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Gabon-Affaire Mounguengui : auditions inquisitrices et pressions à la FIFA

Interpellée dans la cadre de l'affaire du « Capellogate », la FIFA a missionné son comité d'éthique afin de recueillir les témoignages de victimes et encadreurs qui ont alerté sur ces abus sexuels au sein du football gabonais. Contactés par Sport News Africa, des membres auditionnés par l'instance s'interrogent sur la réelle mission de ce comité, ce au moment où l'Etat gabonais subi des pressions afin de libérer Pierre-Alain Mounguengui, président de la Fédération gabonaise de football, accusé d'avoir couvert de nombreux agissements.

Pierre-Alain Mounguengui reste pour l'heure en détention.

C'est l’événement qui a interpellé. Arrêté dans la cadre du vaste scandale d'abus sexuels au sein du football gabonais qu'il aurait couvert, Pierre-Alain Mounguengui a récemment reçu le soutien du président de la CAF, en visite au Gabon. Le patron du football africain a offert au président Ali Bongo Ondimba, un fanion avec imprimé dessus un message à l'attention du dirigeant incarcéré. Signe que la CAF reste derrière le président réélu à la tête de la Fédération gabonaise de football. De quoi interpeller les acteurs de ce dossier, à commencer par Parfait Ndong. Ancien international gabonais devenu formateur, il est l'un des hommes à l'origine de l'éclatement du « Capellogate », ce vaste scandale de d'abus sexuels et pédophilie au sein du football gabonais.

Lire sur le même sujet : Gabon : la CAF veut tout savoir sur le dossier de pédophilie

« Vous savez, la CAF n'est pas au-dessus de la FIFA. Si la CAF fait tout cela, c'est parce que la FIFA fait pression. Tout ce qui se passe en ce moment autour des révélations et accusations, la CAF et la FIFA s'en moquent. Tout ce travail qui est en train d'être fait pour démanteler ces réseaux, ils ne le calculent pas », déplore t-il. « Avant mon audition (par la commission de la FIFA en charge de mener l'enquête , ndlr), ces personnes ne m'ont jamais contacté. Et il y a aussi les pressions subies par certains témoins ou des victimes qui ont fait machine arrière et ne veulent plus parler. On est au courant de ces faits. »

Des motifs électoraux derrière cette pression

Pour lui, dans les hautes sphères de la CAF et de la FIFA, l'objectif est de parvenir à une libération de Pierre-Alain Mounguengui. Volonté motivée pour des raisons électorales. « J'ai été le premier à faire exploser l'affaire et à en parler, avant que cela ne prenne l'ampleur internationale. Mounguengui m'a dit : ''Je vais organiser une rencontre avec le président de la Ligue, Capello et toi''. Chose qui n'a jamais été faite. Il faut savoir que Capello était le Secrétaire général de l'association des entraîneurs du Gabon. Association qui siège à la fédération. Donc il avait une voix au moment de l'élection à la présidence. C'est pareil pour Serge Mbombo, le président de la Ligue de l'Estuaire, aussi accusé et qui lui a deux voix, car chacune des neuf Ligues a deux voix », détaille Parfait Ndong. « Il les maintenaient à la fédération car il avait besoin d'eux pour sa réélection. Il avait déjà trois voix et il pouvait profiter de leur grande influence auprès des autres membres pour rallier à sa cause. »

Désabusé par la tournure des événements, l'ancien international maintient que la FIFA avait déjà eu connaissance du Capellogate, avant même que l'affaire ne prenne cette ampleur avec les nombreuses révélations. « On aurait pu penser que c'est au niveau local que des choses auraient été faites pour tenter de faire libérer Mounguengui, mais au final ça vient de la FIFA. Qu'ils arrivent à la défendre, ça me met hors de moi. Au début je me disais que la FIFA allait justement prendre le dossier en mains, protéger les victimes et les lanceurs d'alerte. Mais aujourd'hui je n'attends plus rien d'elle », se désole t-il, alors que des soupçons de sanctions sportives planent sur le Gabon, si Mounguengui est maintenu en détention.

Tentatives de déstabilisation de la part de la Fédération gabonaise

Le rôle et la volonté exacte de la FIFA, Thomas T* s'interroge aussi sur le sujet. Footballeur lui aussi et ancien international gabonais il déplore la situation. « Tous ces dirigeants de la Fédération et ceux notamment incriminés je les connais. J'ai eu des retours d'un ami après la visite de la CAF qu'un des témoins qui devait encore être entendu est vraiment désabusé et a baissé les bras. Ça renforce l'idée qu'il ne faudra rien attendre de personne et surtout pas de la CAF et de la FIFA. Pareil pour la Fédération gabonaise où les gens en place essayent de salir Parfait Ndong qui a lancé l'alerte de dévoilé ces abus sexuels et actes pédophiles. Ils veulent le discréditer en essayant de trouver des choses qui pourraient remettre en cause son intégrité, avec à leur tête Michel Minko », dénonce t-il.

Thomas, comme certaines victimes du Capellogate a été auditionné par la commission de la FIA. Et il garde un souvenir amer de cet épisode. « J'ai été entendu par visioconférence. Mon audition a pu se faire grâce à une dame du nom de Marta Ruiz, qui est au sein du comité d'éthique. Elle a vraiment eu une attitude vraiment correcte. Lors de mon audition, ce qui m'a tout de suite frappé, c'est la façon de faire. Déjà, le Gabon est un pays francophone. Les victimes qui vont être auditionnées sont donc francophones. Ils sont allés mettre un monsieur venu d'Asie pour mener les interrogatoire. Imaginez la situation. Malgré les traductions il y avait des soucis pour bien se faire comprendre. Avec une personne en face qui aurait parlé la même langue, elle aurait pu sentir certaines choses, ressentir les émotions et toutes ces choses-là. Ce qui était impossible avec la traduction d'un tiers. Ce n'est pas du tout pareil », explique t-il.

«  Il me questionnait comme si j'étais l'agresseur »

Mais ce qui l'a surtout marqué, c'est la tournure rapidement prise durant son audition. « J'ai eu la sensation d'avoir en face de moi une personne qui n'en avait rien à faire. Pire, on a assisté à une inversion des rôles. Il me questionnait comme si j'étais l'agresseur. Il pose des questions et je dois juste répondre oui ou non. Il ne me laissait pas renchérir pour bien expliquer certaines situations. Quand je lui explique comment j'ai été amené à faire la connaissance du coach Capello pendant mon parcours sportif et comment il a essayé de me faire la cour, poser ses mains sur moi, se masturber, il m'a demandé si j'avais des preuves de ce que j'avançais alors que c'est moi qui ai subi ça quand même. Et puis à cette époque on n'avait même pas encore les téléphones, encore moins avec appareils photos », se remémore t-il.

Même chose lorsqu'il est interrogé sur des faits subis par d'autres jeunes joueurs : « Il m'a aussi demandé si j'avais entendu parler d'autres faits du même genre. Je lui ai dit que oui, que d'autres amis ont aussi subi la même chose et qu'on en parlait entre nous. Et il me demande si j'étais présent au moment des faits... Je lui réponds que non, car Capello agissait de façon discrète avec les autres comme il le faisait avec moi. Et là il me rétorque que dans ce cas ce sont des insinuations si je n'étais pas présent, qu'il lui fallait des preuves. A ce moment-là je n'ai pas supporté car tous nos témoignages étaient remis en cause. J'ai même demandé à stopper cette audition car l'attitude de ce monsieur n'était pas correcte. Il ne parlait que de preuves, alors qu'au moment des faits nous étions des jeunes garçons et qu'il n'y avait pas toute la technologie. Comment allait-on faire ? Et quand on témoigne des actes il répond que ce sont des insinuations. On n'a pas été écouté comme il fallait. Je n'ai pas eu l'occasion de détailler les faits. Dire comment ça s'est passé. Je devais répondre par oui ou non à des questions dirigées. Par exemple, à aucun moment je n'ai été interrogé sur le rôle de Pierre-Alain Mounguengui. Même pour parler de Mbombo, c'est moi qui ai évoqué son nom. Et même là, il a dévié ses questions vers un autre sujet. »

La FIFA bientôt sur place ?

« Tout le monde sait ce qui se passe dans le football gabonais. Ça se voit par l'attitude des joueurs, par exemple après avoir été chez Capello. Quand ses équipes jouaient, il arrivait que ses joueurs s'insultent mutuellement sur le terrain, s'accusent d'actes homosexuels. Ces faits sont connus de tous au Gabon, même de ceux qui n'ont pas de liens avec le milieu du football », argumente Thomas, qui ne pensait pas que son témoignage se passera de la sorte : « Le pire c'est qu'à la base on se disait qu'avec la remontée de l'affaire à la FIFA, le ménage allait être fait. Au final c'est l'Etat gabonais qui a tenu tête malgré les pressions. » Et de rajouter : « Et encore, ce qui se passe chez les filles, c'est pire. Si les filles ouvrent la bouche, même la FIFA ne pourra plus rien pour ces dirigeants. Une fille devait témoigner anonymement mais a finalement préféré aller en sélection et toucher sa prime de qualification à la CAN. Voilà comment certains dirigeants arrivent encore à acheter leur silence. » Mais pour combien de temps encore ?

Depuis la visite du président Motsepe, Pierre-Alain Mounguengui n'a pas vu sa situation évoluer. Le pouvoir en place le maintient derrière les barreaux et semble résister à la pression mise pour sa libération. Du côté de la FIFA, les auditions se poursuivent et Parfait Ndong a à son tour été entendu par la commission en charge de l'enquête autour du Capellogate et toutes les personnes incriminées. D'après les informations de Sport News Africa, des membres de l'instance suisse devrait se rendre au Gabon pour la première fois depuis l'éclatement de l'affaire, afin de continuer leur enquête. Reste à savoir comment ils seront accueillies par les victimes dont certaines ne semblent plus avoir confiance en l'intégrité de l'instance.

*Le prénom a été modifié

 

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