Elles avaient rêvé d’entrer dans l’histoire en étant les premières à représenter le Congo à une compétition internationale de football féminin. Mais l’espoir des joueuses de l’AC Colombe de Brazzaville, vainqueur du championnat national s’est transformé en désillusion. Presque pour si peu.
De notre correspondant à Brazzaville
« Je n’arrive pas à fermer les yeux. Je fais des insomnies », nous répondait ce mardi 13 septembre, Ruth Mbemba. C’est peu dire que la déception pèse lourd dans le mental de la joueuse de l’AC Colombe. Et pour cause, le club de football féminin basé à Brazzaville n’a pas pu se rendre à Malabo où se jouaient le week-end dernier, les éliminatoires de la zone Union des Fédérations de Football de l'Afrique Centrale (UNIFFAC) de la Ligue des africaine des champions de football féminin. L’AC Colombe devrait affronter le CECUS FC du Tchad.
Lire sur le même sujet : Championnat D1 : l'AC Colombe remet son titre en jeu
Mais si la colombe congolaise n’a pu réaliser son envol pour la capitale équato-guinéenne, c’est à cause d'un manque de soutien financier. « Nous n’avons pas eu des fonds nécessaires pour faire face aux billets des joueuses et des autres membres de la délégation congolaise », a expliqué Ibrahim Mouetoukouenda, vice-président de l’AC Colombe. « Toutefois, grâce à une enveloppe de notre présidente d’honneur (ministre Nefer Ingani de la promotion de la femme, NDLR), nous avons pu répondre aux exigences de la CAF, telles que les visites médicales ou le test COVID. La présidente d’honneur venait de jouer sa partition », a-t-il poursuivi.
Le ministère des Sports mis à l'index
La Fédération congolaise de football (FECOFOOT) de son côté a « également rempli son devoir, car elle a pu financer l’obtention des passeports », selon Moutoukouenda. Mais comme pour certains autres événements sportifs auxquels le Congo n’a pas participé comme la récente CAN de handball masculin en juillet dernier en Égypte, c’est le ministère des Sports qui n’a pas mis des fonds nécessaires à la disposition de l’équipe pour qu’elle paie des billets. Toujours en raison de la crise.
Pourtant, les championnes du Congo en titre devraient être les toutes premières Congolaises à jouer une compétition continentale de clubs de football féminin. Un rêve fou pour de nombreuses joueuses. « Pour moi, c’était un véritable honneur et un privilège d’être le premier club congolais à jouer une coupe internationale de clubs. Nous étions toutes contentes et excitées d’être les pionnières Congolaises. Et nous étions loin d’effectuer une simple balade touristique à Malabo », a expliqué Carine Panda, joueuse.
Ne pas faire une balade touristique, l’attaquante sait de quoi elle parle. Tant ses dirigeants tenaient à faire de ce premier coup d’essai un véritable coup de maître, mieux de maîtresses. Ce qui a
valu une préparation fort conséquente. « Cette année, nous avons eu trois compétitions à préparer : le championnat en cours, la Coupe du Congo et la Ligue des champions d’Afrique. Mais nous avons mis l’accent beaucoup plus sur la Ligue des champions », a expliqué Ibrahim Mouetoukouenda.
Le club s'est endetté pour la préparation
La détermination de l'AC Colombe était telle que tous les jeux en valaient la chandelle. « Figurez-vous, nous nous sommes même endettés pour préparer cette Ligue des champions. À bout de moyens, nous comptions ainsi sur un apport extérieur », a rappelé Mouetoukouenda. Quelques trois jours après la situation continue d’alimenter les conversations et même susciter indignation ou colère dans les milieux footballistiques du pays. « Je partage la tristesse des joueuses et du staff de l’équipe de l’AC Colombe. Bien sûr qu’en tant que journaliste, je n’ai pas à porter des jugements, mais je m’exprime en tant que compatriote », nous a répondu un journaliste sportif, visiblement dépité.
Notre confrère ainsi d’autres observateurs pensent aux conséquences. « Ça, c’est tuer le football féminin », assène une joueuse d’un club de football féminin de Pointe-Noire. « Effectivement, les filles sont découragées. Je crains même pour la poursuite du championnat national », redoute Ibrahim Mouetoukouenda. Il évoque également de possibles sanctions de la CAF auxquelles l'AC Colombe le pays s’expose à la suite de ce forfait. Non sans rappeler que le Congo assure la présidence de la zone UNIFFAC. Mais en attendant d’éventuelles sanctions, « nous avons du mal à nous remettre de cette déception », explique Ruth Mbemba.