Les confrontations entre la Côte d'Ivoire et le Nigeria ne se comptent plus. L'une d'entre elles restera à jamais gravée dans la mémoire de Kobinan Kouman. Le sexagénaire, ancien capitaine des Éléphants, en parle encore aujourd'hui la gorge nouée.
Il y a des matches qu'on n'oublie jamais en tant qu'ancien footballeur. Un a d'ailleurs particulièrement ravivé des souvenirs douloureux chez un ancien de l’équipe nationale de Côte d’Ivoire. Il s'agit de Kobinan Kouman. L’ancien joueur de l’Africa et de la sélection nationale n’a en effet pas oublié la nuit terrible vécue après le match nul face au Nigeria au Suruléré Stadium de Lagos à la CAN 1980.
Ancien joueur de l’Alliance de Bouaké (de 1970 à 1980) et de l’Africa Sports (de 80 à 84), Kouman, appelé aussi capitaine courage, a pris sa retraite depuis la fin des années 80. Il ne s’est toutefois pas déconnecté du football. Même s’il n’a d’yeux aujourd’hui que pour ses plantations d’hévéas situées à Moussabougou sur la voie menant à San Pedro, Sud-Ouest du pays, il continue de se passionner pour le ballon rond et regarde la génération actuelle des Eléphants avec beaucoup d’espoir. L’ancien international ivoirien , qui vit à Yopougon, la plus grande commune d'Abidjan, souhaite ardemment que les pachydermes remportent la CAN 2023. Et quand il s’agit d’évoquer ses pires souvenirs, la rencontre face au Nigeria, en 1980, à Lagos, lors de la Coupe d’Afrique, revient comme un hoquet. Il en parle encore la peur au ventre. Comme ce fut le cas le week-end dernier quand nous sommes allés à sa rencontre.
« Ce match là, on a fait match nul 0 but partout. Nous n'étions pas à domicile mais avec des joueurs comme Konaté , Gnahoré Dépié Émile, Zogbo Tapé, Sagnaba Soman, Adjoukoua Gaston, Zahoui Madou Laurent, Miézan Pascal, Kouamé Noël, Bohé Norbert, Gomé Alexis et moi-même étions soudés, comme une famille. On a joué comme un groupe solide et le duel Gnahoré Émile- Segun Odegbami a été particulièrement âpre. L'attaquant des Super Eagles n'a pas pu marquer face à notre meilleur défenseur, nous autres non plus n'avons pu scorer », a d'abord indiqué le vieil homme originaire de l'Est du pays, avant de poursuivre.
« Mais ce qui m’a le plus marqué c’est que les supporters n’ont pas voulu nous laisser sortir du Stade Suruléré où s’est déroulée cette rencontre. Nous avions cru dans un première temps qu'ils en avaient après nous, pour notre résultat plus qu'honorable. Mais non ! Ils étaient en colère après leur équipe et nous aussi. La prestation des Super Eagles les a rebutés. Ils nous l’ont fait savoir en nous jetant des pierres et d'autres objets. C'était surréaliste ! Sans être coupables, nous étions devenus les cibles. L'ambiance était terrifiante… je crois qu'on n'avait jamais ressenti autant de frayeur de toutes nos carrières de joueurs», ajoute Kobinan Kouman.
Malgré la fin du match, les supporters eux continuaient les hostilités. Kobinan Kouman ont dû patienter longtemps avant de retrouver leur gîte. « On a été bloqués au milieu du terrain des heures durant. Avec les officiels et tout le monde. Et cela des heures durant lesquelles nous ne savions à quel saint nous vouer. Le match a pris fin à 18h je crois. Mais nous sommes restés coincés si ma mémoire est bonne jusqu’à 21h00. Vous vous rendez compte? On a eu très peur pour nos vies parce qu’on croyait que les choses allaient empirer. On sentait de la rage venant des tribunes. Heureusement, la police a réussi à nous évacuer un peu plus tard dans la nuit. Par la suite, on a rejoint notre hôtel, l’Ikohi Hôtel. Le seul endroit où on se sentait vraiment en sécurité», a ainsi conclu Kobinan Kouman. Il précise par ailleurs que le fair-play doit prévaloir quelque soit le résultat d'un match.
Sanh Séverin