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Pratiques occultes dans le football béninois : une réalité sans fin

Le football béninois, au-delà de son exaltation sur le terrain est parfois entouré de mystères liés à des pratiques occultes. Ce sont des pratiques fondées sur certaines croyances et aux conséquences fâcheuses pour le football racontent les acteurs avec des témoignages chocs.

De notre correspondant au Bénin,

Deux individus versant sel, eau et poudre sur la pelouse avant le coup d'envoi d'un match

Le match en retard de la première journée du championnat professionnel Panthère 1-0 US Cavaliers le 29 novembre dernier a frappé les esprits avec des scènes cocasses. Les deux équipes ont en effet disputé la première partie du match à 10 contre 10 avec deux joueurs restés à la touche. Cette pratique récurrente dans le championnat veut que la première équipe à monter au complet perd le match.

 Des témoignages pleuvent

«Chez nous au Bénin, la concurrence au football est tout sauf saine. Entre coéquipiers, entre clubs, l'usage des pratiques occultes est monnaie courante dans notre championnat. Parfois ce sont les supporters qui s'arrangent pour vous causer du tort» lance un joueur de Requins FC dans le championnat professionnel. «Il m'est arrivé de jouer sur des terrains où tu voies des pièces de 5f, 10f, des grains de haricot et de maïs, des citrons ou des vestiaires aspergés avec de l'eau de porc et qui sentent mauvais», raconte-t-il.

Ramires également joueur évoque avec une franchise déconcertante la réalité de ces pratiques et la croyance derrière. Son récit est toutefois teinté d'une dimension sombre, pointant vers les conséquences de la pratique aux rituels complexes, au-delà des succès éphémères. «Je connais des amis qui font recours à ces pratiques pour la gloire, pour que le public les adule. Mais à la longue, ils finissent avec des blessures. C'est en fait des trucs qui consistent à attirer la chance. On appelle la chance que tu vas utiliser peut-être dans 5 ou 10 ans», explique-t-il.  «J'ai été appelé en équipe nationale. De retour en club, les choses ont commencé par mal tourner. Je ne jouais plus et après ça j'étais tombé gravement malade. Soit on est envoûté ou blessé. C'est une réalité qui mine notre championnat», confie un gardien de but béninois.

Un autre joueur qui a requis l'anonymat a raconté à Sport News Africa l'incroyable histoire d'un international béninois partant pour des essais en Europe. «Il a eu l’idée de charger sa valise de gris-gris mais a oublié les crampons avec lesquelles il doit s’entraîner. Nous avons des clubs ici au Bénin, qui en arrivant au terrain escaladent la clôture. Mieux, j’ai connu un coach qui a ouvertement dit à un coéquipier "tu es en forme, mais je ne te convoquerai pas pour le prochain match car tu n’es pas spirituellement fort"».

 Tairou Sodick ancien joueur d'ASVO et d'Adjidja FC a mis fin à sa carrière après des mésaventures. «Il y a quelques mois un ami à moi devrait jouer une finale. Les dirigeants de son équipe ont conduit lui et certains de ses partenaires chez un marabout. Le vieux pour se vanter leur a montré un cahier où il y avait les noms des joueurs et des clubs sur lesquels il avait déjà travaillé (sorte d'ensorcellement ndlr). Mon nom y figurait», regrette l'ancien footballeur.

«Certains ont même institutionnalisé ça»

Au Bénin, les pratiques occultes ont cours au sein des clubs dans les différents championnats de football, les tournois de quartiers et même dans les sélections nationales. Dans une interview accordée à Sport News Africa, Rudy Gestede ancien international béninois et ancien joueur d'Aston Villa a raconté sa mésaventure. «Chaque fois que je passais en sélection, j'avais des blessures mais quand je retourne dans mon club je n'avais plus rien», avait-il révélé.

L'entraîneur Malick Touré passé par plusieurs clubs dont UPI ONM et Panthères FC souligne leur poids dans la perception du succès pour ces adeptes. «Je me souviens que quand j'étais coach de UPI ONM, certains supporters nous demandaient de ne pas prendre par le portail principal au risque de perdre le match.»

Ouzérou Abdoulaye, ancien attaquant du Bénin aujourd'hui sélectionneur de l'équipe U20 féminine relativise sur les usages. «Certains ont même institutionnalisé ça dans les clubs. A l'époque où moi je jouais, il y avait des clubs qui avaient des budgets pour ça. Une anecdote : moi, incapable de jouer un match à deux heures du match, une fièvre dont je ne sais d'où c'est venu, on dirait j'avais dix couvertures sur le corps, je ne pouvais pas. Mais je ne peux pas vous dire le petit geste qui a été fait et sur le champ, pas 5 minutes après  j'ai pu jouer le match. Ce n'est quand même pas rien.» 

Le reporter sportif Gilles Biguezoton évoque la réalité africaine qui rattache à l'occultisme pour ces pratiquants. «Nous sommes en Afrique et ce continent regorge de pratiques ancestrales. Chaque joueur ou équipe est libre de croire en ces pratiques ou non. Elles donnent juste la chance éphémère à qui l'adoptent et affaiblissent l'adversaire. On ne peut malheureusement pas l'interdire, à chacun de se  préparer psychologiquement.» Ouzérou Abdoulaye est plutôt aussi dérangé par le mauvais recours à la pratique. «Chacun fait ce qu'il veut du moment où on ne fait pas de mal aux autres, en fait c'est tout mon problème.»

À la croisée des croyances et de la réalité

En scrutant les témoignages, une toile complexe de croyances et de réalités se dessine. Les récits des acteurs du football béninois s'entrechoquent pour former une dualité de perceptions. D'un côté, la conviction profonde de certains expose une réalité ancrée dans la vie quotidienne des joueurs avec ses effets. De l'autre côté, ces pratiques sont perçues comme des superstitions obsolètes et par ricochet, des freins au progrès du sport roi.

Le football béninois est aujourd'hui en proie à l'aspiration au football de haut niveau et l'attachement aux pratiques d'antan. «Ça tue la progression de notre football. Ceux qui font recours à ça ne travaillent plus suffisamment pour progresser», prévient Romaric fan de football. Pour le coach Malick Touré, «Il faut même interdire ces gens de pratiquer car cela ne fait pas avancer la discipline et cela n'honore pas le pays à l'étranger», a-t-il conclu.

Rachidi DOSSA

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