Et si la professionnalisation du football congolais devenait enfin une réalité irréfutable de l’histoire du Congo ? Le challenge est trop beau pour nourrir les rêves de toutes sortes. Mais il y a un prix à payer.
De notre correspondant au Congo
Le nul (1-1) concédé à domicile par l’équipe nationale féminine face à l’Égypte dans le cadre du match aller du troisième tour préliminaire du Mondial 2024 des U20 a beau continuer de faire mal quelque 24 heures après, le monde footballistique du Congo a un nouveau rendez-vous sur l’aire de jeu ce 11 novembre.
C’est cet après-midi sabbatique que démarre sur toute l’étendue du territoire, le championnat national de Ligue 1 2023-2024. Au programme, des affiches fort alléchantes, à l’image de la réception d’Inter Club de Brazzaville par l’AS Otoho d’Oyo, sextuple tenante du titre. Promue pour la première fois en Ligue 1, AS Vegas de Brazzaville va subir son baptême de feu face à Étoile du Congo qui a terminé la saison écoulée à la troisième place et surtout, club le plus titré (11 ligues 1, 6 coupes et 2 super coupes du Congo).
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Mais quelles que soient les attentes des uns et des autres, cette 59ème édition s’annonce particulière et singulière. Tant elle sera la dernière édition en mode amateur et, in fine, marquera le basculement vers un statut purement professionnel. C’est du moins l’annonce faite le 8 novembre dernier par la Fédération congolaise de football (Fecofoot) lors d’une réunion avec les responsables des clubs de Ligue 1. « Nous avons un défi à relever. Nous sommes en train de nous diriger vers le professionnalisme », a expliqué Jean Guy Blaise Mayolas, président de l'instance.
Une réforme, des avantages
Et cette professionnalisation sera marquée par plusieurs réformes. Il s’agit par exemple de la création d’une Ligue de football professionnel, du versement d’une subvention de 30 millions de francs CFA (plus de 45 734 euros) à chacun des quatorze clubs engagés en Ligue 1 contre 9 millions la saison dernière.
Un chèque de 80 millions de francs CFA (plus de 121 958 euros) à l’équipe championne du Congo, alors que la saison écoulée, l’AS Otoho d’Oyo avait reçu un chèque de 25 millions de francs CFA (plus de 38 100 euros). Il est également prévu d’autres avantages tels que la prise en charge des frais de transport par la fédération.
« Aujourd’hui, on est en discussion avancée avec les partenaires. Le jour où on aura les ressources financières, on les redistribuera aux clubs », a renchéri Bertrand Mahé, partenaire du Congo dans son processus de professionnalisation.
Des avantages qui ont un prix. La Fecofoot a émis une série d’exigences et de critères qu’il faudra respecter pour qu’une équipe ait voix au chapitre. « Chaque club qualifiera trente joueurs. Ces derniers devront être sous contrat et avoir des salaires mensuels. Une commission sera mise en place pour fixer le seuil ou le salaire minimal qu’une équipe devrait verser à un joueur. Les joueurs devront être aussi immatriculés à la sécurité sociale afin qu’ils soient pensionnés à la fin de leurs carrières », a encore précisé Jean Guy Blaise Mayolas.
Surveillance sur les activités des clubs
Une approche tout à fait préventive, lorsqu’on sait par exemple que la saison écoulée seuls quatre clubs sur quatorze ont pu justifier les dépenses sur la subvention allouée par la fédération. « Ce championnat transitoire se déroule sous la supervision des partenaires qui vont nous accompagner. On ne remettra pas cet argent sans mettre des garde-fous. Nous voulons ainsi prendre des précautions pour ne pas jeter de l’argent dans un tonneau sans fond », a prévenu le numéro 1 de la Fecofoot.
Cette annonce est tout sauf une mauvaise nouvelle pour les équipes. « C’est un très bon début de solution ou encore un élan qui permettra d’attirer davantage de sponsors pour financer notre football. Donc, c’est une bonne chose, cette réforme de la fédération », se réjouit Éric Mantot, président de la section football de V Club Mokanda de Pointe-Noire.
Professionnalisme doit rimer avec état d’esprit
Toutefois, nuance-t-il, « c’est loin d’être suffisant. Aujourd’hui, par rapport à nos réalités, il faudra au minimum 60 millions de francs CFA par année. Les clubs n’ont pas de terrains synthétiques, alors que la plupart de ces équipes ont plus de quarante ans. Cette subvention aidera ainsi à mieux valoriser les jeunes, à mieux les former ou à se doter d’installations adéquates. Il faut former les jeunes, il faut les rémunérer et il faut mettre en place l’infrastructure nécessaire. Cela veut dire qu’il faudra avant tout au niveau des clubs changer d’état d’esprit ».
Et les Vert-Noir semblent déjà en ordre de bataille pour s’adapter à la future nouvelle donne. « En ce qui nous concerne, nous sommes déjà prêts sur certains points. Nous avons par exemple notre siège national ici à Pointe-Noire et un siège local à Brazzaville. Nous avons également notre stade pour les séances d’entraînements. On va procéder à quelques réaménagements pour le rendre agréable et les joueurs ont déjà signé des contrats », se félicite Daniel Missama, secrétaire général de V Club Mokanda.
Voilà une réforme, mieux une révolution qui, avec une très bonne dose de bonne gouvernance (rigueur dans les sanctions), pourrait réveiller de leur sommeil de nombreux talents dont grouille le Congo afin de le réconcilier avec son passé glorieux des années 1970 et 1980. Mais le terrain footballistique est parfois pavé de bonnes intentions.
John NDINGA NGOMA