Une mission de la FIFA a séjourné au Gabon dans le cadre de l'enquête sur le « Capellogate », ce vaste scandale d'abus sexuels commis par des entraîneurs et dirigeants dans le football local, ainsi que sur le rôle qu'aurait joué Pierre-Alain Mounguengui, président de la Fédération gabonaise de football. Alors que ce dernier vient tout juste d'être libéré, les victimes et témoins dénoncent une enquête de façade après n'avoir pas été entendues.
La déception est à la hauteur des attentes qui étaient placées dans cette visite des membres de la commission d'éthique de la FIFA. Alors que le « Capellogate », qui continue de secouer le football gabonais, n'a pas encore livré tous ses secrets, des voix commencent à s'élever pour dénoncer l'enquête menée par la FIFA. Attendue pour être garante de la bonne tenue des investigations, l'instance mondiale du ballon rond est désormais pointée du doigt pour sa gestion des victimes et des témoins depuis l'incarcération de Pierre-Alain Mounguengui. Pour beaucoup, l'interpellation du président de la Fédération gabonaise de football est le point de départ d'un changement d'attitude dans le traitement de cette vaste affaire d'abus sexuels sur mineurs.
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Quelques semaines auparavant, le rôle de certains enquêteurs était déjà décrié. Des victimes d'abus sexuels dans le cadre du « Capellogate » ont dénoncé les conditions dans lesquelles elles ont été auditionnées. Des auditions leur laissant penser que le dirigeant été protégé pour des raisons politiques au sein de la FIFA. Le soutien qu'il avait reçu de la part du président de la CAF, Patrice Motsepe, lors de sa visite au Gabon, avait renforcé ce sentiment. Mais, l'annonce de l'arrivée de membres de la FIFA au Gabon avait redonné de l'espoir à certaines victimes qui pensaient enfin pouvoir être entendues.
Sauf que l'espoir a vite cédé la place à de l'incompréhension et de la déception après le départ de la délégation, qui n'a visiblement pas entendu grand monde sur place. A l'origine des révélations qui ont entraîné la découverte de ce vaste réseau pédocriminel dans le football gabonais, Parfait Ndong ne cache pas son incompréhension.
« Je suis en contact tous les jours avec deux des membres de la commission de la FIFA, Marta et Andréa. Il y en a une qui est venue au Gabon. Je leur ai dit qu'il y avait du monde prêt à témoigner au sujet de ce qui s'est passé. Des gens proches de Pierre-Alain Mounguengui, pour avoir leur version. Tous ces gens m'ont donné leur accord afin de témoigner », indique à Sport News Africa, l'ancien international gabonais, devenu formateur. « La bonne dame arrive au Gabon, c'est même moi qui leur ai donné le nom de l'hôtel où loger. Ils sont arrivés au Gabon, ils sont repartis, ils ne m'ont même pas contacté. J'ai beaucoup de doutes au sujet de leur réelle action. »
Une attitude de la délégation de la FIFA qui a du mal à passer. « Sur place elle n'a parlé à personne. L'ancien arbitre qui était avec Pierre-Alain Mounguengui et qui voulait bien témoigner, rien. Un des anciens assistants du ministre des Sports de l'époque, rien. Il y a deux-trois éducateurs que j'avais sensibilisés, rien. Je suis vraiment déçu. J'ai comme l'impression qu'ils sont d'accord pour laisser continuer ceux qui commettent ces crimes », a fulminé Parfait Ndong, avant de conclure : « Je pense même que la FIFA est derrière tout ça et les encourage. »
Et ce n'est pas le dernier rebondissement en date qui va remettre en question ses doutes. Et pour cause, Pierre-Alain Mounguengui a été libéré ce jeudi 27 octobre, au lendemain de cette visite de la FIFA. Six mois jour pour jour après son incarcération, le président de la Fédération gabonaise de football, accusé de n'avoir pas dénoncé les abus sexuels et crimes pédophiles dont il avait connaissance, a vu sa demande de libération provisoire être accordée. De fait, il se retrouve libre et a regagné son domicile le temps que l'enquête se poursuive. Une nouvelle accueillie avec résignation sur place par plusieurs victimes, l'une d'elle indiquant : « Je n'ai plus d'espoir de voir cette enquête aboutir. Tout ceci n'a servi à rien. »
De son côté, la FIFPro, qui avait dénoncé la légèreté avec laquelle la Fédération gabonaise de football avait traité ces abus sexuels, indique suivre avec attention quelles seront les prochaines actions de la FIFA après ce séjour au Gabon. L'instance se refuse pour l'heure à plus de commentaire, indiquant toutefois être prête à collaborer afin de venir en aide aux joueurs qui ont été victimes de ces agissements.