses.

Contre la Gambie, lors du match scellant la qualification comorienne, les deux hommes y sont allés de leur petit but, bien aidés par le travail des hommes de l’ombre tel Kassim M’Dahoma, le défenseur d’Aubagne en troisième division française. Un alliage précieux qui permit à Cusin de faire tourner son effectif lors de la dernière rencontre contre Madagascar, remportée aussi 1-0 pour sceller la première place du groupe et la meilleure série éliminatoire de l’histoire des Comores.

Romain MOLINA

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