Le judo sénégalais est en constante régression sur la dernière décennie. Depuis la médaille d’or d’Hortense Diédhiou en 2011, 2 titres ont été récoltés sur les 11 dernières éditions des championnats d’Afrique. Deux fois grâce à Mbagnick Ndiaye en + 100 KG en 2019 et 2020. Le Sénégal était pourtant une place forte de la discipline en Afrique dans les années 1980. Une hégémonie incarnée alors, par le «plus grand» judoka sénégalais de tous les temps, Ankiling Diabone. Le Casamançais a, à son actif, un des plus beaux palmarès individuels de l’histoire du sport sénégalais.
Il est peu connu des judokas sénégalais nés après les années 1990. Pourtant, Ankiling Diabone aurait inspiré plus d’un parmi eux dans leur quête d’excellence dans cette discipline. Né en 1955 à Oussouye dans le sud du Sénégal, Ankiling Diabone est le 2ème enfant d’une famille de 5 garçons. C’est sur le tard qu’il fait la connaissance du judo. Après l’obtention de son baccalauréat, Ankiling Diabone débarque au CNEPS (Centre nationale d’éducation physique et sportive) de Thiès (à 70 KM de Dakar) en 1975.
Des débuts tardifs qui n’entravent nullement une réussite prédestinée culturellement. « C’est parti du fait que j’ai été un excellent lutteur Joola comme tout Casamançais, avouait-il dans une interview sur Kabisseu FM. C’est lorsque j’ai intégré le CNEPS (Centre national d’éducation physique et sportive), j’ai été repéré par mon professeur et par mon camarade de chambre à l’internat, Alioune Guèye. C’est lui qui m’a convaincu de me mettre au judo. Petit à petit je m’y suis mis et mon maître de judo qui s'appelait Maître Madani Diakhaté m’a beaucoup encouragé», a-t-il révélé.
L’histoire d’amour entre Ankiling Diabone a tout de suite été le coup de foudre. Dès ses premières compétitions, le jeune homme de 20 ans brille. «Trois mois après mes débuts, j’ai été sélectionné à un tournoi à Dakar que j’ai remporté brillamment. Ça a été le déclic. De retour à Thiès, la direction de l’école, les collègues, m’ont accueilli avec d’enthousiasme. Cela m’a motivé à continuer, a-t-il fait savoir. Après ma formation, je suis retourné à Dakar où j'enseignais l’éducation physique. J’ai été confié au grand Maître Amara Dabo dans son club, le dojo Momar Dieng. C’est là où j’ai embrassé la vraie carrière de judo. J’ai toujours été sélectionné aux championnats et j’ai toujours gagné».
De 1975 à ses débuts à 1990, année de sa retraite internationale, Ankiling Diabone a incarné l’excellence du judo sénégalais au très haut niveau. Aux côtés de Malang Dabo, Lansana Coly, Bou Aidara, Dominique Biaye… Quinze ans de judo en équipe nationale du Sénégal, capitaine du Sénégal pendant 10 ans. Durant cette période, il prend part à toutes les compétitions nationales, internationales en France, en Italie, en Angleterre… « Je prenais cela pour un jeu, c’était amusant et c’était agréable parce qu’on voyageait beaucoup. Je gagnais aussi des médailles. J’ai alors décidé de poursuivre ma carrière vu que ça me procurait du bonheur».
Sa philosophie ancrée sur la bravoure Joola, une ethnie de «guerriers» dont il est issu, a été son moteur durant toute sa carrière. « Chaque combat était pour moi un challenge. La première compétition qui m’a le plus marqué c’était en 1975 quand je débutais aux championnats nationaux. Je me suis cassé la jambe gauche. Loin du traumatisme subi, je me suis dit que j’allais guérir pour être le plus grand judoka du Sénégal. C’était une épreuve où soit, j’arrêtais la compétition ou alors je lançai définitivement ma carrière. J’ai choisi de me soigner, de continuer la compétition et devenir le plus grand de ce sport au Sénégal», a-t-il confié.
Un pari réussi puisqu’en 15 années au plus haut niveau, il a été multiple champion du Sénégal toutes catégories confondues, 6 fois médaillé aux championnats d’Afrique dont 4 fois titré en - 86 KG sur 6 éditions de suite entre 1982 et 1989. Ankiling Diabone a également disputé deux championnats du monde en 1981 à Maastricht aux Pays-Bas et en 1987 à Essen en Allemagne. Enfin, Diabone a participé à deux Jeux olympiques en 1980 à Moscou (Russie) et en 1988 à Séoul (Corée). En plus d’une coupe du monde de judo à Vienne (Autriche) en 1984.
Seul ceinture noire de judo dans la région de Ziguinchor à son départ pour la France en 1998, il continue de suivre le développement de la discipline. Cet ancien cadre du Ministère de la jeunesse et des sports désespère de voir d’autres talents émergés pour faire reverdir cette discipline qu’il chérit. «Je serai heureux qu’un jour un Sénégalais décroche une dizaine de médailles d’or africaines. C’est ce que souhaite tous les papas, voir leurs enfants les dépasser. Personne jusqu’ici n’a égalé Ankiling Diabone. Je suis malheureux de me dire que personne n’égalera ma performance», se désole-t-il.
Depuis Paris où il passe ses vieux jours aux côtés de ses enfants, il jette un regard rempli de fierté sur son immense parcours. « Je pense être fière de ma carrière puisque jusqu’ici, aucun sénégalais n’a fait autant ou gagné autant ». Pour les jeunes judokas sénégalais, il n’a qu’un seul conseil : « Dans le sport, il n’y a pas d’autres secrets que le travail, argue-t-il. Pour gagner en sport, il faut s’entourer des meilleurs entraîneurs pour être performant. Heureusement pour moi, j’étais un professionnel du sport, étant enseignant en éducation physique. Je me suis beaucoup documenté et j’ai compris que l’unique secret était l’entraînement. Je ne crois pas au marabout, ni au gris-gris », a-t-il conclu.