Pour le gouvernement congolais, Marien Ikama « usurpe » le titre de président de la Fédération congolaise de judo et disciplines associées (FECOJUDA). Et pourtant, c’est bien lui que les instances internationales considèrent comme seul et unique interlocuteur légitime.
De notre correspondant à Brazzaville
Une situation on ne peut plus absconse ? Pour tout adepte de formules hyperboliques, le jeu en vaudrait la chandelle pour décrire l’ambiance qui prévaut actuellement au sein de la Fédération congolaise de judo et disciplines associées (FECOJUDA). Difficile en effet de savoir qui de Marien Ngouabi Ikama et de Neyl Francis Ata Asiokara est le président légitime de l’instance faîtière du judo au Congo. Et si la légitimité s’obtient au niveau des institutions, Francis Ata a tout le soutien des instances nationales.
« Depuis le 4 septembre 2021, au cours d’une assemblée générale élective, la Fédération congolaise de judo et disciplines associées (FECOJUDA) a élu un nouveau bureau exécutif présidé par Maître Ata Asiokara Neyl Francis sous la supervision du Comité national olympique sportif congolais (CNOSC) et le ministère en charge des sports », écrivait dans la note N° 0156 du 1er février 2022, Hugues Ngouelondelé, ministre congolais de la Jeunesse, des Sports.
Bien avant le ministère des sports, le CNOSC avait déjà tiré la sonnette d’alarme à travers un courrier adressé à des comités olympiques internationaux. « Je vous en informe, afin que vous sensibilisiez les fédérations de judo de vos pays respectifs, pour qu’elles cessent de collaborer avec un président illégal qui se permet notamment d’engager des athlètes à des compétitions à l’étranger », écrivait en décembre dernier, Raymond Ibata, président du CNOSC.
La réaction du CNOSC et du gouvernement congolais procède de l’invalidation en fin mai par la Chambre de conciliation et d’arbitrage du sport (CCAS) des résultats de l’assemblée générale
élective du 17 février qui avait reconduit Marien Ngouabi Ikama à la tête du judo congolais.
La nouvelle élection ordonnée par la CCAS fut remportée le 4 septembre par Neyl Francis Ata Asiokara. Ainsi, étant donné que Marien Ngouabi Ikama « continue de se prévaloir de président actif (de la FECOJUDA, ndlr) », le ministre Ngouelondelé n’a pas eu d’autres options que de recourir à ses collègues pour sévir. « Face à cette usurpation de titre, je vous saurai gré des mesures que vous voudrez bien prendre afin de mettre fin à cette situation qui n’honore pas notre pays, notamment aux frontières », a recommandé le chef du département des sports.
C’est pourtant à l’étranger que la légalité de l’élection de Neyl Francis Ata Asiokara pose problème. Notamment au niveau de la Fédération internationale de judo (FIJ). « Les documents que la FIJ a reçus concernant l’élection de Monsieur Atta n’étaient pas complets. La FIJ en a informé les autorités sportives du pays par courrier et cela a été précisé, de nouveau, à M. Atta lors d’un entretien qui s’est déroulé le 6 décembre lors du Grand Slam de Paris, par le Président de l’Union Africaine de Judo, M. Siteny Randrianasoloniaiko, de M. Meridja, 1er vice-président de l’UAJ et de M. Azzoug, directeur de cabinet de l’UAJ », explique Michel Huet, assistant du secrétaire général de la FIJ dans une conversation par mail.
Et jusqu’ici, c’est ce que des journalistes congolais appellent « l'aile Ikama » qui représente le Congo à des compétitions internationales. Comme il en a été le cas lors du Grand Slam de Paris qui s’est déroulé du 5 au 6 février derniers, dans la capitale française. Depuis plus de cinq ans, le judo congolais vit une crise sans précédent. Et ce sont quasiment les mêmes protagonistes qui peinent à accorder leurs violons. Ce, malgré des initiatives de sortie de crise comme le comité de normalisation mis en place en 2019.
Et à quand l’épilogue de cette interminable crise ? Difficile de le savoir. Toutefois, cette affaire pourrait susciter un vif débat autour de nombreux thèmes dont l’ingérence des gouvernements dans les affaires des fédérations et la primauté des lois et instances internationales sur les textes et organes locaux. Et du côté de la presse, la polémique bien qu’encore timide, se précise petit à petit
entre confrères sur les réseaux sociaux. Mais jusqu’ici sans passion.