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Congo-football : entre loisir et alimentation, les jongles pour survivre

À Pointe-Noire, au Congo-Brazzaville, des jeunes joueurs de football pratiquent la jongle. La pratique prend petit à petit de l’ampleur. C’est leur plan B pour subvenir à leurs besoins et s’assurer des loisirs sains.

De notre correspondant au Congo,

jongle, Congo Brazzaville
Ekany Ngakosso, un jongleur "professionnel"

On l’appelle le footballeur ambulant. C’est Ekany Ngakosso, un jeune garçon qui, ballon à la main, arpente les artères et les quartiers de Pointe-Noire pour faire la  jongle. Pour le milieu offensif, il est avant tout question de maintien ou de survie sportive.

Ekany Ngakosso n’est pas le seul footballeur à jongler avec la balle en public dans la capitale économique congolaise. Pas encore de chiffres officiels, certes, mais des observateurs estiment que le phénomène est désormais bien ancré dans la ville, comme dans tout le pays. « Le phénomène ne date pas d’aujourd’hui. Sous d’autres cieux il est très avancé. Mais c’est maintenant qu’il prend de l’ampleur », explique Pépin Herman Ékouakoubou, journaliste sportif dans une chaîne de radio locale.

Loisir et gagne-pain

Un phénomène favorisé par plusieurs facteurs. À Pointe-Noire comme un peu partout dans le pays, le football n’étant pas professionnel, les clubs surtout ceux de divisions inférieures accusent de sérieuses difficultés dans leur fonctionnement. Ce qui impacte très souvent la vitalité du joueur. Et chacun est obligé de se débrouiller à sa manière.

« Pour moi, la jongle, c’est beaucoup plus une question de survie sportive. Je dis survie sportive, parce que les entraînements ne sont pas réguliers au niveau de mon club, faute de moyens. Du coup, on perd parfois certaines qualités. Donc, pour me maintenir, je dois pratiquer la jongle », explique Ekany Ngakosso.

Le Congo-Brazzaville, c’est aussi cette rareté des centres de loisirs. Face à une telle réalité, les jongles deviennent le plan B pour répondre à ce besoin de loisir. « Je suis élève en classe de 5e. Oui, je vais à la bibliothèque. Mais je ne peux pas passer toute la journée à lire ! La logique serait qu’après les activités scolaires (cours, lecture, etc.), j’aille me distraire. Mais les centres de loisirs sont rares », déplore le jeune milieu offensif.

Il y a aussi des motivations financières. « Tel que vous le constatez, je viens jongler ici (marché central de Pointe-Noire, NDLR) avec une petite corbeille. Je n’oblige pas les spectateurs à y laisser quelque chose. Mais chacun de sa propre volonté peut faire un geste. Mes parents sont démunis. Âgé de 25 ans, je ne travaille pas et je ne vais plus à l’école. Plutôt que d’aller voler, je viens jongler. Et ça me permet de nourrir ma compagne et notre fils qui a maintenant deux ans. Donc, c’est mon gagne-pain en attendant de trouver un bon travail », explique un autre jongleur qui a préféré garder l’anonymat.

Encourager les talents par la création des structures

De leur côté, de nombreux spectateurs n’hésitent pas à faire ce geste. « Il s’agit d’encourager les jeunes talents. Peut-être qu’un jour, ils auront des conditions optimales pour exprimer librement et pleinement leur talent. C’est pourquoi je leur donne toujours un billet ou une pièce. Je n’ai pas de préférence, je donne à tous les jongleurs qui s’exhibent devant mon commerce et je le ferai toujours aussi longtemps qu’ils passeront par ici », se félicite Abou Moussa, commerçant de vêtements au marché central de Pointe-Noire.

Pendant ce temps, ce sont des talents qui sombrent dans l’anonymat. « La jongle ne fait pas de vous un bon joueur. Tu peux bien jongler, mais si tu ne sais pas te libérer du marquage, tu ne sais pas offrir des solutions à tes partenaires par des passes et des dribbles réussis, tu n’es rien. Donc, ces jeunes on les attend sur le terrain plutôt que dans les marchés et les rues », explique Pépin Herman Ékouakoubou, journaliste sportif dans une chaîne de radio locale.

Lire aussi : Football : au Congo, la professionnalisation à l’épreuve de la transition

Pour des défenseurs des droits de l’Homme, il est grand temps que les pouvoirs publics pensent à prendre mesures conséquentes. « Au moment où je vous parle l’humanité célèbre la journée mondiale des droits de l’enfant sous le thème ‘‘Pour chaque enfant, tous ses droits’’ (20 novembre, NDLR). Mais parmi ces droits, il y a les plus fondamentaux, l’éducation et les loisirs, comme on peut lire dans la Convention internationale des droits de l’enfant. L’État gagnerait ainsi à construire des centres de loisirs et des installations sportives pour permettre à nos touts petits d’exprimer leur talent. Sans quoi, nous resterons témoins et figurants des grands événements footballistiques », explique Fabrice Sévérin Kimpoutou, défenseur des droits de l’homme.

John Ndinga-Ngoma

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