Les nuits abidjanaises, d'ordinaire chaudes, sont devenues encore plus incandescentes avec la CAN 2023 et le miracle des Eléphants, repêchés des poules pour les huitièmes de finale et désormais qualifiés pour les quarts.
De notre correspondant en Côte d’Ivoire,
Abidjan ne dort jamais. C'est un doux euphémisme. À l'occasion de la CAN 2023, ce constat est d'autant plus vrai que les nuits sont devenues encore plus chaudes surtout après le passage de l'équipe nationale ivoirienne, repêchée, puis brillamment qualifiée pour les quarts au détriment du Sénégal ce lundi 29 janvier 2024. La capitale économique ivoirienne a vécu au rythme des feux d'artifice et autres parades de voiture dans des longs cortèges. La Côte d’Ivoire vient de battre le Sénégal. C'est le délire total, après que la sélection est arrivée en huitièmes de finale par un trou de souris. Elle a dû attendre le dernier match du Maroc, vainqueur de la Zambie (1-0) pour terminer parmi les meilleurs 3es. Il y a eu ensuite l'exploit face à l'ogre sénégalais, battu aux tirs au but en huitièmes, à la surprise générale, à Yamoussoukro.
Automatiquement, tous les points chauds de la mégalopole ouest-africaine se sont bondés de monde. « Je ne sors jamais en semaine pour faire la fête mais aujourd'hui est un jour spécial. La Côte d’Ivoire a montré sa force face au Sénégal pour passer en quarts de finale. Ça mérite la fête jusqu'au matin », confie Koffi Pascale, rencontrée dans un maquis, bistrot ou restaurant en plein air, à Yopougon. Elle était en compagnie de ses amies, toutes aussi belles les unes que les autres avec des postérieurs proéminents. « Je ne consomme pas d'alcool mais aujourd’hui, c’est le laisser-aller », ajoute-t-elle, ivre de bonheur et presque saoulée. Sur la table d'à côté, deux mecs, guettent. Ils attendent le bon moment pour sortir leur carnet de charme.
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À Abidjan, tout s'arrose. On noie sa tristesse dans l'alcool ou on célèbre les moments de bonheur le coude levé. C'est le quotidien. La nuit, tous les chats sont gris, comme le dit l'artiste-chanteur Meiway, fondateur du rythme Zoblazo. Une danse qu'on exécute avec un mouchoir blanc à la main. A la rue des bars à Angré, ses sons « On a gagné » ou encore «Godeba» sont distillés à profusion. Il n'y a plus de places assises mais a-t-on besoin d'être assis pour boire ? « Quand je suis assis, j'étouffe. Donc même quand il n’y a pas place, ça ne me fait rien. L'essentiel, c'est de regarder les femmes, draguer, faire le show, apprécier la soirée », explique Kra Kouassi, la quarantaine révolue, dans un français à la sauce ivoirienne. Comme beaucoup d’hommes, il est en quête d'une belle dame pour dépenser son argent. « Le paiya », dépenser sans compter, a pris des proportions inimaginables dans cette CAN. La chanson la plus écoutée de l'événement, « Coup de marteau », qui a cumulé 18 millions de vues sur YouTube en un mois, le rappelle si bien avec l'expression « Si tu es fatigué faut djô hein, nous on est là ». Traduisez, « si tu es ivre, tu peux aller te coucher, pas nous ».
La réputation de fêtarde d'Abidjan s'est encore plus accrue dans cette CAN 2023 qui a débutée depuis le 13 janvier 2024. Tous les visiteurs vous le diront. Partout, c'est la fête. Que ce soit les jours de défaite (0-4 face à la Guinée-Équatoriale) ou les jours de victoire (1-1, 5 tab 4 face au Sénégal). « Cette CAN est déjà une grosse réussite, en termes de surprise sur le terrain et en termes d'organisation. A Alger, je sors rarement sauf pour aller manger en famille mais ici, je suis dehors tout le temps », assure Hichem M., un journaliste algérien qui a quitté Bouaké pour la capitale après l'élimination de son pays. Abidjan est comme Hollywood. Autant on croise les stars de l'écran le jour, autant on rencontre les stars du ballon rond ici de nuit. Adebayor, Kalou, Drogba, Eto'o et autres Mboma attirent les foules. De l'Onyx au Mandjaro, c'est pari sur pari pour voir qui va s'épuiser en premier entre potes. La CAN de l'hospitalité s'est vite transformée en CAN de la fête.
Il est 6h du matin mais c'est comme s'ils venaient tous de se réveiller. Tous les clients de la rue des bars semblent être ressuscités par les rayons de soleil matinaux. Et ça n'a rien à voir avec la victoire de la Côte d’Ivoire aux tirs aux but face aux Lions de la Teranga du Sénégal. C'est leur seconde nature. Alors que dehors le soleil darde déjà ses rayons des premières lueurs du jour, trois filles de joie, ivres au point de ne plus tenir sur leurs talons aiguilles, arrêtent un taxi. Au même moment, un groupe de jeunes passe à bord d'un véhicule rutilant. Ils chantent à tue-tête dans des bruits de klaxons assourdissants. Ils freinent au niveau des gonzesses prêtent à emprunter l'engin de couleur rouge. « Vous allez où ? », lance l'un des bonshommes. Les filles se regardent et sourient. Pas de place pour l'hésitation. « C’est gâté, allons manger placali (Ndlr, plat à base de pâte de manioc cuite accompagné d'une sauce gluante)», invite-t-il. C'est relancé !
Sanh Séverin