Jadis zone de guerre, Bouaké a changé de visage en l'espace de quinze ans pour devenir une ville estampillée football. La vile entière vibre au rythme de la Coupe d’Afrique des Nations Côte d’Ivoire 2023.
A l'entrée de Bouaké, le bitume a l'allure d'une jeune mariée. Il porte sous son voile une mine resplendissante. Nouvellement rafraîchi en prélude à la CAN 2023, il symbolise en quelque sorte le renouveau d'une ville balafrée dans son histoire récente par la guerre. En effet, de 2002 à 2010, la plus grande ville du centre de la Côte d’Ivoire et la deuxième du pays en termes de superficie derrière Abidjan a connu l'horreur et des milliers de déplacés et de morts. La Coupe d'Afrique des Nations 2023 (CAN 2023) est venue enterrer ces souvenirs douloureux. Bouaké a déposé les kalach et posé les crampons sur un ballon de football.
Dans les quartiers de la ville, de Dar Es Salam à Sokoura en passant par Ahougnanssou, le crépitement des armes a fait place aux célébrations après un but ou un geste technique réussi. Malgré la fermeture du terrain le plus célèbre des tournois inter-quartiers, Yaoundé, la ferveur n'a pas baissé. « Nous avons actuellement 124 centres de formation à Bouaké et le groupe que je dirige, Diaf, en a 84 dans son écurie. Le football ici a été une bouffée d'oxygène. En pleine crise, c'est le football qui nous a aidés à nous réconcilier avec l'appel de Drogba dès la qualification pour le Mondial 2006 et l'organisation d'un match ici, dans la foulée, face à Madagascar sous la présidence de Jacques Anouma. Les jeunes gens n'ont pas basculé du côté obscur parce que le foot était l'échappatoire », explique Fofana Abdoul, ancien footballeur, dirigeant et aujourd'hui patron dans l'événementiel sportif. « Il y a trois clubs de football ici. Bouaké FC joue en Ligue 1 et les deux autres en division inférieure. Ces clubs font la promotion de la jeunesse de la ville. Avec la réfection du stade de la paix, qui a une capacité de 40 mille places et la construction des nombreux terrains d’entraînement, nous aurons un héritage en termes d'infrastructures pour booster encore plus le foot ici », s'enflamme Docteur Gnagbo, ancien dirigeant de l'Alliance.
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Hier symbole de la division, aujourd'hui symbole de la paix avec son stade éponyme, Bouaké revit complètement. La preuve avec les 27.898 spectateurs qui ont suivi le match entre le Burkina Faso et la Mauritanie. La ville a clairement soif de foot, faim de jeu. Cela s'est vu également avec le match Côte d'Ivoire-Comores du 24 mars 2023, en éliminatoires de la CAN 2023, où le Stade de la paix était à guichets fermés. C'était six ans après le dernier dans la cité de la paix. La pléthore de terrains nus et la prolifération des centres comme des champignons témoignent du frémissement en termes de foot.
« Le terrain Yaoundé est fermé pour des travaux. Il va passer d'une aire de jeu vague à une aire avec du synthétique. Aujourd'hui, les tournois inter-quartiers se jouent à Kamounoukro situé à Djambrou. Ici, c'est une ville de football. Plusieurs joueurs de la sélection hier et encore actuellement ont débuté le football ici dont les célèbres frères Touré, Yaya et Kolo », confie Sanogo D., ancien footballeur et ancien combattant pendant la crise politico-militaire de 2010. Ce dimanche 20 janvier 2024, à l'occasion du choc entre l'Algérie et le Burkina Faso, Bouaké a une nouvelle occasion de montrer au monde que le football est désormais son opium.
Sanh Séverin, envoyé spécial à Bouaké