La sorcellerie est une pratique d’usage dans le championnat de football du Rwanda. Certains dirigeants des clubs, entraîneurs et joueurs estiment que la qualité des joueurs ne suffit pas pour avoir de bons résultats et s’adonnent à la sorcellerie. Premier volet du dossier de Sport News Africa consacré à ces pratiques.
De notre correspondant au Rwanda
Le football rwandais attire beaucoup de joueurs de la sous- région du fait que ces joueurs signent des contrats plus juteux que chez eux. A chaque match, les joueurs sont sous pression. Les dirigeants et supporters des clubs sont trop exigeants. Pour eux, la victoire n’est pas une option, mais une obligation. Ainsi, pour satisfaire leurs dirigeants dans le but de ne pas perdre leurs contrats, certains joueurs et entraîneurs se livrent à la sorcellerie.
Il est très courant de voir des gardiens qui entrent sur le terrain avec des gris-gris qu’ils plantent dans les bois ou versent des liquides sur toute la ligne de but. Ces pratiques occasionnent des heurts entre joueurs qui récoltent souvent des cartons jaunes avant même le début du match.
Ce fut le cas le 7 décembre lors la 12ème journée au cours du match entre Rayon Sport et Gorilla. Le coach de Gorilla, Gatera Moussa, a voulu pénétrer dans le vestiaire de Rayon Sport par force avec une bouteille pleine de liquide. Les chargés de la sécurité de Rayon Sport lui ont réservé un accueil qu’il n’est pas près d’oublier. Ils l’ont non seulement frappé, mais l’ont également obligé à boire ce liquide par force. Rayon Sport a été obligé de changer de vestiaire.
Après ce match, qui a été remporté par Rayon Sport (1-0), l'entraîneur de Gorilla ne s’est pas présenté au point de presse, arguant qu’il ne se sentait pas bien.
Devant les journalistes, le coach de Rayon Sport, Francis Haringingo, a été interrogé sur cet épisode d’avant match. Il a indiqué que ce qui s’est passé est regrettable. « Je suis contre la sorcellerie dans le football. Malheureusement, il y a des gens qui pensent encore que la sorcellerie a une place dans notre football. Dans le football rwandais, plusieurs acteurs croient toujours au fétichisme, ce qui intoxique la jeunesse. Au lieu de se concentrer sur le travail, certaines gens perdent leur temps dans des croyances obscures. Je répète toujours à mes joueurs que seul le travail paie. En un seul mot, c’est regrettable. Pour moi, la prière est mon guide »,a-t-il martelé.
Un des membres dirigeants de l’équipe de Rayon Sport a indiqué à Sport News Africa que la sorcellerie est une pratique courante dans le football rwandais jusqu’au dirigeants. « Certains présidents des clubs qui croient à ces pratiques préfèrent recruter des entraîneurs qui vont dans le même sens. Ils payent les sorciers des sommes mirobolantes, jusqu’à manquer quelques fois de quoi payer les joueurs. Si les résultats ne suivent pas, ils cherchent des boucs émissaires mais n’abandonnent jamais cette pratique, ce qui est regrettable. Certains dirigeants des clubs embarquent même leurs joueurs dans la sorcellerie et ceux qui ne sont pas d’accord perdent leur place dans l’équipe ».
Shema Fabrice, qui est à la tête de l’équipe d’AS Kigali depuis 2019, a indiqué à Bwiza, un journal en ligne, qu’il entend des gens parler de la sorcellerie. « J’ai entendu des acteurs de notre football discuter sur la sorcellerie mais moi je n’y crois pas. Pour moi ça n’a pas d’importance. J’ai d’ailleurs indiqué à mes joueurs et au staff technique que celui qui croie à la sorcellerie n’a pas de place dans mon équipe. Si nos sorciers et marabouts ont cette force de changer le cours du match, pourquoi aucun pays africain n’a jamais gagné la Coupe du monde ?» s’est-il interrogé. Un phénomène que les autorités ont pour l'heure du mal à endiguer, alors que depuis 2016, des mesures avaient été prises pour interdire ces pratiques.
Désiré HATUNGIMANA
