Au pays des champions d’Afrique de football, des multiples médaillés d’or continentaux de basket-ball et de la lutte traditionnelle, une « petite » discipline tente d’exister : le badminton. Ce sport passionnant mais assez méconnu au Sénégal tente de bien figurer par l’inventivité de ces dirigeants. Une philosophie qui leur a permis aujourd’hui la reconnaissance au niveau des autorités sportives et des instances sportives internationales.
De notre correspondant au Sénégal
Né à l’époque médiévale, le badminton s’est professionnalisé avec les Anglais qui l’ont vulgarisé un peu partout à travers le monde. En 1934, la Fédération internationale de badminton (BWF) voit le jour. Le badminton passe en discipline olympique lors des Jeux de Barcelone en 1992.
Au Sénégal, c’est en 2004 que le badminton fait son apparition dans des internats. Lancé en comité national de promotion en 2019, le badminton est passé en 2 ans en fédération en février 2022 grâce à des hommes passionnés et qui ont donné de leur sueur pour faire connaître cette discipline dans les moindres recoins du Sénégal. « Nous n’avions pas ménagé nos efforts pour la vulgarisation du badminton et avions opté de passer par les écoles, explique un membre de la commission d’organisation à la FESBAD. Pendant les années où nous étions en CNP, on a procédé à des formations de tuteurs. Ils étaient au nombre de 11 en plus de 121 enseignants. Je fais d’ailleurs partie de la première promotion de tuteurs formés ici au Sénégal. Il y a des formations à Dakar, à Thiès (ville située à 70KM de la capitale). D’autres formations sont prévues à Ziguinchor (dans le Sud) et à Saint-Louis (dans le Nord) », renseigne Isidore Sagna.
Le but était que ces tuteurs poursuivent la transmission aux enseignants. Ces derniers en feraient par la suite la promotion durant les cours hebdomadaires d’éducation physique. Une vingtaine d’écoles ont accueilli la discipline sous l’égide du CNP puis de la Fédération de badminton. Une stratégie qui semble avoir porté ses fruits avec l’érection en fédération depuis février dernier.
La formation a été une des clés de cette expansion à vitesse grand V avec notamment la formation d’officiels techniques référencés WBF au nombre de 5. Sans oublier celle dédiée aux juges de ligne où 10 récipiendaires reconnus par la WBF ont pu bénéficier de formation. En 2019, une première formation pour des entraîneurs et des joueurs avait permis de lancer les grandes manœuvres de la discipline. Une formation qui s’était tenue en Chine.
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Le badminton est aujourd’hui implanté dans 8 régions (Dakar, Thiès, Ziguinchor, Saint-Louis, Matam, Kaolack, Kaffrine et Tamba) et bientôt 10 avec Diourbel (dans le centre) et Sédhiou (dans le Sud) grâce à cette politique intelligente. Cette approche SMART, vient pallier le manque de moyens pour une jeune fédération, qui a pour ambition de s’étendre et développer la pratique de ce sport dans les 14 régions du Sénégal.
Et le dirigeant de la FESBAD est très optimiste quant à intéresser les Sénégalais au badminton. « Le badminton est un sport passionnant qui suscite la curiosité car s’apparentant au tennis. Mais le badminton est la discipline de raquette la plus rapide au monde avec un record à 493 KM à l’heure pour le coup le plus puissant. Quand on le dit ça excite pas mal de gens. Il est moins coûteux et plus attractif que le tennis car la raquette de badminton est plus légère que celle de tennis. Et pour les touts petits c’est plus adapté. Ça travaille la coordination, le réflexe grâce à la légèreté du volant (balle de badminton, ndlr). Et cela peut impacter positivement le reste chez l’enfant », argumente M. Sagna.
Les cinq premiers jeunes joueurs de badminton formés durant deux mois en Chine en 2019, contribuent à l’expansion de la discipline. Et les dirigeants de la FESBAD espèrent renouveler l’expérience maintenant qu’une accalmie est notée avec la pandémie de la Covid-19. En outre, le tournoi Panda organisé par l’ambassade de Chine au Sénégal, est un moyen de poursuivre les échanges d’expériences avec de grandes nations de badminton. « Une convention a également été signée entre la Fédération française de badminton et la FESBAD », a renseigné M. Sagna
Malgré la jeunesse de l’instance, tout semble mis en œuvre pour structurer du mieux possible la discipline. « Des démarches sont en train d’être faites avec les affiliations pour répertorier les pratiquants de badminton dans le pays et avoir une vue sur le nombre de licenciés. N’oublions pas que nous sommes une fédération qui a à peine 3 mois d’existence », rappelle-t-il.
Un premier championnat national s’est tenu au Sénégal en mars 2022 en format Shuttle Time (badminton adapté aux enfants). Des dizaines d’enfants ont pris part à cet événement organisé sur l’esplanade du monument de la Renaissance africaine. À l’international, on note que la petite catégorie commence déjà à faire ses gammes notamment lors des championnats All Africa U15 et U19 au Bénin en août 2021. L’opportunité de faire découvrir le haut niveau à ces pépites en vue des Jeux olympiques de la jeunesse prévus au Sénégal en 2026. « On peut dire que le badminton est en avance sur la formation des élites 2026. Elles ont été formées à Saint-Louis et seront bientôt rejointes par d’autres élites formées dans les autres régions pour les objectifs des Jeux olympiques de la jeunesse de 2026. Il y aura une rude sélection au niveau national pour les athlètes qui représenteront le Sénégal à ces JOJ. Des tournois sont d’ailleurs en cours dans ces différentes régions supervisées par les tuteurs et avec les enseignants », a confié Isidore Sagna.
Dans un pays où le football est roi et aspire l’essentiel des moyens financiers, les dirigeants du badminton espèrent faire preuve d’ingéniosité pour bien figurer dans le cœur des sportifs sénégalais.
Moustapha M. SADIO