Si le Conseil de Sécurité des Nations Unies a officiellement condamné le Rwanda pour son soutien au M23 à l’est de la République Démocratique du Congo, les dirigeants de l’Union cycliste international (UCI) et de plusieurs formations louent le régime de Kigali en marge du Tour du Rwanda qui a débuté ce dimanche.
Le week-end a été animé dans la capitale rwandaise. Outre le concert de John Legend, qui fit également un détour au Mémorial du génocide de Kigali sous les flashs des caméras, le gratin du cyclisme international s’était aussi déplacé pour le prologue du Tour du Rwanda.
Devenue une référence sur le continent, cette 17ème édition est cependant sujette à des polémiques à cause de la guerre sévissant à l’est de la République Démocratique du Congo voisine. « L’éthique est toujours un sujet majeur pour nous », estime David Lappartient, le président de l’UCI à RFI. « Je laisse le soin aux gouvernants de régler les sujets. Et on voit qu’il y a des discussions en cours. Naturellement, l’UCI, comme le mouvement sportif, appelle à la désescalade, appelle à la paix. C’est notre rôle. Et on est un outil, d’ailleurs, au service de la paix. »
Un discours qui diffère sensiblement de celui tenu par le Conseil de Sécurité des Nations Unies, dont la résolution adoptée à l’unanimité le 21 février « condamne fermement l’offensive et l’avancée en cours du M23 au Nord-Kivu et au Sud-Kivu avec le soutien des forces de défenses rwandaises ».
« Le Tour du Rwanda donne cette confirmation que le pays est sécurisé »
Incarnant personnellement la diplomatie sportive de son pays, Paul Kagame est devenu proche au fil des années de nombreux dirigeants sportifs tels Gianni Infantino (président de la FIFA), Masai Ujiri (président de la franchise NBA de Toronto) ou David Lappartient qui a toujours défendu le choix d’attribuer au Rwanda les Championnats du monde sur route en 2025.
Candidat à la présidence du CIO, le patron du cyclisme est un habitué de Kigali puisqu’il avait même visité le Mémorial du génocide en 2018 en marge du Tour du Rwanda. Malgré les récentes sanctions américaines, qui visent notamment le général James Kabarede (ancien ministre de la Défense et conseiller de Kagame), et les sanctions à venir de l’Union Européenne (décidées par un consensus des 27 États membres ce 24 février), Lappartient poursuit sur sa lignée et son soutien tacite au Rwanda, qui sera bien le premier pays africain à accueillir les Mondiaux sur route en septembre prochain.
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« On n’a pas de doute sur le fait que les Championnats du monde vont se tenir au mois de septembre. Et je crois que le Tour du Rwanda donnera finalement cette confirmation que le pays est sécurisé et donc qu’il n’y a pas de risque pour ces Championnats du monde. Finalement, c’est bien que cette épreuve se déroule maintenant. Ça va permettre de montrer, au-delà des polémiques qu’ont pu lancer certains, que ce championnat du monde, effectivement, aura bien lieu. Nous y travaillons depuis très longtemps, l’UCI et le gouvernement rwandais […] Nous prenons nos décisions de manière autonome. Deux, nous sommes politiquement neutres. Ca n’empêche pas d’avoir un avis, parfois, sur des sujets qui pourraient déraper, d’émettre un avis ou de reconsidérer certaines positions. Mais là, aujourd’hui, très clairement, les conditions sont remplies pour que ces championnats du monde se déroulent », a-t-il rajouté à RFI.
Jean-Réné Bernaudeau : « J’ai confiance en la solidité de l’armée rwandaise »
Malgré les réserves de certaines équipes, seule une formation a choisi de décliner l’invitation, en l’occurrence les Belges de Soudal Quick-Step, qui ont cité des raisons de « sécurité » à cause de la proximité de certaines étapes – et de l’hôtel – avec la formation congolaise.
En coulisses, certains à l’UCI n’ont pas tellement apprécié ce forfait et rejettent la faute sur la politique belge dont les relations avec le Rwanda sont glaciales (Kigali ayant suspendu l’aide au développement dont il était bénéficiaire en jugeant que Bruxelles avait pris parti pour la RDC).
Des pensées s’inscrivant dans la lignée des doutes émis par la Fédération belge de cyclisme quant à la tenue des Mondiaux au Rwanda ; ce qui avait valu un commentaire cinglant de Lappartient : « J’ai dit au président de la fédération belge que les propos de sa fédération étaient déplacés. »
Les autres écuries professionnelles sont donc venues, dont UAE, Lotto, Israël PT, Picnic ou TotalEnergies dont le patron, Jean-René Bernaudeau, s’est adonné à des déclarations remarquées à l’AFP : « J’ai confiance en la solidité de l’armée rwandaise. Aujourd’hui, ils parlent plutôt d’envahir les autres que d’être en danger dans le pays. Je n’ai pas de raison d’être inquiet. »
Un satellite de développement de l’UCI au Rwanda
Comme à son habitude, Paul Kagame s’est personnellement investi pour marquer le départ du prologue. Tout sourire, il était photographié avec les pontes du cyclisme mondial, dont Lappartient. Des clichés évidemment diffusés en masse sur les comptes officiels de la présidence et des agences de presse rwandaises et internationales.
Outre le Tour du Rwanda et la tenue des Mondiaux en septembre, Lappartient a également inauguré avec son hôte la première pierre posée de ce qui sera le second satellite de développement de l’UCI sur le continent après celui de Paarl en Afrique du Sud.
Ce projet regroupera des activités déjà actives sur trois sites (Musanze, Bugesera et Rwamagana) et permettra de développer le cyclisme sur route, mais aussi le pump track dont un circuit de course de 1.2 kilomètre se trouve à Bugesera. De quoi placer davantage le Rwanda comme un hub du cyclisme africain.
Sous l’œil de la ministre des Sports, Nelly Mukazayire qui a remplacé en décembre Richard Nyirishema, et du nouveau président de la Confédération africaine de cyclisme (l’Ivoirien Allah Kouamé), l’Érythréen Henok Mulubrhan a remporté au sprint la première étape d’un tour dominé pour le moment au classement par le Français Fabien Doubey.