Privées de matchs à domicile dans leurs enceintes habituelles respectives, les académies Diambars et Génération Foot ont engagé un bras de fer avec la ligue sénégalaise de football professionnel (LSFP). Les deux équipes ne se sont tout simplement pas présentées pour recevoir au stade Lat-Dior lors de la 2ème journée de Ligue 1. Leur absence a été constatée et les deux équipes risquent le forfait. Le timing de l’application par la LSFP du fameux article 11 des règlements de la Fédération sénégalaise de football suscite beaucoup d’interrogations. Face à cette situation, Diambars et GF semblent déterminées pour aller jusqu’au bout de leur résistance aux instances du football.
Au lendemain de la période faste du football sénégalais vainqueur de 5 trophées de la CAF entre 2022 et 2023, l’on se tire dessus au pays des champions d’Afrique en titre. Parent pauvre de cette discipline au Sénégal, le football local traverse une crise en cette nouvelle saison. La FSF a notifié à la Ligue le 10 octobre dernier, l’application de l’article 11 de ses règlements des terrains, stades et installations annexes. Ce dernier dit que : « En tout état de cause, une structure privée (centre ou académie) ne peut pas abriter un match de championnat de L1 ou L2, de championnat de N1 et N2 ou de coupe du Sénégal à compter de la saison 2023-2024 ». Une soudaineté qui remet en question la pertinence constructive d’une telle décision.
Un timing qui sème le doute
Ancien président de Guédiawaye FC avec lequel il réussit la montée et gagne la coupe de la ligue en 2014, Diamil Faye trouve cette décision « assez bizarre ». « Cela fait des années que Diambars et Génération Foot font des efforts pour améliorer leurs installations et que tout le monde y joue. Quand j’étais président de GFC, on avait des appréhensions sur ces installations mais il n’y a jamais eu quoi que ce soit qui puisse justifier que ces stades ne soient pas homologués », a-t-il reconnu au micro de Sport News Africa. Et d’ajouter : « Pour arriver à cette décision, il aurait fallu qu’à l’intersaison, la Ligue publie un cahier des charges très clair des installations qui doivent être utilisées pour les matchs de championnats et de coupes. »
Un timing qui interroge également du côté de Diambars. Joint par téléphone, Alioune Touré, manager sportif à l’académie de Saly fustige d’emblée cette mesure : « L’application de l’article 11 contre les structures privées est nulle, non avenue et incongrue. Ils ne peuvent pas, au moment où on manque d’infrastructures, sortir un règlement signé le 10 octobre pour une saison qui démarre le 28 octobre et qui signifie à certaines équipes qu’elles n’ont plus la possibilité de recevoir dans leurs stades. Diambars FC n’est pas juste un centre mais un club qui est né de la fusion entre l’association Diambars et la société Diambars FC. Le club a ses états financiers, ses salariés, son patrimoine, son bus, le club a son stade », a-t-il rappelé.
Du côté de la LSFP, on précise que la décision émane de la FSF. « La Ligue n’a aucune raison ou motivation particulière sur l’application des règlements qui viennent de la Fédération. Relativement à l’article 4 et 5 des règlements généraux de la Fédération, toutes les décisions de cette dernière s’imposent à toutes les ligues et démembrements de la FSF. La LSFP n’a fait qu’appliquer un règlement qui lui est parvenu de la Fédération sans aucune arrière-pensée », nous confie M. Abdoulaye Guèye, membre du conseil d’administration de la LSFP et vice-président de Stade de Mbour (club de L1).
Une chose que partage également le dirigeant de Diambars. « C’est une décision qui vient de la Fédération. Sur ce règlement il y a 19 articles. Comment peut-t-on en choisir un et l’appliquer avec effet immédiat, s’interroge Alioune Touré. Ça montre qu’on est directement visé. S’ils ne s’intéressent pas aux autres articles, c’est parce qu’ils savent qu’aucun stade ne répond aux 36 critères que requièrent l’homologation, à part le stade Abdoulaye Wade. Quand tu veux sanctionner quelqu’un, tu lui donnes un préavis. On ne comprend vraiment pas cette décision. Nous ne sommes pas des ennemis mais des collaborateurs. On doit donc se tirer vers le haut », a-t-il invité.
Dimanche 5 et lundi 6, la LSFP avait respectivement programmé au stade Lat-Dior, les réceptions de Diambars contre Sonacos et Génération Foot contre US Gorée. Les deux clubs avaient décidé de ne pas répondre à la convocation et ont donc été déclarés forfait sur tapis vert (0-2). Une position ferme qui inquiète. « Est-ce que la Ligue a aujourd’hui une commission qui s’occupe des infrastructures, qui est active et qui sur la base d’études sur la sécurité, de confort, peut dire que ces terrains ne sont pas valables ? En attendant d’en savoir un peu plus, je trouve ces décisions absolument arbitraires. Il aurait fallu un dialogue parce qu’on constate les forfaits de Diambars et Génération Foot. Que va-t-il se passer lors des prochaines journées ? », s’inquiète Diamil Faye, aujourd’hui président de Jappo Olympique Club de Guédiawaye.
« Nous ne recevons sur un terrain vague ou un des terrains d’entraînement de l’académie, précise M. Touré. Le stade Fodé Wade appartient à Diambars FC, tout comme l’Emirates Stadium appartient à Arsenal. On doit plutôt tendre vers ça, que les clubs aient chacun leur stade et que les recettes de billetterie aillent directement dans leur caisse. On ne doit pas faire 10 pas en avant et 20 pas en arrière. Les stades Djibril Diagne de Déni Birame Ndao et Fodé Wade de Saly, sont des lieux qui offrent toutes les commodités pour accueillir un match de la ligue professionnelle ».
La LSFP de son côté rappelle les dispositions de la FSF et que l’application des règlements n’est pas une chose à laquelle elle a son mot à dire. « Il faut comprendre que cette décision sur les terrains des compétitions émane de la FSF. Le règlement stipule qu’il est applicable dès sa signature, soutient M. Guèye. La Ligue n’avait pas d’autres options que de l’appliquer. S’il s’agit de dérogation, il n’y a que la Fédération qui puisse la faire, la Ligue n’a rien à voir avec cela. La question n’est pas avec la Ligue mais plutôt avec la Fédération. On met la Ligue en première ligne mais on connaît les statuts par rapport aux démembrements de la FSF et de la LSFP. C’est une décision de la Fédération et son comité exécutif, qui est le gouvernement du football », a-t-il expliqué.
Génération Foot et Diambars ont récemment fait des communications pour signifier à la LSFP qu’elles ne recevraient pas au stade Lat Dior de Thiès. Alioune Touré est encore plus explicite sur la position de Diambars. « Notre position reste que nos matchs se tiendront toujours au stade Fodé Wade. Il y a des dirigeants de la Ligue et de la Fédération qui ont pris leur bâton de pèlerin pour jouer les bons auspices pour trouver une issue à cette situation », répond-il. En déplacement ce samedi contre Jaraaf, pour le compte de la 3ème journée de Ligue 1, Diambars repousse l’échéance d’un 2ème forfait. Une situation à laquelle GF sera confrontée GF dès lundi pour la réception du promu Jamono Fatick. Le club de Déni Birame Ndao risque une exclusion en cas d’un 2ème forfait lors du même exercice. L’article 29 des règlements de la FSF dispose que : « toute équipe déclarée ou déclarant forfait deux fois au cours de la même saison en compétitions officielles de la même catégorie, sera déclarée forfait général. Les résultats de tous ses matchs seront annulés ».
Ces tensions ne surprennent pas tant que cela. Tout est parti de la dernière assemblée générale élective de la FSF où Saër Seck, président de Diambars et Mady Touré, président de GF se désignent challengers de Me Augustin Senghor, candidat à un 4ème mandat à la tête de l’instance. Des intérêts menacés pour certains membres actuels du comité exécutif sont à l’origine de cette tension. « J’ai combattu Saër Seck quand il était président de la Ligue pour des raisons claires. Aujourd’hui je trouve qu’il subit une injustice. On peut même parler de cabale parce que la décision est injuste. Il faudrait que la Ligue donne des éléments qui puissent justifier cette décision. Nous n’avons pas d’infrastructures qui nous permettent d’accueillir des matchs de football, encore moins de les téléviser. Il faut encourager ceux qui sont en train d’investir. Je pense à Mady Touré. J’ai visité Génération Foot il y a 5 ans. À l’époque, il était en train de faire des aménagements pour améliorer le cadre de son stade. Si on lui met une balle dans la patte, on n’est pas en train de l’aider », se désole Diamil Faye.
Face à ce climat délétère, rétablir le dialogue est primordial pour ne pas s’enfermer définitivement, comme le préconise Abdoulaye Guèye. « Je souhaite qu’à la fin, une issue heureuse soit trouvée face à cette situation qui n’est pas dans l’intérêt du football. Des portes sont ouvertes pour régler ce problème. Le conseil que je donne à Diambars et GF, c’est d’affecter le règlement car tous les clubs affiliés à la Fédération doivent accepter toutes les décisions émanant de cette Fédération. Mais en même temps, des possibilités leur sont offertes. Il faut exploiter ces possibilités plutôt que d’aller au bras de fer. Il faut aller vers la décrispation pour l’intérêt du football sénégalais car il est évident que Diambars et Génération Foot jouent un rôle important dans ce football », a-t-il conclu.
Moustapha M. SADIO
