Le Sénégal s’est une nouvelle fois arrêté au stade des 8èmes de finale de la coupe du monde U17. Comme en 2019. Une contre-performance dure à avaler pour les champions d’Afrique en titre de la catégorie. Dans cet entretien accordé à Sport News Africa, le sélectionneur des Lionceaux, Serigne Saliou Dia, est revenu sur cette élimination douloureuse face à la France. Entre regrets et fierté, le technicien sénégalais garde en travers de la gorge le match face au Japon où son équipe perd la 1ère place du groupe et son meilleur joueur.
Coach Serigne Saliou Dia, bonjour. Quel bilan tirez-vous de la participation du Sénégal à cette coupe du monde ?
C’est un bilan globalement positif même s’il y a des regrets vu l’issue de la compétition. On se dit que le Sénégal pouvait aller au bout. C’est le football et ses réalités. Il y a des matchs où rien ne rentre. C’est ce qu’on a vécu en 8ème. Pour continuer notre parcours, il fallait gagner ce match. Malheureusement c’est la France qui passe mais j’en profite pour féliciter les français pour leur 2ème place. En ce qui nous concerne, sur le plan comptable, c’est positif avec deux victoires, une défaite et une élimination aux tirs au but en 4 matchs. Avec 6 buts marqués et 3 encaissés. Au regard du chemin parcouru, du processus pour en arriver là, le Sénégal a fait bonne figure, le Sénégal a montré qu’il avait le niveau pour rivaliser contre tous ces grands pays et leur culture de la formation. Cela prouve qu’il y a un travail de fond mené au Sénégal, parce qu’on n’a jamais été ridicule. On a été dominé que contre l’Argentine où on a fait preuve d’efficacité pour mettre deux buts. Sur les autres matchs, c’était une parfaite maîtrise de notre part. On s’arrête en 8ème de finale, il y avait la place pour continuer mais les dieux du football en ont décidé autrement.
Dans le parcours des Lionceaux, quel est le poids du match face au Japon qui vous coûte deux blessés ?
Ce match a clairement une incidence sur la suite parce qu’il nous fallait terminer premier et rester à Bandung. Malheureusement on a perdu le match, ce qui nous a valu un déplacement pas du tout facile à Jakarta. Une autre ville, avec une nouvelle acclimatation et contre une équipe qui y était depuis longtemps (la France). Ça a eu une incidence psychologique. Nous restions sur deux victoires après deux matchs et cette défaite aurait peut-être pu nous affecté sur le plan moral. Heureusement qu’on est parvenu à se remobiliser, on a su parler aux joueurs parce que ce n’était pas un match facile avec la perte de deux joueurs et des joueurs qui étaient sous le coup d’une suspension pour les 8èmes. Il fallait se situer entre cette gestion de l’effectif et cette projection pour les 8èmes avec tout notre effectif. On savait qu’on allait rencontrer une bonne équipe et c’était important d’avoir le groupe au complet. Ce match face au Japon nous a un peu plombé parce qu’il y avait la place pour l’emporter. Nous avons maîtrisé totalement notre sujet avec 69% de possession, mais le Japon était très efficace avec plus de tirs cadrés. L’efficacité face à l’Argentine nous a fui dans ce match. Ce sont de jeunes joueurs qui vont apprendre de cette compétition. Il faut être très efficace dans la surface de vérité pour garder son destin en mains. En plus, on perd notre meilleur joueur dans ce match et qui ne pouvait pas être disponible contre la France. Comme c’est du football et qu’on ne raisonne pas individuellement, on parle de 11 joueurs plus les remplaçants. C’est par notre collectif qu’on devait pallier l’absence de ces individualités.
Qu’est-ce qui a manqué lors du 8ème de finale face à la France ?
Il nous manquait juste le but. Quand on revoit le match, on se rend compte qu’il ne manquait que le but. On a commencé timidement. Nos garçons étaient un peu timorés par l’enjeu de la compétition en début de rencontre. Mais au fur et à mesure du match, ils ont pris la mesure de l’adversaire. Ils ont ensuite déroulé, ils ont contrôlé le rythme et se sont créés pas mal d’occasions. Je pense qu’on aurait même pu obtenir un pénalty, on avait un but refusé. Ça veut dire qu’il n’y a que ce but qui manquait pour voir le Sénégal passer ce cap.
Quelle était exactement la nature de la blessure d’Amara, pouvait-il rejouer, et comment ça a été géré avec la sortie de son papa avant que la FSF ne communique ?
Amara Diouf a été victime d’une entorse du genou suite aux premières analyses. Il fallait vérifier s’il n’y avait pas autre chose. Il y a avait une petite lésion, ce qui fait qu’on ne pouvait pas prendre le risque de le faire jouer. Ce diagnostic a pris un peu de temps. C’est sans doute ce qui fait qu’on ne voulait pas communiquer sur cela. C’était une façon de laisser l’adversaire dans le flou. Leur faire croire qu’Amara va jouer. Il était sur le banc et à un moment il voulait même faire sa rentrée. Mais sa carrière est plus importante que ce match. C’est un garçon qui nous vaudra de grandes satisfactions dans le futur. C’est un garçon à protéger et à encadrer. C’est dans cette optique qu’on n’a voulu prendre aucun risque.
Quand vous voyez la France en finale après ce que vos joueurs ont produit en 8ème, nourrissez-vous des regrets ?
Lorsqu’on voit la France jouer la finale, on est envahi par beaucoup de regrets. J’imagine que c’est pareil pour le Mali, qui avait aussi la possibilité de passer. Ce qui est important c’est qu’on a joué à fond ce match face à France. Les sénégalais étaient satisfaits de la prestation de leur équipe même si au bout, on a été éliminé aux tirs au but. Dans un match, ce qui importe c’est soit le résultat sur un plan normatif ou sur le plan des certitudes. Sur ce dernier aspect, les gosses ont fait ce qu’il fallait. C’est le haut niveau. Quand on n’est pas efficace, on le paye cash. C’est ce qui nous est arrivé dans ce match. Ça leur permet de grandir et de voir l’importance de l’efficacité dans un match. Parce qu’aux pénaltys, il y a beaucoup de chance. On avait la possibilité de s’imposer dans ce match, on ne l’a pas fait. On l’a payé mais je félicite mes joueurs pour l’attitude dont ils ont fait preuve dans ce match, ce fighting spirit dont ils ont fait montre. Il y avait aussi cette maîtrise qu’ils avaient. Ce sont des choses qui nous emmèneront vers d’autres sommets.
Quelles sont les satisfactions sur les plans collectif et individuel ?
Il faut raisonner en termes de collectif et éviter de s’appesantir sur des individualités. Pour qu’une individualité se révèle, il faut que le collectif se mette à la disposition de ce joueur. Sur cet aspect-là c’est une satisfaction. Nous avons été dominé par l’Argentine lors de notre premier match parce que notre bloc n’était pas assez compact, on était trop distendu avec des excentrés qui ne resserraient pas. On a pu régler ce problème sur le plan collectif. C’est une satisfaction énorme d’avoir de jeunes joueurs, qui, en l’espace d’une semaine ont pu comprendre beaucoup de choses par rapport aux adversaires. Ce sont des garçons très réceptifs. C’est vrai que sur le plan individuel, on a Amara, notre fer de lance. C’est un garçon formidable, un leader technique et charismatique qui nous permet de mettre des buts. Daouda Diongue aussi qui a pris plus d’espace dans notre équipe. C’est un atout sur le plan défensif pour le Sénégal. On peut aussi citer la paire de la défense centrale avec Serigne Fallou Diouf et Aliou Diallo. Très sereins, calmes et posés. Clayton Diandy également qui a souvent été un joker. Il amène cette touche technique et qui nous permet de rester dangereux. Notre excentré, Yaya Diémé. Il a fait de bonnes choses.
Comment appréciez-vous le niveau africain dans cette compétition ?
Le niveau africain est assez satisfaisant. Seul le Burkina est éliminé au 1er tour. Le Mali est sur le podium, ce qui est extrêmement positif. Le Maroc est sorti en quarts de finale et nous en huitièmes. Quand on regarde de près les matchs, on se dit que le football africain rivalise merveilleusement avec le football mondial. Les entraîneurs sont maintenant très bien formés. On est au courant de ce qui se passe au haut niveau, on essaie de former nos jeunes à partir de cela. Dans nos pays, il y a de grands centres de formation, dirigés par de grands entraîneurs. Ça veut dire que le niveau est très relevé et d’ici peu, on devrait bousculer le sommet de cette hiérarchie européenne et sud-américaine.
Par Moustapha M. SADIO