Fondé en 1939, le Wydad Casablanca a dû attendre plus d'un demi-siècle pour décrocher sa première Ligue des Champions de la CAF. C'était lors de la 28e édition de ladite compétition en 1992. Un souvenir que la famille wydadie garde encore en mémoire en raison du contexte particulier.
Le Wydad de Casablanca est l'une des équipes les plus titrées d'Afrique. Avec 22 sacres en championnat, 9 Coupes du Trône et 3 Ligues des champions de la CAF en 5 finales disputées, les Rouge et Blanc affichent un palmarès incroyable. Mais pour glaner toute cette collection, il aura fallu batailler dur. Surtout lors du premier sacre sur la scène africaine. Nous sommes en 1992. Le Wydad court après la C1 depuis des décennies.
Entre temps, le rival, le Raja, a déjà décroché la reine des Coupes africaines de clubs trois ans plus tôt. Fait étonnant, le Raja est créé 10 ans après le Wydad. Une certaine anomalie que les Rouge et Blanc veulent réparer. Si au début de la compétition le WAC n'était pas perçu comme le principal favori, le club marocain croyait en ses chances. L'effectif est, en effet, riche. Avec Hassan Benabicha, Rachid Daoudi, le Sénégalais Moussa Ndaw, Noureddine Naybet, Fakhreddine Rajhi, Lahcen Abrami, Youssef Fertout..., il y avait les atouts pour réaliser un exploit inédit.
Les Rouge et Blanc font d'ailleurs un premier parcours sans grande difficulté. Ils écartent d'abord le Real Bamako au premier tour (2-0 au retour) après une défaite à l'aller (2-1). Puis, les Nigérians de Julius Berger où évoluait un certain Taribo West tombent face au club marocain (0-0 puis 2-1). En quarts de finale, le Wydad doit faire face aux Zambiens de Nkana. Là aussi, il va falloir sortir le grand jeu pour éliminer un club habitué aux joutes continentales. A l'aller, les Marocains s'inclinent (2-1), mais peuvent compter sur un but extraordinaire de Moussa Ndaw. Au retour, le même Ndaw inscrit un retourné acrobatique inoubliable, contribuant au succès des siens (3-1).
Le voyage en Zambie à l'aller reste inoubliable en raison d'un incident. «A l'époque, le problème principal, c'était les vols d'avions. Parfois, on partait en Europe et à partir de là-bas on devait rejoindre un autre pays d'Afrique. Une fois, nous nous rendions en Zambie et un moteur de l'avion a pris feu. L'appareil a failli s'écraser. On n'a fait demi-tour vers Laâyoune. On a voyagé une fois plus de 250 km sur des routes montagneuses et on a joué sur un terrain à côté d'une usine de cuivre, donc impossible de s'oxygéner. A cela, s'ajoutait l'arbitrage qui était très médiocre », se souvient Abderrahim Talib, adjoint de l'entraîneur ukrainien de l'époque Yuriy Sevastyanenko et aussi préparateur physique de l'équipe.
Mais ces péripéties n'étaient rien par rapport à ce qui attendait les Rouge et Blanc sur certains terrains du continent.
« Le parcours du Wydad était plus ou moins facile jusqu'aux demi-finales où nous avons rencontré l'ASEC d'Abidjan. Le premier problème, c'était l'arbitrage. En plus, le gazon était impraticable. On perdait 3-0 à l'extérieur et il y avait une expulsion dans nos rangs. Ce jour-là, l'arbitre nous a massacrés», se souvient Talib. «C'est à la fin qu'on a obtenu un coup franc au milieu de terrain. Daoudi a demandé à le tirer. Il l'a frappé et le ballon a touché la barre, ensuite Moussa Ndaw a marqué », poursuit notre interlocuteur.
Ce but de l'ex-international sénégalais, toujours considéré comme le meilleur joueur étranger de l'histoire du championnat marocain, allait beaucoup peser lors de la manche retour. « Avec ce but, nous étions plutôt optimistes pour la manche retour. Mais l'Asec à l'époque était une très grande équipe, avec huit joueurs en sélection nationale. Toutefois, nous avions 80.000 supporters qui étaient derrière nous durant tout le match retour à Casablanca », explique Talib.
« Daoudi a marqué puis Mjid a inscrit le but qui nous qualifiait à la finale. Nous avions géré le match, mais c'était très difficile. C'était même un exploit du Wydad vu la grande équipe que l'Asec avait», reconnaît tout de même Talib.
A deux matchs d'un premier sacre historique, le club reste mobilisé. Les moyens étaient mis en œuvre pour assurer un premier titre sur la scène africaine.
« En finale aller, on faisait aussi face à une grande équipe d'Al Hilal (Soudan). Ils nous ont aussi posé beaucoup de problèmes à Casablanca. Mais à la mi-temps, nous avions essayé de changer de système pour mieux bloquer leurs ailiers. Avec ce système, on a obtenu un penalty transformé par Rachid Daoudi en fin de rencontre (87e). Puis Youssef Fertout a inscrit un second but après une frappe repoussée de Moussa Ndao (90e) », raconte nostalgique Talib. Ndao sera d'ailleurs auteur de 4 réalisations durant ce parcours marquant du Wydad.
Mais à Omdourman, ce fut une autre paire de manches. Le grand Al Hilal voulait son trophée à domicile. « Pour cette finale, Al Hilal était très mobilisé. Je me souviens que le stade était déjà plein depuis 11h00 du matin et il faisait très chaud au Soudan », se rappelle Talib. Mais pour lui, le Wydad était psychologiquement préparé à ces circonstances.
« Au match retour, nous savions très bien que nous pouvions jouer le nul avec notre défense composée de Daoudi, Naybet, Abrami, Fadel. Au milieu, avec Benabicha et l'Ukrainien Vassili Postnov notamment, et en attaque avec Moussa Ndaw, Fahreddine et parfois El Hassouni. On a joué la nul jusqu'à la fin. Et c'était un exploit pour le WAC à l'époque ».
« A la fin du match, quand nous avions gagné la Coupe, on nous avait bombardé avec des projectiles. Le secrétaire général du Wydad, feu Abdelhak, avait même reçu un coup après avoir levé le drapeau (du Maroc ndlr). Nous avions très peur parce qu'à l'époque, c'était un régime militaire qui dirigeait le Soudan. Nous avions été escortés par des gendarmes à la sorite. C'était le match qui m'a le plus marqué de tout notre parcours », raconte Talib.
Pour le technicien, la force de l'équipe résidait dans "l'homogénéité et la notion de groupe". « Yuriy Sevastyanenko, le coach, était très relaxe avec les joueurs. Moi j'étais l'adjoint et le préparateur physique. A l'époque, on ne connaissait pas trop le préparateur physique dans les clubs. Notre force c'étaient les liens solides qui existaient entre nous ».
Durant ces années, se déplacer en Afrique pouvait être compliqué. Après quelques difficultés durant les premières rencontres, les autorités marocaines ont aussi facilité les déplacements du Wydad. « Parfois, il arrivait d'être mal-logés en déplacement dans des hôtels où la nourriture était immangeable. Pendant certains déplacements, on emmenait tout avec nous, nourriture y compris. C'était très difficile. C'est à partir des quarts de finale que nous avions été soulagés par Sa Majesté Feu Hassan II qui nous a donné un avion militaire avec des soldats qui nous accompagnaient. Cela nous a soulagés ».
« Après la finale, le retour au Maroc était triomphal. On pouvait voir des milliers de supporters à l'aéroport. On voyait des gens qui pleuraient, des gens qui étaient contents... Nous avions communié avec tout le peuple marocain. De l'aéroport jusqu'à l'hôtel, c'étaient des milliers de supporters, car c'était un match retour très réussi contre Al Hilal ».
Mohamed Hadji