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En 1983, un match amical entre le Congo-Brazzaville et l’Angola. Un coup franc qui mit en échec le portier angolais Napoléon. Mais au commencement, une prédiction de Joseph Pambou dit Djo, un ancien célèbre chroniqueur sportif en langue nationale. Une prophétie qui enclencha une riche carrière qui aura duré quarante années.
De notre correspondant à Brazza,
En matière de football comme dans tout autre sport, chaque événement quelque banal qu’il paraisse, constitue toujours une référence. Dans le gratin médiatique du Congo-Brazzaville, Joseph Pambou alias Djo Pambou ne peut oublier ce 3 avril 1983. Ce dimanche, les Diables rouges du Congo reçoivent au stade de la Révolution (actuel Massamba-Débat) de Brazzaville, les Palancas Negras d’Angola.
On est certes bien loin du tour préliminaire des éliminatoires de la CAN 1982 qui se solda en novembre 1980 par la qualification du Congo au premier tour après le 1-1 à Luanda et le nul vierge à Brazzaville. Ce quatrième derby d’Afrique centrale depuis l’indépendance d’Angola en 1975 n’avait pas d’autres enjeux que de cimenter les liens d’amitié et de fraternité entre camarades marxistes en référence à l’idéologie de l’époque dans les deux pays.
Et dans la cabine des journalistes congolais, il y avait aussi et surtout un certain Joseph Pambou, commentateur en kituba, une des deux langues nationales (avec le lingala) du pays. Alors que les deux formations se rendaient les attaques coup pour coup, le Congo obtient en deuxième mi-temps, un coup-franc à une quarantaine de mètres. Jean Jacques Ndomba se montre volontaire pour l’exécution. Pendant que l’arbitre place le mur, Djo Pambou va prédire l’issue, comme s’il prévenait le portier angolais nommé Napoléon. « Je connaissais bien Jean Jacques Ndomba. Effectivement Ndomba tire et marque l’unique but de la partie », se souvient Djo Pambou. Et quand Ndomba marque, Djo Pambou s’exclame : « mu zonzaka ya munu » (je l’avais pourtant dit ou annoncé). Un détail, peut-être. Mais qui lui a valu une certaine notoriété, mais surtout crédibilité aux yeux du public congolais.
« Il était capable d’annoncer un but ou de prédire l’issue d’un match. Personnellement, je le prenais pour un prophète capable de lire l’avenir», souligne Donald Moutsinga, supporteur de V Club Mokanda, un club de ligue 1 basé à Pointe-Noire.
Pour Joseph Pambou, il s’agissait simplement des analyses à partir des observations. «J’assistais aux séances d’entrainements de toutes les équipes. J’analysais leur manière de jouer sur le terrain. Ce n’était pas de la magie ! D’ailleurs, aujourd’hui, on dit que le foot est devenu une science. Et en science, il faut raisonner», tempère-t-il. Pourtant, l’actuel sexagénaire n’avait jamais fréquenté quelque centre de formation en journalisme, encore moins en journalisme sportif. « J’ai appris sur le tas. Tout en m’inspirant des autres », explique-t-il.
Dans le mitan des années 1970, le natif de Longbondi (village à une soixantaine de kilomètres au nord de Pointe-Noire) entre dans la Fonction publique en tant que soldat. Il va servir au groupement aéroporté de Brazzaville. Outre sa connaissance de l’art militaire, Djo Pambou, est aussi ce bon disert éloquent aussi bien en langues nationales qu’en français. Une qualité qui val lui valoir d’être incorporé dans la section langue de «Combattant rouge», une émission de Radio télévision congolaise (RTC), organe d’État.
Et la rencontre avec le journalisme sportif commence en 1978. Le principal présentateur des émissions sportives englué dans des affaires politiques, quitte le pays, laissant ainsi son poste vacant. «C’est en ce moment qu’on va m’appeler pour prêter main forte aux autres. Mon baptême du feu va se dérouler lors d’un choc : Diables noirs-Étoile du Congo. Commenter un choc qui est à la fois un derby n’est pas aisé surtout quand on est débutant », rappelle Djo Pambou.
Commence alors une longue carrière jalonnée de succès. Des succès liés à son talent. Le talent, c’est cet art qu’il avait d’attribuer des surnoms aux joueurs. Ndomba Jean Jacques était surnommé «Le Géomètre». Wamba José était appelé Wamba écriture. Sébastien Lakou pour La boussole.
«Quand tu observais Ndomba, il dessinait des figures géométriques par ses dribbles. Il en est de même pour Wamba. Mouyabi Charles, je l’avais surnommé Chaleur en raison de la pression qu’il mettait sur les attaquants adverses en tant que stoppeur», explique encore Pambou. «En réalité, ces surnoms qui convenaient parfaitement aux joueurs si bien que beaucoup de journalistes reprenaient ces surnoms, y compris ceux de la presse écrite», se souvient Génie Florence Ngouma, journaliste sportive à Télé Congo Pointe-Noire.
«J’ai commenté beaucoup d’événements sportifs, notamment les matchs de football. Mais lui, c’était une source intarissable d’inspiration. Il avait cette façon loufoque de décrire ou de narrer les faits qui faisait de lui un journaliste sportif tout à fait singulier», rappelle quant à lui, Georges Bweillat, journaliste sportif à la retraite et auteur de plusieurs publications sur l’histoire du sport congolais. Djo Pambou, c’est aussi ce lexicologue qui aura enrichi le vocabulaire footballistique de la langue kituba. «Des mots comme tchota (petit pont), ça n’existait pas. Mais c’est lui qui les a créés. Il utilisait le verbe kukomba (littéralement balayer, nettoyer ou effacer) pour dire dribbler», explique encore Ngouma.
Il doit aussi sa popularité à sa chronique musicale à travers l’émission « Samedi na Brazza » (Samedi à Brazza). C’était un programme radiophonique à succès qui faisait la promotion de la musique du Congo et du Zaïre (actuelle RDC). Au point que l’orchestre TP Ok Jazz du Zaïre du célèbre Franco lui dédia une chanson tout entière : «bina na nga na respect» (respecte moi en dansant avec moi, en lingala). Aujourd’hui, malgré son âge, la notoriété de Djo Pambou il continue d’animer ses émissions et continue de partager sa riche expérience aux jeunes générations. « Je n’ai jamais eu de problèmes avec les joueurs, les dirigeants ni les musiciens. Tout simplement parce que je me suis toujours efforcé de respecter la déontologie, l’éthique et la loi. Et pour y parvenir il faut aimer ce qu’on fait », explique-t-il.
John NDINGA NGOMA
