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RDC : un système de blanchiment des capitaux sous couvert du financement de groupements sportifs ?

Dans le milieu du sport congolais où l’on observe une forte présence des acteurs politiques, il faut s’interroger sur l’existence d’un système de blanchiment des capitaux sous couvert du financement de groupements sportifs.

Le sport congolais est-il touché par le blanchiment de capitaux ?

Selon l’histoire, l’empereur romain Titus Flavius vespatianus est l’auteur de la célèbre phrase « l’argent n’a pas d’odeur ». De cette affirmation, le blanchiment des capitaux trouve un sens comme opération de justification de l’origine douteuse d’une quelconque somme.

Une notion ayant sa place dans le milieu du football

La mondialisation influence la pratique du sport notamment le football qui est devenu une activité planétaire. Le football c’est encore une économie autour de laquelle gravitent des sociétés à objet sportif, des agents sportifs, des fonds d’investissement, des sponsors et équipementiers et bien d’autres acteurs à la recherche du profit à telle enseigne que l’on dénonce la capitalisation du football, autrement le fait que l’on recherche toujours à maximiser le profit, chose qui dénature son côté ludique et divertissant.

En outre, cette capitalisation du football occasionne la pratique des activités illicites qui se présentent de plusieurs manières notamment le blanchiment des capitaux que la FIFA dénonce, en mars 2023, dans son rapport intitulé « Réforme du cadre réglementaire sur les agents : Contexte, problèmes et solutions », établissant : « en l’absence de réglementation stricte, il existe un important risque de comportement abusif, excessif et contraire à l’éthique de la part des agents. La FIFA a découvert que certains agents menaient des activités très douteuses, contraires à l’éthique et potentiellement criminelles, notamment des comportements criminels ou contraires à l’éthique (corruption, blanchiment d’argent, fraude, traite de joueurs mineurs, etc.) […]  la manipulation de matches en lien avec des paris sportifs, des mouvements de fonds opaques, servant parfois à financer des activités illégales […] ».

Abordant les techniques de blanchiment et moyens de lutte, l’expert Eric Vernier rappelle que « Selon le dictionnaire Le Petit Robert, “ le blanchiment est une opération qui consiste à donner une existence légale à des fonds dont l’origine est frauduleuse ou illicite ”. Dans Le Petit Larousse, le blanchiment est désigné comme “ l’action qui fait subir à des fonds diverses opérations à la suite desquelles toute preuve de leur origine irrégulière ou frauduleuse peut être dissimulée”».

Pour l’expert Pim Verschuuren, chercheur à l’IRIS, auteur de « Blanchiment d’argent, un nouveau fléau pour les paris sportifs», il faut savoir que : « L’économie du sport moderne, née et développée au fil du XXe siècle, concentre de forts risques de blanchiment d’argent à travers les différents acteurs qui ont participé, et participent encore, à la croissance de l’économie du sport : clubs, fédérations, agents d’athlètes, cabinets d’avocats, investisseurs économiques, sponsors, etc. Le blanchiment à travers le sport est un phénomène relativement nouveau, car l’économie du sport est elle-même nouvelle. L’argent illégitime suit les flux économiques légitimes ».

Le modèle d’organisation sportif congolais comme vecteur du blanchiment

Bien que la République Démocratique du Congo soit un pays d’économie libérale, en matière de sport, l’on ne cesse de dénoncer la présence des acteurs politiques qui ralentissent le développement de l’économie du sport.

Lorsque les organismes Ebutelli et Groupe d’études sur le Congo publient, en mars 2023, leur rapport « Jeux de pouvoir, pouvoir du jeu : football et politique en République démocratique du Congo», ils insistent sur le fait que « le football est le sport le plus populaire en République Démocratique du Congo (RDC). Loin d’être seulement un jeu, c’est aussi une extension de l’arène politique : hommes et femmes politiques s’y mêlent en cherchant à devenir présidents des clubs, avec l’espoir de trouver ou renforcer des bases électorales à travers une popularité sportive. En même temps, le pouvoir politique cherche aussi à contrôler les grandes équipes afin de s’en servir pour des fins politiques ».

Lire aussi : RD Congo : manigances aux élections de la commission électorale de la Fecofa ?

Or, les personnalités politiques congolaises se caractérisent par une gestion opaque, moins bonne ou carrément mauvaise des ressources publiques. Toujours dans le même rapport, le 21 septembre 2022, un dirigeant de la Fédération congolaise de football confiait lors d’un entretien qu’en RDC, quand on est une autorité publique, « on a des ressources qu’on peut puiser même dans le budget alloué a une institution publique pour financer son équipe ». Encore, un ancien conseiller financier dans un gouvernement provincial reconnaît cette situation, lors d’un entretien le 10 novembre 2022, en parlant de « détournement des recettes de la province pour financer l’équipe de football du gouverneur ».

Ainsi, l’on peut s’interroger avec beaucoup de légitimité, sur les intentions de ces personnalités publiques qui détournent les ressources publiques, afin de financer les activités des groupements sportifs qu’ils parrainent, sachant qu’investir dans un groupement sportif congolais ne garantit pas, de façon générale, un retour sur investissement. Un tel financement est-il justifié par l’amour du sport ou bien est-ce une façade pour justifier de l’argent dont l’origine est douteuse, illégale ?

En outre, les activités de loisirs, les jeux de hasard et paris sportifs semblent favoriser la pratique du blanchiment d’argent dans la société congolaise, tenant compte du fait que les habitués aux jeux de hasard, les parieurs ne sont pas soumis à un contrôle pour justifier l’origine des fonds qu’ils utilisent pour ce divertissement. Pour l’expert Pim Versguuren, « les paris sportifs représentent un risque particulier de blanchiment depuis le développement des sites de paris sportifs sur Internet à la fin des années 1990. Ce développement soudain a véhiculé des risques très importants pour trois raisons. Tout d’abord, ce marché est devenu extrêmement liquide, brassant aujourd’hui plusieurs centaines de milliards d’euros de mises par an. Deuxièmement, il obéit à une forte dimension internationale, puisqu’avec Internet on peut relativement facilement accéder à de nombreux sites étrangers. Enfin, il est dépourvu d’une régulation appropriée, puisqu’une majorité de sites de paris sportifs sont hébergés dans des territoires dits “ non-coopératifs ” et considérés comme peu regardants en ce qui concerne l’ordre public […] ».

Quelques pistes en guise de solutions

Pour lutter contre le blanchiment des capitaux en RDC, il existe la loi n° 04/016 du 19 juillet 2004 portant lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme dont une partie de l’exposé des motifs affirme « en effet, son étendue géographique avec neuf pays frontaliers, le Caractère informel dominant de son économie, la prédominance de la monnaie fiduciaire dans les transactions, la sous-administration du territoire, aggravée par les conséquences de la guerre à peine achevée, sont un potentiel indubitable pouvant constituer un terrain de prédilection notamment pour le blanchiment ».

Cette loi n° 04/016 du 19 juillet 2004 dispose des mesures pour lutter contre le blanchiment des capitaux notamment la création d’une Cellule des Renseignements Financiers, chargée de la collecte, de l’analyse et du traitement des déclarations de soupçons de blanchiment des capitaux qui doit travailler avec le ministère des Sports et le ministère de la Justice. En outre, dans une approche sportive, il faut des actions coordonnées entre les services du ministère des Sports chargés des questions financières et les commissions de différentes fédérations délégataires et ligues chargées aussi des questions financières pour donner une transparence aux opérations financières des clubs.

L’on peut prendre pour exemple, la célèbre Commission de Contrôle des clubs professionnels ( DNCG), en France dont le travail est remarquable. Ainsi, face aux rumeurs sur la relégation de l’Olympique Lyonnais, son président John Textor affirmait : « A la DNCG, il y a des gens intelligents mais ils travaillent dans un système et ne veulent pas regarder à l’échelle globale ce que l’on fait. La DNCG doit digérer beaucoup de chiffres en très peu de temps ».

Par ailleurs, en ce qui concerne la réglementation des activités de loisirs, jeux de hasard et paris sportifs en RDC, il faut dénoncer la confusion qui règne dans l’identification de l’autorité de régulation de ce secteur, empêchant des actions coordonnées pour lutter contre le blanchiment des capitaux.

Par l’arrêté ministériel n°041/MJS/CAB/2100/01/2011 du 28 décembre 2011 modifiant et complétant l’arrêté n° 005/MJS/CAB/2100/2011 du 14 mars 2011 portant réglementation des activités des loisirs en République Démocratique du Congo, le ministre des Sports réglemente ce secteur tandis que son homologue des Finances fait la même chose à travers l’Arrêté ministériel n° CAB/MIN/FINANCES/2021/020du 14 décembre 2021 portant modalités pratiques d’agrément (autorisation) et d’enregistrement pour l’exploitation des jeux d’argent en République Démocratique du Congo.

Contribution de Gauthier PIKADJO, chercheur en droit des sports

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