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CHAN 2022-Ousmane Kane : «Je savais que Mahious n’allait pas marquer le penalty»

Principal artisan de la victoire du Sénégal au CHAN 2022 en Algérie, Ousmane Kane a  accordé une interview à Sport News Africa. Entretien au cours duquel, «la vipère» (son surnom) est revenu sur les doutes entourant les Lions A’ avant le début du tournoi, son rôle dans l’équipe et l’impact du coach Pape Thiaw. Le milieu de terrain de 21 ans s’est aussi prononcé sur les évolutions attendues pour le championnat du Sénégal et ses acteurs après ce sacre.

Ousmane Kane CHAN 2022
Ousmane Kane avec le trophée du CHAN savoure le sacre du Sénégal

Ousmane Kane, qu’est-ce que ça fait de remporter le CHAN ?

Ousmane Kane : Je pense que tous ceux qui sont dans le football sénégalais, encore plus nous qui sommes dans le championnat local, on savoure cette victoire au CHAN. C’était un rêve pour nous. Personnellement c’était un grand rêve pour moi, de représenter mon pays, défendre les couleurs du Sénégal. Ce qui me ravit le plus, c’est de faire partie des premiers à ramener ce trophée dans l’histoire du pays. C’est une immense fierté et je rends grâce à Dieu.

Qu’est-ce que cela représente pour un jeune joueur évoluant dans un championnat si peu considéré face à des nations comme l’Algérie ou la RDC ?

C’est vrai que le championnat du Sénégal n’est pas de la trempe des championnats de ces pays-là. Mais cela ne veut sûrement pas dire qu’ils ont plus de talent que nous. Ils ont peut-être de meilleures infrastructures et plus de moyens. C’est d’ailleurs ce qui nous a motivés durant ce tournoi. Personnellement je me suis mis dans la tête que je n’étais inférieur à aucun de mes vis-à-vis. Ils ont la chance de bénéficier d’importants moyens dans leurs clubs. Le championnat du Sénégal regorge de joueurs talentueux. Il n’y a qu’à voir le nombre de joueurs que l’on exporte chaque année en Europe, comparé à d’autres pays d’Afrique.

Dans cette compétition on y est allé avec beaucoup de détermination, d’engagement et de personnalité. C’est vrai que l’Algérie possède un championnat relevé mais en équipe nationale c’est autre chose. Je n’ai jamais pensé qu’ils étaient meilleurs que nous. Aucune équipe n’est meilleure que la nôtre. D’accord ils ont beaucoup plus de moyens que le Sénégal mais c’est uniquement au niveau de leurs clubs. Et ça nous a motivé de jouer contre ces sélections qu’on nous présente comme supérieures à nous.

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Qu’as-tu ressenti quand Mahious a raté le penalty qui aurait pu offrir le titre aux Algériens ?

C’est vrai que c’était très tendu à ce moment-là. Dieu a fait que la peur, je ne la connais pas vraiment. Au fond de moi je savais qu’il n’allait pas marquer. Je croyais au plus profond de moi que quelles que soit les circonstances, nous remporterons ce trophée. Il tire toujours de la même façon, c’est un bon tireur. Ce geste est très particulier. Quand tu le réussis, on dit que t’es un génie alors que quand tu le rates, tout le monde te tombe dessus.

Le jour de la finale, on est descendu à l’hôtel prendre le petit déjeuner. J’étais avec Malick Mbaye, Moussa Sogue et on rediffusait un match de l’Algérie (face à la Côte d’Ivoire, ndlr) au moment où Mahious tire un penalty. On débattait en disant que le jour où il manquera son penalty de la sorte, il va se prendre la foudre. Et en finale lors des tirs au but, Moutarou (Baldé) a demandé à Papi (Mamadou Sy) de retarder son plongeon car Mahious va faire son saut habituel. Mais Papi le savait déjà. Quand il rate, on s’est dit que plus rien ne pouvait nous arriver. Mais de mon côté j’étais serein car j’étais convaincu qu’on allait gagner la finale quoiqu’il advienne.

«La force de notre équipe a été la solidarité»

Avant le début du tournoi, pensiez-vous que votre équipe avait les moyens de l’emporter après des qualifications laborieuses et des matchs de préparation peu convaincants ?

En tant que joueur, on y croit toujours avant chaque compétition. Personnellement, je n’étais pas des matchs qualificatifs face au Libéria. L’équipe a d’abord joué le tournoi COSAFA puis les Jeux Islamiques. Je n’étais pas retenu par le coach. Il y avait des joueurs plus en forme que moi selon lui. J’ai entendu toutes les critiques émises dans le jeu de l’équipe. C’est cette équipe qui a permis qu’on en arrive là. Moi j’arrive face à la Guinée où j’ai joué les matchs aller et retour. C’était très difficile malgré qu’on a tenu bon. Il fallait qu’on se qualifie car c’était long d’attendre plus de 11 ans. Avec la nouvelle génération, il fallait créer un déclic. Dans ce groupe, personne n’avait disputé des matchs de qualifications du CHAN, excepté Moutarou (Baldé) et Dieng (Pape Abdoulaye Dieng - gardien DSC). Nous avons un groupe inexpérimenté pour ce genre de rendez-vous, ce qui explique qu’on y est allé avec une certaine prudence. Mais on croyait en nous malgré ces péripéties et Dieu nous a offert la victoire.

Les critiques ne pouvaient pas manquer parce que les Sénégalais sont exigeants et ne connaissent qu’une chose désormais : gagner. En ce qui concerne les rencontres amicales, ça a servi de répétition, mais le coach savait ce qu’il faisait. Il faisait jouer tout le monde pour observer. Avant le début du CHAN, j’avais déjà dit dans une interview pour un média sénégalais, qu’on pouvait gagner ce tournoi. J’y croyais et je me suis bien préparé car je savais que je devenais un joueur clé dans cette équipe. Il ne fallait pas décevoir dans mon rôle pour sécuriser l’équipe. Je me tuais aux entraînements spécialement pour cela. Dans cette interview, je disais que nous n’y allons pas pour participer mais pour gagner et rendre heureux le peuple sénégalais.

Comment expliquez-vous ce brillant parcours du Sénégal avec un tel fond de jeu ?

On a eu la chance d’affronter beaucoup de ces équipes en préparation. Même l’Algérie avait vraiment tout fait pour jouer contre nous. On devait les jouer l’année dernière mais ça a été annulé suite au décès d’un de leur joueur. Ce match s’est finalement tenu à Annaba en décembre. Nous nous sommes jaugés. Leur équipe est restée intacte alors que la nôtre a pas mal changé. Notre équipe est jeune mais elle possède des joueurs avec beaucoup d’expérience. En plus, nous étions plus galvanisés face à des équipes prestigieuses comme la RDC. Et vous savez, certaines équipes, c’est juste des noms mais au fond, il n’y a rien à craindre. Elles surfent sur les exploits du passé. Dans notre parcours, nous sommes parvenus à faire déjouer toutes ces équipes. On ciblait leur meilleur joueur pour les contenirs. Moi j’adore m’occuper de ce genre de joueurs. Je fais mon possible pour te sortir de ton match. C’était le cas contre l’Algérie, avec leur numéro 7 (Meziane Bentahar) et leur avant-centre (Aymen Mahious).

Contre la RDC aussi, c’était pareil avec leur côté gauche. Face à la Mauritanie, c’était électrique parce que ce sont nos voisins et il y a certains joueurs qui sont partis du Sénégal pour jouer là-bas. Je les taquinais dans le match, leur disant qu’ils jouaient contre leur propre pays (rires). C’était pour les déstabiliser. On a cette chance d’être de jeunes joueurs ayant joué assez tôt en championnat. On savait gérer nos temps forts et nos temps faibles.

Quelle est la force de cette équipe du Sénégal ?

La force de notre équipe a été la solidarité. On faisait les efforts, tous ensemble. On tirait tous dans le même sens. À l’entraînement, tu pouvais voir que cette équipe est spéciale. Nous étions déterminés à relever un défi. On s’est donné des challenges sur 6 matchs. Et il fallait être engagé sur tous ces 6 matchs. Après chaque étape, on se rappelait les étapes restantes.

Les équipes que l’on a affrontées pouvaient ressentir cela. C’est aussi le coach et le staff qui nous ont inculqué cela. Lorsqu’ils nous parlaient, leur détermination nous entraînait. Au fur et à mesure, l’équipe se forgeait une âme. On avait l’envie et on se remettait en cause, minimisant ce qu’on avait réussi avant. Il y avait également une union entre nous, autour d’un même objectif. À l’heure des repas ou d’aller dormir, on le faisait ensemble. Il y avait une ambiance bon enfant. Il n’y avait pas telle ou telle génération. On a presque tous le même âge. On parvenait dans les matchs à couvrir les failles de l’autre. L’équipe a grandi ainsi.

On t’a vu t’arracher à chaque match, prêt à bondir sur l’adversaire pour intercepter. Qu’est-ce qui t’habitait dans cette compétition ?

C’est mon rôle dans cette équipe. Je suis la sentinelle. Avant d’accéder à la défense, on passe d’abord par la sentinelle. J’ai la chance de connaître parfaitement mes coéquipiers du milieu. J’ai joué plusieurs fois avec Lamine Camara et Moussa Ndiaye. On se connaît aussi par le biais du championnat. Je connais les qualités et les défauts de chacun d’eux. Élimane (Cissé) aussi je le connais bien. C’est un joueur très doué. Il est facile d’évoluer à leurs côtés.

Mon rôle permet de libérer leur créativité. En plus de me rendre disponible pour les sorties de balles, je dois mettre beaucoup d’impact physique. Je dois identifier les meilleurs joueurs adverses pour les empêcher de jouer à leur aise. Dans la couverture aussi, je dois compenser car nos attaquants de côté Malick Mbaye et Papa Diallo ne savent pas vraiment défendre parce qu’ils sont hyper généreux dans les efforts sur le front de l’attaque. Je dois me charger de ratisser tout le milieu de terrain pour leur permettre d’avoir la liberté de jouer.

Pour nos latéraux, c’est aussi normal que je les couvre quand ils montent. En championnat également je joue de la sorte. Je récupère énormément de ballons. Cela me vaut le surnom de «la vipère». C’est un surnom que j’adore et qui m’a été donné par Adama Tamba (son coéquipier à l’AS Douanes). J’adore contrarier les numéros 10 adverses. C’est aussi mon rôle. Et c’est un profil qui manquait peut-être à l’équipe. Le coach m’a rappelé pour cela. La preuve, on a pris qu’un seul but, et c’est un CSC.

«J’ai pleuré après un discours de Pape Thiaw»

Quelle place le coach Pape Thiaw occupe dans ce sacre ?

Le coach Pape Thiaw y est pour beaucoup dans ce sacre. J’en profite pour rendre hommage à son staff, le médecin et l’intendant. Coach Pape Thiaw c’est quelqu’un dont le discours motive. Personnellement il ne me lâchait pas d’une semelle avec des critiques… J’ai fini par comprendre que c’est parce qu’il m’aime. Il sait ce dont chaque joueur est capable. Je me souviens d’un match en club face au Jaraaf. À la fin du match il vient me voir et me dit : « tu te prépares, est-ce qu’on peut le faire ? » Je lui réponds que oui. Il me répétait cette question après chaque match. Et je lui répondais à chaque fois : « coach on va aller chercher ce trophée ». C’est un entraîneur qui aime la victoire. Il déteste les joueurs sans personnalité. Il aime les joueurs qui se dépouillent sur le terrain. Et c’est la clé de son succès. Ces briefings étaient motivants. Derrière, on était prêts à faire le sale boulot. Il parlait du pays, des parents. Il m’arrivait d’avoir les larmes aux yeux pendant ses discours d’avant match. Un jour, il a fait un discours en nous rappelant que le Docteur Seydi (Médecin de l’équipe) a perdu sa mère et il n’a pas pu assister à l’enterrement. J’ai pleuré après ce discours. Je ne pleure pas facilement mais il savait nous motiver. Voilà Coach Pape Thiaw. C’est un entraîneur qui nous fait grandir. On est vraiment satisfait de lui et son staff. Je lui souhaitais vraiment ce trophée.

Avec cette victoire au CHAN, quelles sont les attentes pour le championnat du Sénégal et le quotidien des joueurs locaux qui touchent des salaires dérisoires ?

Sur cette question, je ne peux pas trop me prononcer. J’ai toujours évolué à l’AS Douanes et je ne sais pas ce qui se passe dans les autres clubs. J’entends ce qu’il se dit sur notre championnat et ce que tout le monde dit est certainement la réalité. Nos autorités doivent soutenir le championnat du Sénégal. Que les sponsors viennent investir. On doit pouvoir évoluer dans ce championnat et rouler en 4x4. On ne doit même pas envier les championnats de la sous-région.

Quand on voit nos joueurs s’en aller vers des ligues en Algérie, en Tunisie, c’est simplement pour un bien meilleur salaire. À chaque fin de saison on perd beaucoup de joueurs qui vont vers ces championnats. Il y a des choses qui sont faites mais on demande plus d’efforts encore. Il faut mettre les joueurs dans de meilleures conditions de performance. Le président de la république Macky Sall en a parlé l’autre jour et j’espère qu’il ira jusqu’au bout. Juste un coup de pouce et notre championnat pourra rivaliser avec le reste de l’Afrique. Personne n’est meilleur que nous. C’est juste une question d’environnement et de motivation. On a joué face à l’Algérie et on sentait qu’ils ne sont pas meilleurs que nous mais qu’ils évoluent avec de meilleures conditions. Tu vois un joueur qui à la fin d’un match, roule dans une voiture qui coûte au minimum 30.000 euros (20 millions FCFA). Je pense que cela se fera petit à petit chez nous aussi, s’il plaît à Dieu.

Par Moustapha M. SADIO

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