Avec seulement trois tirs cadrés et 35% de possession, la Syrie a battu (2-0) la Tunisie pour le compte la 2e journée de la Coupe Arabe. Une surprise quasi-générale. Les hommes de Mondher Kebaier ont terriblement manqué d’efficacité. L’ex-sélectionneur de la Tunisie, Bertrand Marchand, a décortiqué la progression des équipes du Golf et les faiblesses des Aigles de Carthage pour Sport News Africa. L’actuel coach de CS Chebba a également fait un vibrant plaidoyer pour les jeunes attaquants tunisiens.
De notre correspondant en Tunisie
«C’est un tournoi un peu particulier parce ce sont des équipes A’ comme on dit. J’ai entrainé cinq ans au Qatar. Les équipes du Golf comme l’Iran et la Syrie ont beaucoup progressé. Les Emirats arabes unis ont aussi une équipe intéressante. Le Bahreïn et le Koweït mettent des moyens pour naturaliser des joueurs et faire progresser des jeunes. Le football du Golf n’est plus ce qu’il était il y a 10 ans. Pour moi, la meilleure équipe dans le Golf, c’est l’Arabie saoudite.
«Les Syriens ont marqué très vite. Cela les a mis dans une situation confortable pour eux. Ils n’avaient pas à faire le jeu. En plus, la Tunisie a fait beaucoup de passes sans pouvoir accélérer son jeu. Les éléments majeurs de la Tunisie depuis 8 ans, ce sont Khazri, Msakni et Sliti. Ces sont les trois joueurs qui apportaient plus offensivement. Si la Tunisie est allée au Mondial 2018, c’est grâce à ces joueurs-là qui ont amené une plus-value offensive. Msakni était fantastique lors des qualifications. Il s’était blessé. Il a baissé de régime. J’étais le premier à le sélectionner en 2010. Il fait une bonne carrière en équipe nationale et au Qatar. Depuis qu’il a eu sa blessure, il a passé d’un top club du Qatar à un club moyen. L’intensité n’est pas la même. Il n’a plus le même potentiel qu’il a avait il y a cinq ans. Il pouvait pas faire une grande carrière en Europe.
«Le milieu de terrain tunisien est normal avec de bons joueurs de niveau national. C’est là le problème. Les équipes nationales, c’est passer d’un niveau national à un niveau international. Ce tournoi, ce n’est pas la Coupe du monde ni la CAN. C’est presque l’équipe B de l’Arabie saoudite et presque l’équipe C de l’Algérie.
«Bilal Ifa a fait un bon match. Il est revenu à un bon niveau, celui qu’il avait en 2015. Mais il y a des défenseurs tunisiens qui sont au-dessus de lui. L’arrière droit de mon équipe (Mohamed Amine Nefzi), par exemple. Il n’est pas sélectionné. Peut-être que la Fédération ignore les joueurs de Chebba. Il est meilleur que ceux qui sont en équipe nationale.
«Quand j’ai vu la poule, je me disais que les Emirats arabes unis et la Tunisie étaient les deux favoris. La Syrie pouvait être une surprise. La Mauritanie manquait de qualité pour pouvoir faire autre chose. Le match Tunisie-Emirats (lundi 6 décembre, 3e journée, Groupe B), ça va être un peu compliqué. Le Qatar et les Emirats ont travaillé intensément sur leurs équipes nationales depuis 10 ans. La Syrie et les Emirats se sont préparés depuis plus d’un mois alors que la Tunisie a fait dix jours de regroupement. En fait, la Tunisie s’est crue trop vite favorite.
«Les Emirats ont deux Brésiliens naturalisés et des joueurs d’origine africaine. Le Qatar, c’est pareil avec quatre joueurs d’origine algérienne. Le Qatar a remporté la Coupe d’Asie devant des nations comme le Japon et la Corée du Sud. Ce n’est pas rien.
«Le problème est que le championnat tunisien permet à des joueurs algériens d’évoluer à des postes offensifs alors qu’il a très peu d’attaquant tunisiens. Les grands clubs qui ont les moyens vont chercher des joueurs algériens de qualité. C’est une facilité pour les clubs tunisiens de recruter des Algériens. Pendant ce temps les attaquants tunisiens ne jouent plus. Les meilleurs attaquants tunisiens préfèrent partir en Egypte et en Arabie saoudite. Quand je suis arrivé en Tunisie en 2005, je suis allé chercher les jeunes internationaux espoirs de qualité. Ils ont permis aux clubs d’être champions d’Afrique et l’équipe nationale de faire de bonnes CAN. Quand je suis revenu, je n’ai plus trouvé le potentiel de jeunes joueurs qu’il y avait avant. Il n’y a plus de grands attaquants. A part deux clubs, les autres n’ont pas les moyens pour avoir un grand attaquant. En premier choix, ils vont en Europe, puis le Maroc et ensuite l’Egypte. La Tunisie est cinquième choix.
«Nous avons deux poules de huit. On a fait sept matches. On attend deux mois pour faire encore sept matches. En trois ans, les joueurs auront fait un championnat et demi. Je pense qu’il faut revoir ça. Cela fait deux ans et demi que les championnats de jeunes sont arrêtés. Les jeunes sont à la dérive.»
Ablaye DIALLO