Depuis le début du championnat de football de Côte d'Ivoire, plusieurs jeunes footballeurs sont mis à la porte des clubs sans que la Fédération ne s'en émeuve. Un phénomène expliqué en partie pas les nouveaux textes de l'instance.
De notre correspondant en Côte d'Ivoire
On pourrait facilement renommer la Ligue 1 Lonaci par la « Ligue 1 remercie ». Depuis le début de la saison en Côte d'Ivoire, plusieurs joueurs ont en effet été victimes de leurs employeurs, sans préavis. Ils ont été simplement et purement mis à la porte. Pour la majorité sans contrat, ces sportifs végètent désormais à la recherche d'un mieux être, mais c'est comme si des clubs s'étaient passé le mot pour ne pas les recruter. La plupart sont taxés de syndicalistes, donc indésirables.
20 joueurs payés dans des effectifs XXL
Depuis le coup d'envoi de la saison, les témoignages fusent et les présidents ne démentent pas. Au contraire, ils prennent pour argument les nouvelles dispositions de la Fédération ivoirienne de football qui stipulent que les clubs peuvent recruter comme ils veulent, mais n'ont l'obligation que de payer 20 joueurs professionnels de leur effectif. Les autres étant considérés comme amateurs.
« Le président de Korhogo nous a fait croire qu’on va recevoir des primes de signature, mais nous n'avons rien reçu encore de cela. Il nous avait fait croire qu’on aurait cette prime avant qu’on commence le championnat. Au moment où la subvention de 15 220 euros de la Fédération tombe, il nous fait croire qu'il n’y a pas l’argent. Notre salaire de l’autre mois ( août, Ndlr) n’a pas été payé ainsi que celui mois de septembre aussi. Or, tous les clubs ont été payés. Mais le COK n'a pas donné le salaire des joueurs même pas les chaussures avec la prime de signature. Ce qui veut dire qu’on a commencé le championnat sans rien avant d'être renvoyés... Il y a des plus jeunes et des pères de famille qui n’arrivent pas à scolariser leurs enfants. Il faut que la Fédération fasse quelque chose », a confié à Sport News Africa, un joueur sous le sceau de l'anonymat.
Korhogo, qui a réglé une partie des dûs depuis, est le champion en la matière. Le club du Nord de la Côte de la Côte d'Ivoire a fait enregistrer 69 joueurs pour la saison 2022-2023 mais n'en a gardé que 20 donc 49 sont à la rue. L'USC Bassam a également mis à la porte 12 joueurs dont plus du tiers réclamaient les primes à la signature de la saison dernière, tout comme Adiaké qui en a remercié 7. Deux autres formations dont nous n'avons pu vérifier l'identité ont laissé tomber une vingtaine de jeunes selon nos informations. Et la liste n'est pas exhaustive. Le tout sans rien leur verser puisque la plupart n'ont que des contrats verbaux, et dont la Fédération n'a cure.
Un mal profond
Vu de loin, le championnat de Côte d'Ivoire ressemble clairement à un champ d'exploitation de jeunes athlètes depuis le début de cette saison où le salaire minimum a été fixé à 143 euros. Un grand nombre parmi les plus jeunes joueurs a quitté les bancs. Ils n'ont donc que le football comme exutoire. Ce qui laisse la porte ouverte à des dirigeants véreux qui leur font croire que le simple fait qu'ils aient une place dans un effectif est suffisant. Pas besoin d'argent en plus.
« Cette histoire de 20 joueurs professionnels dont un club a obligation de payer correctement les salaires et de prendre soin est en train de tuer notre jeunesse. Il est difficile de jouer sans argent. Vu que la Fédération a dit qu'on ne doit s'occuper que de 20 joueurs par club, le nombre de mauvais payeurs, et donc de personnes qui exploitent les enfants, s'est accru. Les gamins ont tous envie de jouer, ils sont donc obligés de tout accepter. En tant que dirigeant mais père également, ça me fend le cœur . La conséquence, c'est que dès que tu ouvres un peu la bouche, on te chasse. C'est vraiment dommage », s'est indigné au micro de Sport News Africa, Abdoulaye Koné, président du Denguélé d'Odienné, leader de la Ligue 1.
Sanh Séverin