Candidat déchu à la présidence de la Fédération de football aux Comores, Mahmoud Mohamed Aboud a décidé de saisir le Tribunal arbitral du sport pour faire valoir ses droits. Après avoir constaté et nombreuses irrégularités et infractions, puis monté un dossier, il s'est rendu devant la juridiction suisse. Il explique les raisons de sa démarche à Sport News Africa.
Vous menez une action en justice devant le tribunal arbitral du sport, contre la fédération de football aux Comores. Qu'est-ce qui est à l'origine de cette démarche ?
La plainte devant le TAS fait suite aux mascarades, favoritisme et autre népotisme qui ont eu lieu lors du processus d’organisation de l’élection à la présidence de la Fédération comorienne de football (FFC). Processus qui s'est soldé par le rejet de tous les dossiers des candidatures, dont la mienne. Une seule candidature a été validée, celle de Saïd Ali Saïd Athouman, l’ancien président de la FFC. J'ai été injustement écarté du scrutin en raison d'un processus opaque. De son côté, le Comité de normalisation installé aux Comores a tout fait que laisser le champs libre au président sortant. Ceci est un abus de pouvoir.
Il faut aussi savoir qu'à la fin de la mandature de l’ancien Comité exécutif de la FFC, le président Saïd Ali Saïd Athouman (SASA, Ndrl) a été suspendu pour 3 mois par la Commission d’éthique de la FFC pour acte de corruption. Ce qui logiquement l’empêchait de se représenter aux élections à la présidence prévues pour le 15 décembre 2019. Avec ses complices, SASA s’est donc permis de déposer un recours au tribunal ordinaire de Moroni et a pris le jugement en délibéré du Tribunal Administratif pour se réinstaller au Bureau de la FFC. Ce qui a conduit la Commission d’éthique à statuer pour faute grave et à une nouvelle suspension pour 4 ans à son encontre. La FIFA est alors intervenue pour mettre en place un comité de normalisation compte tenu de la situation et des nombreuses violations des textes.
Où en est la procédure à ce jour ?
Concernant ma plainte au TAS, nous étions convoqués par le juge de la Chambre d’appel pour une audience ce 16 décembre. Mais la FFC a demandé le report de l'audience en donnant comme excuse le fait qu’elle était occupée par la préparation de la sélection nationale des Comores à la Coupe d’Afrique des nations. A notre grande surprise, elle a proposée au TAS de convoquer la dite audience au mois de janvier 2022, c’est à dire en pleine CAN.
Dans le dossier que vous avez constitué, vous évoquez des malversations, détournements et actes de corruption qui ont conduit à la réélection de Saïd Ali Saïd Athouman le 30 janvier 2021. Pouvez-vous nous donner des exemples ?
Tout d'abord, la feuille de route du Comité de normalisation, établie par la FIFA, est claire. Elle avait donnée au Comité de normalisation une mission avec quatre points. Cet organe provisoire, avait pour mandat de gérer les affaires courantes de la FFC. Mais aussi réviser les statuts de la FFC, le code électoral ainsi que le code d’éthique afin de s’assurer de leur conformité avec les statuts, règlements et exigences de la FIFA. Enfin, il devait organiser et superviser les élections des ligues régionales et fédérales aux Comores.
A la grande surprise de la plupart des observateurs, la feuille de route du Comité de normalisation n’a pas été respectée. Par exemple, comment expliquer que sans autorisation ni mandat des associations membres de la FFC, le Comité de normalisation a décidé sans aucune raison de dissoudre la Commission d’éthique. Une prérogative qui appartient à l’Assemblée Générale de la FFC. Ce même comité a nommé une autre Commission d’éthique sans l’aval de l’AG de la FFC. Une question se pose sur la légalité de ces remplacements. Et surtout, pourquoi ces décisions qui ne sont pas inscrites sur sa feuille de mission ?
Je ne parle même pas de la levée de suspension à l'encontre de SASA, décidée de façon opaque. Autre exemple, ma candidature a été rejetée, semblait-il à cause «d’insuffisance de parrainages valables». Mais la FFC a refusé de me remettre des preuves justifiant ce point. De mon côté, je possède des preuves matérielles qui prouvent que j’ai eu des parrainages valables. Concernant l’élection de SASA, nous avons constaté beaucoup d’irrégularités et de manipulations dans le procès-verbal de l’AG élective de la FFC du 30 janvier 2021. La FFC l’a d'ailleurs soumis au TAS uniquement après l’injonction de l’arbitre unique du TAS.
Pourquoi avoir saisir le TAS et pas une juridiction locale ? Le TAS est-il votre dernier recours ?
Il faut d'abord savoir que dans les nouveaux statuts de la FFC, il est prévu que le Comité de normalisation prenne les décisions en premier et dernier ressort. Ces décisions ne peuvent faire l’objet que d'un recours devant le TAS. Ce qui est discriminatoire vis-à-vis des candidats. Car, en cas de rejet d’un dossier de candidature, comme fut mon cas, cet article empêche les candidats de déposer un recours sur place aux Comores. Ce qui les oblige à aller devant le TAS. Une procédure qui peut durer jusqu'à deux ans et qui est surtout très coûteuse. De quoi décourager bien des gens. Tout ceci n'est pas un hasard.
En fin de compte, tout porte à croire que depuis la réhabilitation de SASA par une Commission d'éthique illégale, le rejet des dossiers des candidatures jusqu'à l'introduction de l'article 84 dans les statuts de la FFC, et d'autres multitudes d'irrégularités, certains membres du Comité de normalisation ont tout fait pour que Saïd Ali Saïd Athouman soit réélu, sans encombre.
Vous faites part de nombreuses infractions au sein de la FFC et du Comité de normalisation. La FIFA qui a mis en place ce comité est-elle au Courant ?
A mon avis les départements de la FIFA n'étaient pas au courant de ces infractions et manipulations. Par contre, je pense que certains cadres de la FIFA ont fermé les yeux sur les violations au sein de la FFC. Comment expliquer que la mission initiale du Comité de normalisation était d’assurer que les nouveaux statuts et règlements de la FFC répondent aux exigences des textes de la FIFA, mais qu'au final, lorsqu'on observe certains articles de ces nouveaux statuts concoctés par le Comité de normalisation, ceux-ci sont à l'opposé de ceux de la FIFA ? Par exemple, dans les nouveaux statuts, les clubs féminins n’ont pas le droit de vote. Dans les anciens statuts de 2015 aux Comores, les clubs féminins avaient le droit de voter. En conclusion on doit se demander : comment est-ce que la FIFA a pu accepter que les statuts d'une de ses associations membres soient contraires aux principes des statuts de l'association mère ?