Meilleur joueur de la finale de la CAN 2023, Simon Adingra n'a pas du tout connu une trajectoire rectiligne. Victime d’un agent véreux alors qu’il n’avait que 11 ans, l’adolescent a très tôt quitté sa Côte d’Ivoire natale, erré au Bénin avant de connaître le salut au Ghana.
Simon Adingra n'a pas passé beaucoup de temps à Bonoua, ville située à quelques kilomètres de la frontière ghanéenne où vivent ses parents. Le natif de Yamoussoukro, originaire de Tangamourou, village de la commune de Tanda situé sur l'axe Tanda-Sandegué, à l'Est de la Côte d’Ivoire, a vite quitté le cocon familial.
Il a toujours rêvé de devenir footballeur mais il a connu des débuts compliqués. Après avoir commencé le football, dans la rue à Abobo, quartier le plus peuplé d'Abidjan, il s'est retrouvé au cœur d'une vaste escroquerie. Comme en sont victimes aujourd'hui beaucoup de jeunes footballeurs, contraints à l'exode et embarqués vers des destinations inconnues par des agents ou intermédiaires de joueurs véreux.
Les parents de Simon Adingra ont été approchés par un de ses quidams qui leur a promis un destin à la Mbappé s'ils le laissaient emmener leur garçon dans une grande académie européenne contre espèces sonnantes et trébuchantes. Soucieux du devenir de leur gosse, ils cèdent au baratin et Simon se retrouve non pas en Europe mais au Bénin. A l'époque, le môme de 11 ans, ne se doute de rien. Il effectue le voyage avec neuf autres bambins tous aussi doués les uns que les autres au football.
Nous sommes en 2018. Quelques mois après avoir atterri au pays des Amazones, Adingra et ses copains sont abandonnés par leur supposé bienfaiteur. Livrés à eux-mêmes, ils attendent un coup de main de la providence, errant dans les rues de la capitale béninoise le vague à l'âme.
L'un des premiers coaches Ivoiriens d'Adingra, que Sports News Africa a rencontré justement à Abobo le 18 février 2024 a raconté cette mésaventure qui aurait pu faire basculer le destin de ces jeunes du côté obscur.
«Quand ils sont arrivés au Bénin, le monsieur a fait semblant d'être là auprès d'eux deux ou trois jours avant de prendre la poudre d'escampette. Seuls, sans famille dans ce pays inconnu, ils se sont résolus, après avoir séché leurs larmes, à faire de petits métiers pour survivre. Leur force, c'était leur solidarité. Ils étaient une dizaine. Ils faisaient tout ensemble. Et un jour, alors qu'ils se baladaient à la recherche de leur pitance quotidienne, leur accent ivoirien, reconnaissable à mille lieues a attiré un monsieur. Il s'appelait Wilfried Sourou. C'était un banquier béninois. Il a vécu quinze ans en Côte d'Ivoire. Il est même marié à une Ivoirienne. Il savait donc reconnaître les Ivoiriens quand il en voyait. Il a pris soin des gamins. Il a ainsi créé son académie du nom de ABI Sports avec ce noyau de 10 jeunes Ivoiriens auquel il a greffé de jeunes Béninois», explique Keita Kassoum dit coach Saviola.
A partir de cet instant, Simon Adingra et ses potes ont senti un réel changement. Il faisait partie d'un vrai projet, même s'il n'était qu'au début. Leur seule voix désormais c'était leur talent qu'ils exprimaient sur les terrains vagues de Cotonou et dans les tournois officiels. Un des scouts de Right To Dream, une académie ghanéenne, très performante dans la formation vient alors en prospection au Bénin et tombe sur les prodiges dont toute la ville parlait. Il s'appelle Jeremy Seethaal. C'est un Sud-Africain. Il emmène tout ce beau monde pour deux semaines de tests à Accra.
«A l'issue de ce test, seul Simon a été retenu », informe Sourou. «Nous étions heureux, tous heureux de l'avoir avec nous. Malgré sa timidité, son talent parlait très fort», confie Seethaal.
Après trois ans de formation, Adingra est transféré au club danois de Nordsjaelland en 2020. Il y dispute 38 matches pour 11 buts en deux saisons avant de signer à Brighton puis d'être prêté dans la foulée à l'Union Saint-Gilloise en Belgique. La suite on la connaît pour le champion d'Afrique de 22 ans seulement...
Sanh Séverin