Quelques jours après la Rugby Africa Cup 2022, organisée à Marseille et Aix-en-Provence, le président de Rugby Afrique sur les enjeux de cette compétition dans cette interview réalisée par téléphone.
De notre correspondant en Côte d'Ivoire
Sport News Africa : La Namibie a remporté la RAC 2022, qui s'est jouée en France. Quel bilan tirez-vous de la compétition aux plans sportif et organisationnel ?
Khaled Babbou : Nous sommes très satisfaits de l’organisation de ce tournoi en général. Je tiens à féliciter la Namibie, vainqueur de cette magnifique compétition. Elle ira représenter dignement et valablement l'Afrique à la Coupe du monde en France en 2023. Je tiens à saluer les équipes participantes. Ceci dit, l’une des priorités de Rugby Afrique est la sécurité et le bien-être des joueurs. Notre volonté, depuis déjà de longues années, est d’offrir un environnement sain et sécurisé à toutes les équipes ainsi qu’aux encadrants. France 2023 nous a accompagnés dans ce souhait et a mis deux stades de grande qualité à notre disposition : le stade Pierre-Delort à Marseille et le stade Maurice-David à Aix-en-Provence. Toute cette mise en place et la préparation des équipes nous ont permis de voir des matchs attrayants. Certains ont été plus équilibrés que d’autres, quelques équipes nous ont également surpris dans leur engagement.
Pourquoi avez-vous choisi d’organiser la Coupe d’Afrique en France ?
Le comité organisateur de France 2023, a répondu à l’appel à candidatures émis par Rugby Afrique en 2021 pour l’organisation de la Coupe d’Afrique 2022. A travers l’accueil de cette compétition et à un an du tournoi, France 2023 a souhaité promouvoir la Coupe du monde de rugby 2023 dans une région hôte. Compte tenu de sa vision et de son ambition, France 2023 a souhaité mettre en place un programme d'héritage fort. Aussi, la Coupe du monde de rugby doit servir à promouvoir le rugby dans des territoires émergents, que ce soit en France ou à l’étranger. A Marseille et Aix-en-Provence, les équipes ont profité d’excellentes conditions d’accueil afin de proposer un haut niveau de performance sur le terrain. Le tournoi a profité par ailleurs d’une excellente visibilité, notamment à travers les partenaires médias et diffuseurs.
La tenue de la RAC 2022 en France est critiquée. Comprenez-vous les personnes qui estiment qu’une compétition africaine doit se jouer sur le continent ?
Bien sûr que nous les comprenons mais c’est notre rôle d’expliquer. Nous voulons tous la même chose : le développement du rugby africain et pour cela nous devons avancer dans la même direction. Développer le rugby c’est un terme très vaste pour parler du rugby à XV, du rugby à 7, du rugby féminin, des écoles de rugby et bien sûr des équipes nationales masculines. Nous ne souhaitons pas privilégier un pôle de développement plus qu’un autre, nos Chargés du développement régionaux travaillent très dur pour faire évoluer le rugby africain dans son ensemble. Pour ce qui est du rugby à XV masculin, nous en sommes à un point charnière qui va nous permettre de transformer l’essai. Notre volonté est d’attirer les télédiffuseurs qui auront un impact direct sur la médiatisation et donc la notoriété du rugby en Afrique. C’est grâce à eux que nous toucherons plus de fans dans plus de territoires et pourquoi pas même, plus de partenaires. Cette Rugby Africa Cup organisée en France fait partie de cette stratégie. Ce n’est pas quelque chose que nous souhaitons faire de façon régulière mais ce tournoi nous permet une médiatisation telle que nous ne l’avions jamais connue auparavant. C’est une étape sur la longue route de Rugby Afrique et elle est captivante.
Avez-vous senti un engouement des Français pour le rugby africain ?
Sans aucun doute. Le rugby africain plaît de plus en plus, en Afrique bien sûr mais bien au-delà des frontières. Nous avons une grande base de données de fans aux quatre coins du monde, ils ne sont pas uniquement basés en Afrique. En France, la question ne se pose même pas. Il suffit de regarder les spectateurs dans les stades, de lire les journaux et de voir l’attrait des médias et du public pour cette compétition. Le rugby français et le rugby africain sont amis de longues dates, ils se soutiennent, s’épaulent et partagent. De plus, les diasporas africaines sont grandes en France. De nombreux spectateurs dans le pays se sentent donc concernés mais en plus de ça, beaucoup de joueurs d’origine africaine ont grandi en France ou évoluent aujourd’hui dans le championnat français. L’amour que les Français portent au rugby africain est indéniable.
Seule une seule équipe africaine peut directement se qualifier pour la Coupe du monde. Allez-vous œuvrer pour permettre au continent d’avoir plus de places ?
C’est évidemment notre souhait et cela colle à notre volonté de développer le rugby africain. Cela ne doit pas, pour autant, être un cadeau que nous faisons aux équipes. Une place en Coupe du monde, ça se gagne. Ça se joue au mérite. En Afrique, nous sommes fiers et si nous sommes capables de proposer une deuxième équipe à World Rugby, c’est parce qu’elle aura prouvé qu’elle en est capable. Pour cela, nous devons continuer de proposer les meilleures conditions possibles aux équipes pour qu’elles excellent sur le terrain. Nous devons aussi nous assurer que nous ne prenons aucun risque quant à la sécurité des joueurs. Tout est lié.
Vous êtes à votre premier mandat. Quel bilan à mi-parcours pouvez-vous faire ?
J’ai été élu sur un programme basé essentiellement sur la promesse d’une meilleure gouvernance et d’une plus forte structuration de l’équipe administrative et technique de Rugby Afrique. Mon souhait est de faire de Rugby Afrique l’une des meilleures fédérations sportives d’Afrique. A ce jour, nous pouvons dire que ceci a été largement accompli et les encouragements de l’ensemble des fédérations reçus lors de la dernière Assemblée générale n’ont fait que le confirmer. Malgré l’héritage d’une situation financière critique et le Covid, nous avons pu maintenir toutes nos compétitions, assurer toutes nos formations et intégrer de nouvelles fédérations. Le rugby africain se porte bien. Certes, il reste beaucoup de travail à faire mais notre Comité exécutif se démène et je tiens à remercier ses membres pour leur engagement sans faille pour faire de ce continent, un grand du rugby.
Pensez-vous alors que les objectifs de Rugby Afrique sont atteints ?
Ils ne le seront jamais ! Pourquoi ? Parce que l’équipe de Rugby Afrique et moi-même nous lançons de nouveaux défis et de nouveaux objectifs quotidiennement. Nous accomplissons de grandes choses- souvenez-vous que le rugby africain n’était pas du tout le même il y a encore quelques années. A part l’équipe de la Namibie et bien évidemment l’équipe d’Afrique du Sud, le public n’avait pas entendu parler de l’amour que Madagascar, l’Algérie ou le Sénégal portent au rugby. Ce n’est pas si vieux que ça. Et tout cela c’est grâce au travail acharné d’une équipe de passionnés qui se déplace chaque saison dans un grand nombre de pays pour aller à la rencontre des fédérations et aider à leur développement. Chaque objectif atteint amène un autre objectif. Nous ne nous arrêtons pas, il y aura toujours à faire dans un si grand continent.
Quels sont vos principaux chantiers ?
Il nous faut continuer ce que nous faisons déjà. Accompagner les fédérations qui font déjà un travail exceptionnel. Continuer le développement du rugby féminin et des écoles de rugby. Continuer à former aussi. La formation est un point clef qui nous permet de transmettre la connaissance et de rendre les gens autonomes.
Sanh SÉVERIN