Dans quelques jours, le Sénégal ira défendre sa couronne de champion d’Afrique en Côte d’Ivoire avec une délégation, un staff technique et des joueurs expérimentés et rompus à la tâche. En 1986 par contre, après 18 ans de traversée du désert, les Sénégalais inexpérimentés ont enchainé les bourdes jusqu’à l’élimination au premier tour d’une des plus belles générations.
Avant de se hisser au sommet de l’Afrique le 7 février 2022 au Cameroun, le Sénégal a vécu plusieurs échecs à la CAN. Les uns plus cruels que les autres. De Tunis à Mogomo en passant par Asmara et Bata, les Lions ont versé des larmes de tristesse presque sur tout le continent. Mais pour beaucoup d’observateurs la plus grosse déception reste Egypte 1986.
Après 18 ans de traversée du désert, le Sénégal avait pu enfin retrouver le gratin continental. Logés dans la poule A de cette CAN 1986, les Lions sont avec le pays organisateur l’Egypte, la Côte d’Ivoire et le Mozambique. Doté d’une génération dorée avec notamment Jules François Bocandé, Cheikh Seck, Boubacar Sarr ‘’Locotte’’, Thierno Youm, Pape Fall, Amadou Diop ‘’Boy Bandit’’…, le Sénégal domine l’Egypte 1-0 au Caire en match d’ouverture devant pratiquement plus de 120 mille spectateurs. Trois jours plus tard, c’est le Mozambique qui prend sa dose (2-0).
Avec deux victoires en deux sorties, trois buts marqués et zéro encaissé, les Sénégalais qui ne connaissaient pas bien le règlement croient avoir déjà décroché la qualification avant même d’affronter la Côte d’Ivoire pour le dernier match de poule. «Personne dans le groupe, ni joueurs, ni dirigeants encore moins techniciens n'avaient l'expérience de la gestion d'une compétition comme la CAN», témoigne l'ancien portier Cheikh Seck dans le livre du journaliste sénégalais Babacar Khalifa Ndiaye intitulé ‘’Le Sénégal à la CAN du foot : pourquoi les Lions n’y arrivent toujours pas ?’’
«Après le super exploit face à l’Egypte et ses 120 mille supporters, l’euphorie a gagné les rangs, joueurs, et dirigeants confondus. On s’est grisé sans l’avoir fait exprès. Nous n’avions pas su gérer l’exploit. L’hôtel était ouvert aux quatre vents. 24 heures sur 24», ajoute Boubacar Sarr ‘’Locotte’’ . «Il était impossible de récupérer», renchérit son capitaine à l’époque Amadou Diop ‘’Boy Bandit’’».
Très confiant, le Sénégal (4 pts), leaders après ses deux victoires devant la Côte d’Ivoire (2 pts) et l’Egypte (2 pts) pensait que son opposition contre les Ivoiriens n’était qu’une formalité à respecter avant les demi-finales. D’ailleurs juste avant le match, les Lions étaient pépères chez l’ambassadeur du Sénégal en Egypte pour bouffer non pas un Eléphant mais... un bon Ceebu Yapp bien gras (riz à la viande). «A l’échauffement déjà, le trop plein d’huile nous montait à la gorge», se rappelle Pape Fall, latéral droit des Lions à cette CAN 1986.
Les Ivoiriens, revanchards parce que battus par les Lions quelques semaines auparavant en finale du tournoi de la CEDEAO, s’imposent 1-0. Un résultat qui élimine les Sénégalais incrédules. L’Egypte finit premier (4 pts+3), la Côte d’Ivoire deuxième (4 pts+2), le Sénégal troisième (4 pts+2) et le Mozambique dernier (0 pt-7). «Après la défaite contre la Côte d’Ivoire, on était tranquillement resté au stade pour suivre le match Egypte-Mozambique parce que dans nos têtes, on était qualifiés en demi-finale. C’est de retour à l’hôtel qu’on a entendu parler pour la première fois du goal-différence particulier qui nous éliminait au profit de la Côte d’Ivoire. La preuve qu’on ne savait rien du règlement de la compétition», ressasse Amadou Diop.
Le seul ‘’Ceebu Yapp’’ bien gras n’expliquait pas le revers des Lions dans ce match crucial contre la Côte d’Ivoire. Juste avant la rencontre, selon plusieurs témoignages les Lions avaient abusé de bains mystiques. «On en avait tellement pris que l’eau débordait dans les couloirs, menaçant même d’inonder les lieux. Et moi par exemple qui suais à grosses gouttes d’eau dès les premières foulées à l’échauffement, j’ai eu un mal fou à transpirer ce jour-là», raconte Pape Fall. Et la veille une histoire de primes était venue perturber leur sommeil. «On est resté à discuter de primes jusqu'au-delà de 23 heures, alors que nos adversaires qui partageaient le même hôtel que nous avaient regagné leur chambre dès 21 heures» rajoute l'ancien joueur l'Olympique de Marseille et de Caen.
Yacine DIENG