Le 24 avril 2023, la FIFA a nommé un comité de normalisation à la tête de la Fédération congolaise de football, ayant pour but de la restructurer notamment en veillant à l’organisation des élections légitimes, transparentes et crédible. Dans sa gestion des affaires courantes, ce comité a jugé utile de réformer le championnat national auquel cas il faut entrevoir l’esquisse de l’établissement d’une zone économique spéciale sportive à la grande satisfaction de l’économie du sport congolais.
Principes du nouveau format de la Linafoot
C’est un combat entre titans auquel ont eu droit les passionnés du sport congolais au regard de péripéties ayant caractérisé l’adoption du projet du comité de normalisation. De l’avis du Pprésident de l’association des dirigeants du football du Congo (ADFCO) : « Nous avons émis le vœu de trouver un format du championnat qui soit si simple et consensuel. Pour nous, nous voulons un championnat qui se jouera en trois zones et qui nous donnera de l’encrage. Nous souhaitons vite retrouver le terrain avec un format qui nous permettra de moins dépenser et qui permettra le développement du football congolais selon les normes de la FIFA et de la CAF. »
Face à la perspective de l’ADFCO, le comité de normalisation hausse le ton en rappelant par la voix de son président : « Nous avons trouvé une troisième proposition ici. Les clubs veulent la montée de six clubs en division 1. Cependant, il faut que les propositions rencontrent ce qui se fait au niveau international. Nous ne devons pas rentrer dans les formules anciennes pour satisfaire simplement certaines personnes. »
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Finalement, c’est une scission des clubs en deux groupes de 10, occupant la zone centre-sud, d’une part et la zone ouest-Est, d’autre part dans le but de juguler les dépenses qui sera choisie. Le championnat se disputant en deux phases ; celle en aller et retour pour chaque groupe de 10. Les quatre premiers de chaque groupe vont se retrouver pour les play-offs en phase classique d’aller et retour dans le but de déterminer le vainqueur du championnat tandis que les autres clubs vont s’adonner aux play-down afin de déterminer les relégués.
Le déficit budgétaire comme justificatif du projet
Il faut savoir que le nœud du problème se trouve être financier, la fédération se constatant dans l’incapacité totale d’organiser le championnat national. Et pour cause, sa dépendance au trésor public que dénonçait jadis le Maréchal Mobutu à l’affût du célèbre rapport Blumenthal.
Suivant l’illustre Pierre-Celestin Kabala Mwana Mbuyi, dans son ouvrage « Cent ans des sports en RDC », le Président Mobutu a sonné le glas de la concentration du sport lors d’un discours, le 4 février 1980, au parlement en ces termes.
« Les moments difficiles que nous traversons sur le plan économique ne doivent pas nous conduire à perdre nécessairement la face dans tous les domaines. Je pense par exemple aux sports où, à l’instar de ce qui existe dans pas mal de pays, ce sont les particuliers privés qui en sont les principaux animateurs et promoteurs. Chez nous, on veut que ce soit l’État qui s’occupe de tout. Ce n’est pas normal. Prenons le football, le sport roi, comme on dit. Qui ne se souviendra que le Zaïre, il y a quelques années, faisait littéralement trembler tous ses adversaires sur tous les stades africains, grâce à ses vaillants Léopards ? Aujourd’hui, les redoutables Léopards d’hier, ressemblent à peine à quelques vieux « chats bottés ». Il faut que la situation change. Je ne voudrais rien dramatiser, mais je suis certain qu’en nous organisant mieux, notre sport pourra refaire surface. Et je demande au Commissaire d’État aux Sports et Loisirs de s’y pencher sérieusement en recherchant surtout les formules qui mettraient les particuliers privés à contribution. Nous devons éviter à perdre à la longue tous nos meilleurs athlètes qui, faute d’un traitement adéquat au pays, voudront tous évoluer à l’étranger, les uns allant jusqu’à adopter les nationalités étrangères. »
Les avantages de la zone économique spéciale sportive
Sans ambages, l’ État congolais sait que la poursuite de la croissance à un rythme soutenu nécessite la stabilité économique et la mise en œuvre des réformes pour attirer davantage des investissements, notamment par l’amélioration du climat des affaires.
Une zone économique spéciale est, par définition, un espace bénéficiant d’un régime juridique particulier qui le rend plus attractif pour les investissements nationaux et étrangers. Il sied de souligner que l’attractivité de la zone économique spéciale découle des avantages fiscaux, parafiscaux et douaniers qui y sont organisés.
Au demeurant, le comité de normalisation a institué deux zones d’organisation du championnat, celle centre-sud et ouest-est alors que la RDC compte 3 régions économiques, avec qui il faudrait établir une symétrie, à savoir : celle A comprenant la Ville de Kinshasa ; celle B comprenant le Bas-Congo, la Ville de Lubumbashi, la Ville de Likasi, la Ville de Kolwezi enfin celle C comprenant le Bandundu, l’Equateur, le Kasaï-Occidental, le Kasaï-Oriental, le Maniema, le Nord-Kivu, le Sud-Kivu, La Province Orientale et le Katanga.
Pour le Docteur en droit et Professeur Ordinaire des Universités, Jean-Michel Kumbu ki Ngimbi : « L'investissement se révèle être le facteur par excellence de la croissance économique et du développement qui consiste dans l’augmentation des grandeurs économiques. La croissance économique suppose elle-même des changements majeurs des structures et d’importantes modifications correspondantes dans les conditions institutionnelles et sociales du pays. »
Établir une zone économique spéciale sportive, c’est faciliter les investissements dans le sport congolais et son retour dans le développement de l’économie nationale. La zone économique spéciale sportive est une partielle réponse à l’expectative de la rentabilité du football congolais par ricochet du sport que nombreux amoureux du ballon rond espèrent.
Ainsi le secrétaire général de l’ADFCO Guy Mafuta déclarait : « L’épineuse question reste celle du financement. Moi, je pense pour que le secteur puisse évoluer, il faut qu’à un moment donné le Gouvernement change son regard vis-à-vis du sport. Le sport ce n’est pas une histoire de la détente seulement. Pour preuve, quand vous voyez les fonds que débourse l’Etat congolais lorsque nous devons prendre part aux compétitions africaines et quand les Léopards doivent aller participer dans les compétions comme les CHAN, les CAN, C’est des millions. Pourquoi débourser les millions en aval et ne pas avoir des résultats qu’en amont, on peut soutenir les clubs de football et avoir des résultats. »
Si du choc des idées jaillit la lumière, la zone économique spéciale sportive peut-elle naître consécutivement à la création du nouveau format du championnat national ?
Contribution de Gauthier PIKADJO, chercheur en droit des sports