Le jeune milieu de terrain de Leipzig est parmi les 27 joueurs guinéens retenus pour la CAN 2021. Il est convoqué pour la première fois depuis qu’il a boudé la Roja pour le Syli.
L’attente a été longue. Ilaix Moriba (18 ans) va enfin consommer son mariage avec la Guinée cinq mois après lui avoir dit oui. Kaba Diawara, le sélectionneur du Syli, a retenu le jeune milieu de terrain de Leipzig parmi les 27 joueurs qu’il a choisis pour la CAN 2021 (Cameroun, du 9 janvier au 6 février). C’est la première fois que l’ancienne pépite du FC Barcelone est convoquée par son pays de naissance. Son impact physique et son sens tactique seront de précieux atouts pour la sélection guinéenne, adversaire dans le groupe B du Sénégal, du Zimbabwe et du Malawi.
Ilaix Moriba devra faire oublier Mady Camara. Dans le jeu et dans l’attitude vis-à-vis du groupe. Le milieu de terrain de l’Olympiakos (Grèce) n’est pas retenu pour la CAN. Son excellent début de saison avec son club (23 matches, 2 buts) et ses 21 sélections (1 but) n’ont pas empêché Kaba Diawara de le zapper. Mohamed Camara, journaliste sportif guinéen, confie à Sport News Africa que le joueur de 24 ans paierait pour sa prétendue tendance à faire la star en sélection plutôt qu’à se fondre dans le collectif.
Ilaix Moriba gagnerait à ne pas suivre cet exemple. Jouer pour l’équipe, voire se mettre au service de son capitaine, Naby Keita (Liverpool), semble pour lui la voie royale pour briller avec la Guinée. Son faible temps de jeu (6 matches, toutes compétitions confondues) et le fait qu’il va découvrir un cadre nouveau, pourraient constituer un handicap. Mais Kaba Diawara n’attend sans doute pas de sa nouvelle recrue qu’il porte le Syli au Cameroun. Le sélectionneur guinéen voit certainement plus loin que la CAN 2021.
C’est qu’Ilaix Moriba incarne l’avenir de la sélection guinéenne. Le jour où les Naby Keita et autres cadres prendront leur retraite, le natif de Conakry devra récupérer les clés de la maison. Malgré ses 18 ans et sa jeune carrière, il paraît taillé pour le rôle. En tout cas, il affiche un prometteur pedigree.
Ilaix Moriba est né le 19 janvier 2003 à Conakry. Aissatou et Mamady Kourouma sont ses parents. Ce dernier est un Libérien qui a fui la guerre civile dans son pays pour la Guinée, terre de son épouse. Deux ans après la naissance de Moriba, la famille s'exile en Espagne avec l'espoir d'avoir de meilleures conditions de vie. Le cadet de la fratrie rêve du Barça. Mais, il débute sa formation de footballeur chez le rival, l’Espanyol Barcelone (2008-2010). Il ne rejoindra la Masia, le prestigieux centre de formation blugrana, qu’en 2010.
Ilaix Moriba se distingue très vite par un jeu porté sur le physique davantage que sur la technique et la tactique, l’ADN du Barça. Malgré tout, il brille parmi les pépites catalanes. Au cours de la saison 2020-2021, Ronald Koeman le fait débuter en pro. Pour son premier match, il délivre une passe décisive à Francisco Trincao. Un mois à peine plus tard, lors de la victoire (2-0) sur Osasuna, il signe son premier but. Sur un service de Lionel Messi, son idole.
La pépite catalane commence à attirer les regards des cadors européens. Manchester City s’aligne. Le transfert est près de se faire lorsque le père du joueur annule l’opération. «Je voulais qu'Ilaix soit un exemple et une référence pour les générations futures de Barcelone, a justifié Mamady Kourouma. Ses amis étaient partis. S'il restait, c'était la preuve que le Barça pariait sur les jeunes joueurs. Nous avons réussi à parvenir à un accord où nous sommes tous sortis gagnants.»
En guise de récompense, le Barça offre à l’Hispano-Guinéen le salaire le plus élevé de son académie. Ilaix Moriba dispute avec l’équipe première en tout 18 matches (1 but, 3 passes décisives), toutes compétitions confondues. Puis, les relations avec le club catalan tournent au vinaigre. Sentant que son jeune joueur attisait les convoitises, la direction du Barça tente de prolonger son contrat qui expirait en juin 2022. Et pour mieux verrouiller autour de lui, elle table sur une clause libératoire de plus de 150 millions d’euros.
Les négociations ne sont pas simples. Elles piétinent, capotent. Les dirigeants catalans s’agacent et renvoient le garçon en réserve. L’entraîneur qui l’a lancé s’engouffre dans la brèche. «Je conseille à un joueur de 18 ans de ne pas penser que l’argent est le plus important, assène Ronald Koeman en conférence de presse. Le plus important c’est de jouer des matchs. Je suis déçu, je crois davantage au football qu’aux contrats. Pour un jeune de 18 ans, l’argent ne doit pas être le principal.»
🗣️💬 "Le plus important c’est de jouer des matches. Mais des joueurs et leurs entourages pensent différemment. Je suis déçu, je crois davantage au football qu’aux contrats. Pour un jeune de 18 ans, l’argent ne doit pas être le principal."https://t.co/hjrYeCOFUc
— RMC Sport (@RMCsport) August 20, 2021
La rupture est inévitable. L’été dernier, Leipzig rafle la mise pour 16 millions plus 6 de bonus. Et en cas de revente, le Barça touchera 10% du montant du transfert. Ilaix Moriba pose alors ses valises en Allemagne.
Hallo, @RBLeipzig_EN pic.twitter.com/SUh9bxJJKl
— Ilaix Moriba (@IlaixMK) September 1, 2021
Même s'il a tenu à se montrer reconnaissant vis-vis du Barça, Moriba n'a pas manqué de solder quelques comptes avec son club formateur. «Les derniers mois ont été les plus difficiles de ma vie, rembobine le jeune Guinéen. Nous avons reçu des messages pas beaux mais nous avons pu supporter ça jusqu'au bout. Je ne méritais pas ces messages. Beaucoup de choses ont été dites et ne sont pas vraies et nous avons dû laisser ça sous silence afin de respecter le Barça. Des choses ont été dites dans la presse et n'ont pas été fair-play, de nombreux mensonges ont été dits.»
Il ajoute : «Le plus important c'est que nous sommes ici (à Leipzig) maintenant et je suis content de tout ce que j'ai fait à Barcelone. Le soutien des fans a été important aussi même si ces derniers mois, certains ne se sont pas bien comportés. Je ne vais pas les juger. J'aurai toujours le Barça dans mon cœur. Les mois ont été compliqués mais ça s'est déjà calmé et je souhaite le meilleur à Barcelone et à tous les jeunes, en particulier à Ansu (Fati). J'ai vu qu'ils lui ont donné le numéro dix. Je lui souhaite le meilleur.»
Un dernier mot : «C'était assez difficile pour moi de quitter Barcelone parce que j'y étais depuis de nombreuses années, toute ma vie même. C'était difficile, mais l'opportunité que Leipzig m'offre est, selon nous, la meilleure décision que nous puissions prendre. Je veux être ici et commencer à jouer.»
Gracias, @FCBarcelona pic.twitter.com/r5GHne3WAv
— Ilaix Moriba (@IlaixMK) August 31, 2021
Dans la foulée de sa rupture avec le Barça, suivie de son transfert à Leipzig, Ilaix Moriba met une croix sur le maillot de l’Espagne. Il en informe la Fédération espagnole. Le président de la Fédération guinéenne de football (FEGUIFOOT), Antonio Souaré, jubile. «J’ai eu une réunion avec les représentants de sa famille, confie le dirigeant guinéen. (…) Ils nous ont remis son premier passeport guinéen. Maintenant, comme il a déjà joué avec les U17 de l’Espagne, nous allons rapidement enclencher la procédure auprès de la FIFA pour le changement de la nationalité sportive. Nous sommes très heureux de l’avoir en équipe nationale.»
Le sélectionneur des U21 espagnols, en revanche, digère mal. «Je n’ai pas compris le truc d’Ilaix Moriba, peste Luis de la Fuente. Je pense que la meilleure option pour ces gars-là est de jouer avec l’équipe nationale espagnole.»
🇬🇳🇬🇳🇬🇳 Moriba Kourouma Kourouma à l'hôtel du Syli National de Guinée, pour une prise de contact avec les joueurs et encadreurs de la sélection guinéenne.
Le milieu de terrain du RB Leipzig sera présenté au public sportif, le 14 novembre au Stade du 28 Septembre.#FEGUIFOOT pic.twitter.com/CQBD2vd6p5— Fédération Guinéenne de Football (@FEGUIFOOT69) November 13, 2021
Trop tard. Le joueur ne reviendra pas sur sa décision. Il se rend même en Guinée pour l’officialiser. Et au mois de novembre dernier, la FIFA a validé le changement de nationalité sportive du milieu de terrain de Leipzig. Désormais rien ne s’oppose à ce qu’Ilaix Moriba enfile le maillot du Syli. Après avoir mis au placard celui de l’Espagne.
La Rédaction