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Après 56 ans d’attente, le Stade d’Abidjan a renoué avec la gloire en décrochant le titre de champion de Côte d’Ivoire. Architecte de cet exploit, Alexandre Lafitte revient sur ce parcours audacieux, de la relégation à la Ligue des champions CAF. Avec passion et détermination, il a su transformer un club historique en outsider triomphant, marquant à jamais l’histoire du football ivoirien.
56 ans après, le Stade d’Abidjan champion de Côte d'Ivoire. Racontez-nous ce sacre dont vous êtes le principal architecte.
Déjà, le Stade Abidjan, c'est un club historique. Il a été le premier club ivoirien à avoir gagné la Ligue des champions CAF. Mais c'est un club qui, depuis 56 ans, n'avait pas gagné le championnat. Qui aussi, depuis tout ce temps, n'avait pas retrouvé la plus prestigieuse des coupes d’Afrique. C'est ce qu'on a fait cette saison. Et donc forcément, c’est exceptionnel. Sans mentir, on n'est pas la plus grosse équipe et le plus gros budget. Et donc, Il y a eu beaucoup de sentiments. Ce qui était sympathique, c'était que lors du dernier match, il y avait un peu tout le monde qui était réuni. C'était une grande fête après une saison longue de 44 matchs, avec trois compétitions, donc une très belle performance.
Qu’est-ce que ça fait de marquer l’histoire du football ivoirien ?
On ne réalise pas forcément. Lorsqu'on gagne un championnat, c'est bien. Mais le faire dans un club où ça fait si longtemps qu’il ne l’a pas gagné… Tu marques vraiment une empreinte à vie. C'est vrai que pour son égo, pour sa fierté ça fait toujours plaisir. On regarde surtout le chemin parcouru. Parce qu'il y a deux ans et demi, cette équipe était relégable. Réussir à l'avoir ramenée en Ligue des champions et ramener un titre, c'est ça qui compte. Faire des bonnes saisons, c'est dur, mais gagner des titres, c'est vraiment très, très difficile. Et encore plus ici en Afrique et lorsque vous êtes outsider.
« On était pas préparé pour être champion »
Ça ressemblait à ça dans vos rêves ?
Non. On ne s'attendait pas à être champion au départ parce qu'en fait, on n'était pas préparé. Il y a des clubs qui ont l'habitude de gagner et nous, ce n'était pas le cas. Après, forcément, quand vous êtes en Ligue des champions, que vous faites partie des 16 meilleures équipes d'Afrique, et que vous voyez lors du championnat vous êtes capable de rivaliser, de faire des bonnes séries... J'ai dit aux joueurs : « cette année, on peut faire quelque chose de grand. »
Lire aussi : Stade d’Abidjan : Alexandre Lafitte prolonge de deux ans
Qu’est-ce qui vous a conforté dans l’idée de venir débuter votre carrière en Côte d’Ivoire ?
La Côte d'Ivoire, c'est le résultat aussi de beaucoup d'attentes. Mais ma volonté, c'était d'être numéro un. Et malheureusement, je n'ai pas réussi à avoir l'opportunité en France. Il y a une contrainte de diplôme, qui l'est aussi maintenant en Afrique. C'est difficile d'avoir un projet en Europe. En Asie, j'avais failli avoir un projet, puis, à un moment donné au Ghana… Puis j'ai eu cette opportunité ici. Pour moi, c'était la chance de ma vie parce que je savais que je cherchais ce genre de projet, être numéro un, me challenger. À partir du moment où on m'a donné cette opportunité, j'ai voulu la saisir et je pense que j'ai bien fait.
Passer du PSG à la Côte d’Ivoire en 3 ans, il fallait se mouiller la nuque…
Je vais finalement à Gueugnon pour six mois, le temps de travailler, parce que j'en avais besoin. Et là, l'opportunité ivoirienne arrive. Dans la vie, rien n’est linéaire. Ce qui est difficile, c'est que lorsque vous êtes jeune entraîneur, c'est que vous pouvez avoir de l'aspiration, de l'ambition. Moi, j'ai surtout aussi pris des risques. Il y a des projets où j'étais bien, comme le Paris FC, et je n'aurais peut-être pas dû partir. Mais ma volonté, c’est de toujours vouloir aller plus haut, d’avancer. En voulant avancer, des fois, je suis tombé, bien bas. Mais après, je me suis relevé. C'est le destin. J'ai tellement pris de portes qu'à un moment donné, en croyant en vous, il y en a une qui s'ouvre.
Au-delà du football, comment trouvez-vous la Côte d’Ivoire ?
Pour le coup, il n'y a pas forcément de différence. En fait, j'ai été très surpris ici en Côte d'Ivoire. C'est un football très technique, avec des joueurs qui courent beaucoup. C'est vrai qu'on a une image de l'Afrique qui est très, surtout subsaharienne, qui est très athlétique, très combative. Il y a certaines équipes qui le sont, mais en fait, il y a surtout des profils de joueurs qui sont rares. C'était très intéressant parce que j'avais des joueurs qui étaient très habiles techniquement.
Après, c'est juste être capable de construire un QI football, mais ça, c'est à travers la méthodologie, à travers les principes, le projet de jeu. Ce qui n’est pas facile, c’est l'environnement : il y a une pression incroyable. Ici, tout le monde a un droit de parole, qu'il soit le chauffeur ou le président ou l'entraîneur, donc il a fallu cadrer les choses. Pour tirer tout le monde vers la performance, il faut faire comprendre que chacun doit rester à sa place.
« Ce n’est pas forcément le meilleur qui obtient le poste »
Comment s’adapter au niveau de jeu proposé ici quand vous avez fait vos classes en France ?
La Côte d’Ivoire, sur le plan social, est un pays en développement. Abidjan, la capitale économique, c'est un contraste fort : on peut y vivre comme à Paris, avec des lieux très modernes et chers, mais aussi y observer des quartiers extrêmement précaires, des bidonvilles... C’est culturellement très riche. Les gens sont attachants, joyeux, malgré des conditions de vie souvent difficiles. Il y a un vrai fossé entre les classes sociales, la classe moyenne reste peu présente. Beaucoup vivent dans des conditions modestes, d’autres sont très aisés, parfois de manière discrète. Mais ici, l’apparence est essentielle : même avec peu, on fait en sorte d’être bien habillé, de renvoyer une image digne. Il y a une vraie culture de la prestance.
Vous êtes le plus jeune coach français au monde à diriger une équipe de l'élite. À quoi attribuez-vous cette précocité ?
Je pense que c’est dû à deux choses : d’abord, une forme d’obstination. Très tôt, je savais ce que je voulais faire. Même quand tout semblait impossible, j’y ai cru. Ensuite, il y a eu le travail, la persévérance, l’acharnement. J’ai développé des compétences, je me suis formé un peu partout. J’ai un profil assez autodidacte : j’aime créer, chercher par moi-même. Dans le football, ce n’est pas forcément le meilleur qui obtient le poste. Il faut comprendre l’écosystème, savoir que tu ne peux compter que sur toi, mais que pour progresser, tu as aussi besoin des autres. C’est paradoxal, mais c’est ainsi.
D’ailleurs, comment avez-vous été accueilli au début en Côte d’Ivoire compte tenu de votre jeune âge ?
L’accueil a été très chaleureux. Bien sûr, il y a eu des doutes de la part de certains supporters ou observateurs. Certains pensaient que je ne tiendrais pas longtemps. Mais petit à petit, on a prouvé notre valeur : le maintien, la qualité de jeu, l’émergence de certains joueurs, et des résultats. Ici, ils sont essentiels. Sans eux, impossible d’exister, tu es mort.
« Le jeune sorcier blanc », les Ivoiriens semblent avoir adopté ce surnom vous concernant…
Ce surnom est surtout apparu après le titre. Il faut comprendre qu’ici, la culture valorise l’âge : la personne la plus âgée a souvent raison, c’est le droit d'aînesse. Être jeune et réussir dans cet environnement est perçu comme exceptionnel. Et comme l’équipe n’était pas préparée pour gagner, ce succès a semblé presque magique. Il y a aussi une forte dimension spirituelle en Côte d’Ivoire. Le surnom de « sorcier » s’est donc imposé naturellement. Et comme je suis jeune, c’est devenu « le jeune sorcier blanc ».
Vous avez aussi découvert la Ligue des champions africaine, avec un gros baptême du feu dans un groupe très compétitif…
C’était frustrant de ne pas pouvoir être sur le banc à cause d’un problème de diplôme. Le club n’était pas préparé à ce niveau. Rien que le fait d’avoir atteint la phase de groupes, après avoir éliminé les champions du Sénégal (Teungueth) et de Guinée (Milo FC), était déjà un exploit : perdre chez Al Ahly 4-2 mais en étant la première équipe à marquer chez eux depuis un an, ou encore deux matchs nul face à Orlando Pirates.
On a proposé un jeu de qualité. Il nous a manqué de la profondeur dans l’effectif. Les écarts de moyens sont énormes. On affronte des clubs avec des budgets supérieurs à ceux de la fédération ivoirienne, équivalents à ceux du haut de tableau de Ligue 1, rendez-vous compte. J’en reste fier : en moins de deux ans, on est passé de la lutte pour le maintien à la Ligue des champions.
Désormais, quel est l’objectif pour la saison à venir ?
L’objectif est de se qualifier à nouveau pour la phase de groupes. On attend de voir le tirage et l’effectif dont on disposera. Il faut rester humble. Économiquement, on reste très loin des standards continentaux. Sur le plan national, on essaiera de conserver le titre, mais ce ne sera pas facile. En Côte d’Ivoire, les cycles sont courts. Les joueurs partent vite : en Tanzanie, en Afrique du Sud, au Maghreb, les salaires sont bien plus élevés. Il faudra rester dans une dynamique de progression.
Qu’est-ce qu’il manque au football ivoirien pour redevenir une place forte du football africain local ?
Principalement les moyens financiers. Il existe des écarts de budget considérables. Pour progresser, il faudrait que les mêmes clubs participent régulièrement aux compétitions africaines, pour passer dans les têtes de série supérieures. Cela permettrait d’affronter des adversaires plus accessibles. Aujourd’hui, on tombe souvent contre des clubs très expérimentés, avec des moyens colossaux. La Coupe du monde des clubs va encore accentuer cette inégalité. Pourtant, la Côte d’Ivoire a des joueurs talentueux, de très beaux stades, mais le développement économique ne suit pas encore. Il y a du potentiel, mais il faut apprendre à le structurer.
« Envie de me tester à d'autres contextes »
Quel est votre plus grand défi ?
Ce serait de réussir ailleurs ce que j’ai accompli ici, dans un environnement encore plus compétitif. J’aime les défis, j’ai envie de me tester dans d’autres contextes.
Vos exploits attirent l’attention. Avez-vous déjà reçu des sollicitations ?
Oui, plusieurs, venant du Moyen-Orient, d’Europe ou d’Afrique. Certaines ne peuvent pas se concrétiser à cause du diplôme. Mais on étudie les opportunités. Je pense que certaines choses finiront par se débloquer.
Un poste de sélectionneur d’une nation africaine par exemple, c’est quelque chose qui peut vous intéresser à l’avenir ?
Pas à court terme. Je me considère davantage comme un entraîneur de club. Être sélectionneur, c’est représenter un peuple, porter une dimension symbolique et politique forte. Ce n’est pas une question de compétence, mais plutôt de volonté. Pour l’instant, ce n’est pas un objectif que je poursuis. Mais la carrière est longue, on ne sait jamais.
Revenir en arrière, en tant qu’adjoint, comme lors de vos passages sur le banc du PFC, est-il encore envisageable ?
C’est envisageable uniquement dans des divisions très relevées, pour finir mes diplômes et me former dans un autre environnement. Ce n’était pas une option envisagée auparavant, mais aujourd’hui, on y réfléchit, car le marché est très fermé. Il faut parfois faire un pas de côté pour mieux avancer. Peut-être que cela passera par là.