Le Championnat du monde féminin de handball entame actuellement la course pour le dernier carré. Le tournoi qui se tient en Suède, en Norvège et au Danemark a vu le Sénégal réaliser le plus bel exploit de l’histoire de son handball. Pour leur 2ème participation, les Lionnes ont atteint le tour principal. Le parcours du Sénégal a tenu en haleine une bonne partie du pays et a suscité de la fierté mais aussi beaucoup d’enthousiasme pour les échéances futures.
De notre correspondant au Sénégal,
C’est encore loin de la frénésie du football ou encore du basket, mais le handball suscite de plus en plus d’intérêts au sein du public sénégalais. L’épopée des Lionnes de la petite sphère a été très suivie au pays de la Téranga. À quelques jours du coup d’envoi de la compétition, la télévision nationale sénégalaise avait, lors d’une émission sportive, organisé un débat autour des chances de la sélection féminine dans ce tournoi. La plupart des médias locaux ont en effet consacré une couverture médiatique avant et après les matchs du Sénégal. Sur les réseaux sociaux, on pouvait sentir un intérêt inhabituel des sénégalais pour les exploits de leur équipe nationale féminine de handball.
Administratrice du centre de développement du handball féminin de Thiès, Daba Sané soutient qu’elle s’attendait à un tel résultat, voire mieux. «Je suis de ceux qui pensent que l’équipe du Sénégal doit être ambitieuse dans toutes les compétitions auxquelles elle prend part. Donc, je ne suis pas surprise de la qualification au tour principal. Mais on rend grâce à Dieu que les filles nous aient emmenés à ce niveau jamais atteint dans l’histoire du handball sénégalais. Notre génération n’avait jamais été au Mondial. C’est une vraie progression d’atteindre le tour principal en 2023 », a confié l’ancienne internationale sénégalaise de handball, au micro de Sport News Africa.
Grand spécialiste du handball sénégalais pour le quotidien sportif Stades, Tidiane Ndiaye souligne la progression et la maturité de cette équipe. «C'est un parcours historique dont le Sénégal peut se réjouir. Cette équipe rajeunie a quand même montré qu'elle a des armes pour rivaliser avec les ténors de la petite sphère à l'échelle internationale. Le fait de réussir à tenir en échec une grande nation de hand comme la Croatie ou parvenir à bousculer la Suède, un potentiel candidat au carré d'as, entre autres éléments de preuves que cette sélection sénégalaise a beaucoup progressé en si peu de temps sous la férule de Yacine Messaoudi», a-t-il analysé.
Logées dans un groupe A relevé en compagnie de la Suède, de la Croatie et de la Chine, les Lionnes ont notamment tout de suite donné le ton. Dès leur entrée en lice face à la Croatie, les filles du sélectionneur Yacine Messaoudi créent la sensation en accrochant des Croates largement favorites de cette affiche (22-22). La performance de l’équipe emmenée par l’emblématique Doungou Camara et ses 10 buts a créé une émulation collective chez les supporters sénégalais. Héroïques face à l’ogre suédois, malgré la défaite (18-26), les Sénégalaises ont ensuite dominé la Chine lors de leur dernier match de groupe. Validant du même coup leur qualification pour le tour principal.
Le Sénégal faisait pourtant sans deux joueuses majeures : Dounia Abdourahim et Gnonsiane Niombla, championne du monde avec la France en 2017. L’IHF (Fédération internationale de handball) a signifié à la délégation sénégalaise la non qualification de ces deux joueuses, naturalisées. « L’histoire s’est répétée avec la non qualification de Dounia et Gnonsiane. C’était le cas en 2016 à la CAN avec Doungou Camara. Ce qui nous a privé de la finale, a rappelé Daba Sané. C’est une grosse perte parce que ce sont deux joueuses qui auraient apporté énormément à ce groupe. J’espère que les responsables administratifs de la Fédération vont apprendre de cette situation qui se répète et que ces deux joueuses seront de la partie à la prochaine CAN. »
Un coup dur sur lequel le groupe du Sénéga a construit un caractère de combattante. «En voyant les filles à l'œuvre, on constate forcément qu'elles ont du métier, qu'elles sont devenues beaucoup plus exigeantes envers elles-mêmes. Le mental, le fighting-spirit ont permis d'atteindre l'objectif qui leur avait été assigné par la fédération en décrochant cette qualification historique au tour principal. Avec deux victoires contre la Chine et le Cameroun, un match nul contre la Croatie et trois défaites face à la Suède, le Monténégro et la Hongrie, le Sénégal a de quoi être fier de son parcours au Mondial », a reconnu Tidiane Ndiaye.
Dans une compétition aussi relevée que le championnat du monde, le Sénégal s’est heurté à ses limites. Malgré un groupe de 15, les Lionnes ont tourné qu’avec à peine une dizaine de joueuses. «La rotation a été le véritable problème de cette équipe. Nous avons un panel d’anciennes internationales où l’on analyse chaque match de l’équipe. On a toutes vu que les rotations étaient insuffisantes et ça n’est pas que dans ce championnat du monde. C’était déjà le cas à la CAN en 2022 à Dakar, déplore Daba Sané. On se demandait pourquoi l’équipe tournait autour de 9 joueuses seulement alors qu’il y avait d’assez bonnes joueuses sur le banc. Une joueuse internationale, on doit pouvoir compter sur elle», a-t-elle insisté.
«L’absence de ces deux cadres a faussé les plans du sélectionneur Yacine Messaoudi. Gnonsiane et Dounia pouvaient apporter une plus-value à cette équipe. Lors du dernier stage avant le Mondial, on a vu qu'elles étaient au cœur du dispositif. Je pense que leur absence n'est pas étranger à ce problème de rotation dont l'équipe a souffert, suggère Tidiane Ndiaye. La stratégie était d'accrocher un des cadors du groupe et de battre absolument la Chine. Les Lionnes y croyaient dur comme fer et l'ont fait. Contraindre la Croatie au nul est un exploit, mais battre la Chine était clairement une ambition légitime. Donc, la grosse sensation c'est le point du nul obtenu face aux Croates», ajoute le journaliste.
Éliminé en demi-finale de la dernière CAN féminine de handball, le Sénégal devra tirer les leçons apprises lors de ce Mondial pour espérer détrôner les « intouchables » Angolaises en 2024. La gestion de la fraîcheur physique est une donnée importante selon Daba Sané. «Dans ce Championnat du monde, on a vu des joueuses comme Doungou (Camara), Soukeyna (Sagna) éreintées. Elles étaient physiquement au bout du rouleau alors qu’il y a du matos sur le banc. J’espère que le Coach Yacine pourra rectifier le tir pour les prochaines échéances», espère l’ancienne internationale sénégalaise.