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Eyeru Tesfoam Gebru, des cendres de la guerre à la flamme des Jeux

Retenue par le Comité international olympique parmi les 36 athlètes de 11 pays pour concourir sous la bannière de l'équipe des Réfugiés, Eyeru Tesfoam Gebru va prendre part à ses premiers Jeux Olympiques. Un véritable rêve devenu réalité pour l'Ethiopienne, contrainte de fuir son pays en proie à la guerre. Arrivée en Europe et après avoir pensé devoir arrêté le vélo, la grimpeuse de 27 ans a retrouvé sa passion du côté de la Suisse, avant d'intégrer l'équipe professionnelle Team Komugi Grand-Est. Une revanche sur la vie pour celle qui en prime fait partie des porteurs de la flamme olympique.

Eyeru Tesfoam Gebru va prendre part à ses premiers Jeux Olympiques.

« L'histoire est magnifique après toutes les embûches qu'elle a connues ». Les mots sont de Laurent Goglione. Au moment de revenir sur le parcours d'Eyeru Tesfoam Gebru, le président de l'équipe cycliste professionnelle Team Komugi-Grand Est se rend compte du chemin parcouru par sa coureuse. Le 30 mai à Bayeux, l'Ethiopienne portait fièrement la flamme olympique le temps d'un relai, après avoir été retenue parmi les porteurs par le département du Calvados. La cerise sur le gâteau après avoir appris sa sélection au sein de l'équipe des Réfugiés pour prendre part aux Jeux.

Un rêve, longtemps considéré comme inaccessible, finalement devenu réalité. « Je ne sais pas comment exprimer mes sentiments, cela signifie beaucoup pour moi et je suis tellement heureuse et fière de moi », a confié la coureuse au moment d'apprendre sa sélection. « Il y a quelques années, il m'était difficile de penser à continuer mon sport à cause de la situation dans mon pays, mais j'ai choisi d'être forte et j'ai continué à suivre mes rêves et je vais les réaliser. C'est incroyable comme les choses ont changé ces dernières années. »

Fuite de l'Ethiopie en 2021, quand éclate la guerre

Et Eyeru Tesfoam Gebru ne pense pas si bien dire, après avoir pensé un temps ne plus pouvoir faire du vélo. La faute à la guerre qui a éclaté dans son Ethiopie natale en 2021 et l'a poussée à prendre le chemin de l'exil pour se retrouver en Europe, loin des siens. Le début d'un parcours solitaire fait de hauts et de bas, avant d'entrevoir le bout du tunnel en arrivant au Centre Mondial du Cyclisme (CMC), à Aigle en Suisse. Repérée pour la première fois en 2017 dans son pays par la structure, après ses deux 2èmes places sur la course en ligne et le contre-la-montre, la coureuse est invitée à venir s'entraîner le temps d'un hiver par le responsable du centre. C'est là que le destin s'en mêle.

En très bons termes avec Jean-Jacques Henry, responsable du CMC, Laurent Goglione se voit proposé le profil d'Eyeru. « C'est par le biais de Jean Jacques Henry, qui est un homme très important dans sa vie sportive, que notre rencontre s'est faite. Le CMC a été créé pour accueillir tous les cyclistes du monde entier appartenant à des pays qui n'ont pas de structuration. C'est à dire pas de fédération existante par exemple, pas de courses ou encore des pays en guerre... Comme ils ne peuvent pas pratiquer leur discipline dans leur pays, ils sont détectés en amont et c'est dans ce cadre qu'Eyeru a été accueillie », détaille t-il.

Eyeru Tesfoam Gebru, arborera le maillot de l'équipe des coureurs réfugiés.

Et de poursuivre : « On a une relation particulière avec le CMC parce qu'on a aussi une autre coureuse qui en est issue en la personne de l'Argentine Fernanda Yapura. Il y a 2 ans, Jean Jacques Henry nous appelle et nous dit qu'il a une fille qui pourrait nous intéresser car c'était l'année où on allait passer professionnel. »

Pourtant, le dirigeant reconnaît qu'à l'époque, c'est un petit pari qu'il prend avec son équipe. « Dans le cyclisme on a des budgets serrés donc forcément il y a un risque. On a besoin vis à vis des partenaires d'avoir de la visibilité, de gagner des courses. Mais dans le même temps, avec la relation de confiance qu'on a avec Jean-Jacques Henry et avec sa vision, on savait qu'il nous proposait une coureuse avec un réel potentiel (…) Au moment de son arrivée, c'est une coureuse qui n'a pas fait de course depuis 1 an car elle avait été obligée de couper. On savait qu'il lui faudrait du temps avant qu'elle ne retrouve son niveau et se mette à performer. Il fallait d'abord la prendre sous notre aile. »

« Le cyclisme m'a sauvé la vie »

Mais la patience paye et Eyeru Tesfoam va peu à peu retrouver ses sensations. Son profil de grimpeuse et surtout ses qualités sautent aux yeux. « Avec son petit poids et son petit gabarit, elle s'envole vite dès que la route s'élève », note Laurent Goglione. « On voit qu'elle revient à son meilleur niveau depuis quelques semaines. Elle aura mis un en et demi à revenir à son meilleur niveau. On l'a vu au Giro Mediterraneo en Italie, puis au Tour de Burgos où elle a fait la course aux avant-postes. Le Tour de Burgos est une étape World Class, c'est à dire le niveau le plus élevé chez les filles. Ce n'est pas rien. »

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Si Eyeru Tesfoam a retrouvé le goût de la course et surtout la régularité, il lui faudra sans doute encore du temps pour revenir à son meilleur niveau. « Il va sûrement lui falloir encore une année pour passer un nouveau cap. D'ici la fin de l'année elle sera revenue à un très bon niveau pour une coureuse professionnelle », analyse le patron du Team Komugi-Grand Est.

Une première victoire déjà pour l'Ethiopienne qui clame : « Le cyclisme m'a sauvé la vie. » C'est le vélo, sa passion de toujours, qui lui a permis de tenir loin des siens et, petit à petit, se reconstruire. « C'était comme une thérapie. Je m'entraînais juste pour tout oublier. Quand vous vous asseyez et que vous voyez les nouvelles de chez vous... c'est horrible », expliquait-elle lors d'un entretien avec l'UCI. Véritable force de caractère, la grimpeuse va s'accrocher à son rêve de courir à nouveau, portée par ce passé et son histoire.

« Une des choses qu'elle sait très bien faire dans sa vie c'est pédaler, s'entraîner, souffrir, s'accrocher pour performer », explique Laurent Goglione pour aller dans le même sens. « Elle a ces qualités intrinsèques aux coureurs. Cette capacité à se battre qui fait la différence. Au-delà de ça, c'est ce qu'elle a en elle, sa force, son énergie et son courage qui l'ont sauvée. Ne pas voir sa famille depuis des années, il faut une sacrée force de caractère pour le surmonter et en arriver là. »

Une force de caractère, malgré une personnalité réservée en raison de son parcours de vie, qui n'ont pas empêché Eyeru Tesfoam Gebru de pleinement s'intégrer au sein du Team Komugi-Grand Est. Même s'il a toutefois fallu du temps pour qu'elle se libère. « Ce qu'elle a vécu, elle garde ça pour elle. Et au niveau de l'équipe on tient à respecter cela. Elle est pudique, malgré ce sourire permanent qu'elle a sur le visage. Quand elle est arrivée, elle s'était fabriqué son monde. Mais tout doucement, au fil des mois, elle s'est ouvert à nous en étant plus proactive au sein du groupe », se souvient Laurent Goglione. « Elle a désormais l'attitude normale d'une coureuse au sein d'un groupe. Et comme elle parle de mieux en mieux français, ça la libère davantage. »

Désormais, en plus de retrouver peu à peu la pleine mesure de son talent, Eyeru Tesfoam Gebru doit franchir un cap. À 27 ans, alors que la maturation chez les coureuses est plus tardive, elle est attendue pour prendre une nouvelle dimension. « Elle doit mieux répondre aux attaques, s'améliorer dans la prise de repères quand on fait la course devant. Si elle continue sa progression, elle peut prétendre à avoir une place au sein d'une équipe World Tour », fait remarquer Laurent Goglione. « On aspire à continuer à grandir, et si on peut continuer à grandir ensemble, ce serait un plaisir de l'avoir encore dans l'équipe. »

Mais avant de potentiellement intégrer une équipe du World Tour, la grimpeuse est attendue sur la route des JO 2024 pour vivre son rêve, mais aussi montrer que sa place n'est pas usurpée. Une récompense aussi pour son équipe qui suivra la course d'un œil particulier cette fois. « Même si elle courra sous les couleurs de l'équipe des Réfugiés, c'est aussi une récompense et une fierté pour nous car elle représente aussi l'équipe qui l'a accueillie, l'a laissée prendre ses marques et l'a accompagnée pour retrouver son niveau. On est un petit bout de son histoire. »

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