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Athlétisme-Sara Oualy : « Au Sénégal, les gens investissent dans les sports lucratifs »

Les Championnats d’Afrique d’athlétisme ont débuté ce 8 juin à l'Île Maurice. Le Sénégal est représenté par une délégation de 13 athlètes. En délicatesse depuis plus d’une décennie, l’athlétisme sénégalais est en quête d’exploits pour se relancer. C’est en tout cas ce qu’a confié le colonel Sara Oualy, président de la Fédération sénégalaise d’athlétisme (FSA) dans une interview accordée à Sport News Africa. L’homme fort de l’athlétisme sénégalais est revenu sur l’absence d’infrastructures, les problèmes et de vulgarisation que connaît cette discipline au pays de la Teranga.

De notre correspondant au Sénégal

Sara Oualy, président de la Fédération sénégalaise d’athlétisme.

Quel diagnostic faites-vous de l’athlétisme sénégalais en délicatesse depuis plusieurs années ?

Les maux de l’athlétisme sénégalais ont pour nom, l’absence d’infrastructures, l'absence de moyens financiers et l’absence d’encadrements techniques de haut niveau. On ne peut s’adonner à la pratique de l’athlétisme sans infrastructures. On parle ici de pistes fonctionnelles. Au niveau de Dakar, nous avions deux pistes au stade Iba Mar Diop et au stade Léopold Sédar Senghor. Des pistes qui sont dans un état de dégradation très avancée. Le stade Léopold Senghor est d’ailleurs fermé pour être réhabilité et bientôt s’en suivra le stade Iba Mar Diop pour les besoins des Jeux olympiques de la jeunesse (JOJ). Il y a maintenant l’annexe du stade Abdoulaye Wade de Diamniadio qui sera réceptionnée sous peu et qui pourra nous servir de palliatif. Mais cette piste là ne pourrait régler le problème. Il y a la question de l’éloignement (39km de Dakar, ndlr) qui se pose. Au niveau des associations sportives, les clubs d’athlétisme sont livrés à eux-mêmes. Les athlètes auront du mal à se rendre à Diamniadio vu la distance.

Il y a aussi un véritable problème financier qui se pose au niveau de la Fédération…

Effectivement. Vous savez, l’entretien d’un athlète n’est pas aussi simple. S’il veut faire des performances, il doit être dans un cadre approprié, un endroit spécialement dédié au développement de l’athlétisme avec une salle de musculation, un réfectoire, une infirmerie pour le suivi médical comme dans les centres de perfectionnement. Tous les athlètes qui font des performances sortent en général des centres spécialisés. Comme dans le football d’ailleurs, et même dans d’autres sports. On rêve de disposer de notre propre centre indépendant du centre africain (CAAD), un centre fédéral, ça aurait pu faire l’affaire. Dans mon plan de relance, c’est une chose que j’ai envisagée. L’autre chose, c’est nos athlètes qui sont financièrement mal lotis. Au niveau national, les athlètes ne sont pas payés du tout. Mis à part quelques clubs qui remboursent le transport à leurs pensionnaires, il n’y a rien. On a ce problème là. L’argent reste le nerf de la guerre et les gens investissent dans les sports lucratifs. On a aussi un problème de vulgarisation.

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Qu’en est-il donc du niveau des entraîneurs d’athlétisme au Sénégal ?

En ce qui concerne les techniciens, ce sont des universitaires qui n’ont pas beaucoup d’expérience. Outre les diplômes universitaires, il y a l’expérience en matière d’entraînement. J’entends par là qu’ils ont besoin de stages de renforcement dans de grands pays d’athlétisme. Surtout au niveau de quelques épreuves comme les sauts. Nos entraîneurs ici sont trop orientés vers le sprint long. Mais on a des lacunes dans les concours de saut.

Combien de temps l’athlétisme peut encore tenir sans pistes fonctionnelles avec les rénovations des stades mentionnés ?

Même si on a des pistes et que nos athlètes ne bénéficient pas d’un encadrement, le problème persisterait. Ce qu’il nous faut, c’est d’avoir des champions de niveau africain et mondial à court terme. Ces champions-là feront le travail de marketing au niveau national. Depuis une quinzaine d’années, nous n’avons plus de champions au niveau international. Ce qui fait que l’athlétisme a tendance à sombrer dans l’oubli dans notre pays.

Le Sénégal abrite le centre africain d’athlétisme à Dakar. Comment le CAA pourrait aider à développer l’athlétisme sénégalais ?

C’est un centre international qui dispose de matériels de pointe pour les entraînements d’athlètes. Une salle de musculation fonctionnelle et qui a des coachs de haut niveau. À notre niveau, on collabore avec le CAA. Le directeur du centre (El Hadj Amadou Dia Ba, ndlr) admet nos athlètes d’un certain niveau dans le centre pour qu’ils puissent s’entraîner avec les pensionnaires du CAA. Pour s’entraîner au niveau du centre il faut être boursier. Mais avec cette étroite collaboration, nos athlètes qui composent l’élite. C’est un plus pour nous.

Le meeting de Dakar fait son retour après plusieurs années d’absence. Comment s’est fait le processus ?

Tout est parti de Manar Sall, le directeur général de PetroSen. C’est un inconditionnel de l’athlétisme et Amadou Dia Ba (médaillé d’argent JO 1988 et Directeur CAA, ndlr) est un de ses grands amis. Durant un entretien, Dia Ba lui propose le projet. M. Sall a tout de suite adhéré à l'idée de nous accompagner. Il sera notre partenaire phare. Il est déterminé à accompagner la Fédération pour ressusciter le meeting d’athlétisme de Dakar. N’eut été la passion de l’athlétisme de M. Manar Sall, n’eut été son intervention, nous n’aurions pas eu le courage de relancer le meeting.

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Les championnats d’Afrique d’athlétisme démarrent ce mercredi en Île Maurice. Quelles sont les attentes pour les 13 athlètes de la délégation sénégalaise ?

Pour vous dire franchement, nos seules attentes sont placées sur notre relais 4x400 hommes. Et à la limite on peut espérer aussi sur le 400 m en individuel parce qu’on a Cheikh Tidiane Diouf qui a claqué un temps de 45 secondes 62. C’est un chrono de classe mondiale et peut-être qu’il pourrait tirer son épingle du jeu. Associé à trois autres athlètes qui courent cette distance autour de 46 secondes, on peut s’attendre à être sur le podium. Il y a Louis François Mendy sur 110m haies qui coure autour de 13 secondes. Avec du courage et un peu de chance, il peut faire quelque chose. Mais pour dire vrai, je ne le vois pas sur le podium.

Les Jeux olympiques de la jeunesse arrivent dans 4 ans. Quel est le plan d’identification et de développement des jeunes athlètes qui vont composer l’équipe du Sénégal ?

Après une première détection, nous avions mis en exergue un groupe d’athlètes l’année dernière. Nous comptons poursuivre cette année la détection. Ceux qui sont détectés seront encadrés pour les préparer davantage. Même au niveau de l’INSEP (Institut national du sport, de l’expertise et de la performance) de Paris à travers un accord avec le CNOSS (Comité national olympique et sportif sénégalais), nos athlètes ciblés seront là-bas en regroupement dans un à deux ans. On va donc appuyer sur l’accélérateur en ce qui concerne la préparation pour les JOJ 2026.

Qu’est-ce qui selon vous pourrait aider le renouveau de l’athlétisme sénégalais ?

Pour le renouveau de l’athlétisme au Sénégal, il faut restaurer le sport scolaire. La plupart de nos anciens athlètes sont issus du milieu scolaire. Il faut qu’on mette un accent sur le sport à l’école, relancer l’UASSU (Union des associations sportives scolaires et universitaires) pour repérer des talents qui seront licenciés au niveau de la Fédération et les encadrer dans un centre fédéral par exemple. On ne peut pas relancer l’athlétisme sans passer par la compétition dans les établissements scolaires. C’est d’ailleurs valable pour tous les sports.

Moustapha M. SADIO

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