Au Congo-Brazzaville, si l’engagement de Brice Samba avec l’équipe de France fait des heureux, d’autres Congolais regrettent que «leur» fils n’ait pas joué pour l’équipe nationale. Et d’autres évoquent la leçon à en tirer.
«J’ai hâte de le voir en maillot bleu, blanc, rouge», s’impatiente Isaac Ipolo. Celui que ce jeune du quartier Foucks, au centre de Pointe-Noire veut voir enfiler la tunique tricolore, c’est bien Brice Samba.
En jubilant le 16 mars dernier à l’annonce de sa convocation en sélection française par Didier Deschamps, Brice Samba et ses amis et proches, n’avaient jamais imaginé qu’ils transmettraient leur joie à quelque 10000 kilomètres. À Pointe-Noire comme un peu partout au Congo-Brazzaville, l’affaire Samba Brice alimente les conversations.
Pas à cause ou grâce à ses performances. Plutôt du fait de son origine. Brice Samba est en effet né à Linzolo, une bourgade située à quelque 30 kilomètres au sud de Brazzaville. Il est le fils de l’emblématique Christian Brice Samba, ancien gardien de buts des Diables rouges séniors entre 1989 et 2004.
Pour de nombreux Congolais, c’est l’excuse parfaite pour soutenir Brice Samba. «Il a beau être Français aujourd’hui, c’est une nationalité sportive. La nationalité n’est qu’un acte administratif qui ne saurait couper le cordon ombilical qui lie Samba à son Congo natal. Brice reste avant tout fils du Congo-Brazzaville », explique encore Isaac.
Mais ce sentiment de fierté est loin de faire l’unanimité. «Pour moi, ce n’est plus un Congolais. Je me contente de supporter ceux qui ont choisi de servir le pays. Je reste concentré sur Christopher Manfoumbi (gardien de but de l’équipe nationale congolaise, NDLR). Mais je regrette quand même qu’il n’ait pas répondu à l’appel du Congo. Son apport aurait été significatif aux Diables rouges», déplore Ferel Ikoungou, un jeune de Mossendjo, petite ville du sud-ouest du Congo.
Le jeune parieur sportif fait allusion à la bonne saison de Samba cette saison en ligue 1 française. Avec 21 buts concédés, les «Sang et or» ont la meilleure défense du championnat de France et pointent à la troisième (57 points), à deux longueurs seulement du deuxième, l’Olympique de Marseille. «Mais c’est quand même frustrant de voir une valeur comme celle-là s’en aller dans un contexte où l’équipe nationale broie du noir», regrette Ikoungou.
«C’est vrai, Samba n’est plus Congolais. Mais imaginez-vous la joie qu’éprouvent des Camerounais lorsque Mbappe ou Tchouameni brille avec l’équipe de France ou Embolo avec l’équipe de Suisse. Le seul motif de satisfaction est que notre sang se trouve au plus haut niveau», déclare Ange Onga du quartier Matendé. Il redoute cependant que Brice Samba ne soit pas titulaire et soit éclipsé par Mike Maignan ou Alphonse Aréola.
Pourtant, depuis le début de sa carrière professionnelle avec Le Havre en 2012, Brice Samba décline toute convocation formulée à son égard par les autorités footballistiques congolaises. «Samba n’est pas venu mais je suis toujours en communication avec lui et son père. Nous essayons toujours le convaincre. J'ai le sentiment qu’il viendra jouer pour son pays. Mais cela prendra du temps», déclarait l’année dernière Paul Put, sélectionneur du Congo.
Pour des experts, la décision de Brice est légitime. «Bien que natif du Congo-Brazzaville, nous devons savoir qu’il a été formé er éduqué en France. Donc il est le produit du mangement footballistique français. Oui, on aurait aimé le voir dans les Diables rouges, mais nous devons accuser le coup», explique Guy Saturnin Mahoungou, chef de service sport au Bi-hebdomadaire catholique «La Semaine Africaine».
Abondant dans le même sens, d’autres vont un peu plus loin en évoquant la leçon à tirer de cette situation. «L’affaire Samba Brice n’est pas la première du genre au Congo, car avant lui, il y a eu des joueurs nés en France de parents Congolais comme Gérald et Franck Passi, ainsi que Patrice Loko. La situation n’est pas non plus unique en Afrique. D’ailleurs on est en retard en matière de représentativité dans des équipes occidentales. En outre, au sein des Diables rouges, il y a des joueurs d’origine étrangère. Ce sont des choix qu’il faut respecter», explique Georges Bweillat, journaliste à la retraite et auteur de plusieurs publications sur le football congolais.
Il propose ainsi : «il faut plutôt chercher à énumérer les raisons pour lesquelles ces enfants tournent le dos à leurs pays. Nous devons par exemple améliorer notre championnat, mieux revoir notre management pour que notre football attire des fils du pays ou davantage d’étrangers», suggère le professionnel de l’information.
John Ndinga-Ngoma