Le Sénégal amorce le dernier virage en direction des Jeux olympiques de la jeunesse Dakar 2026. Le tout premier événement olympique jamais organisé sur le continent africain. Les attentes sont énormes et le Sénégal se sait attendu. À un peu plus de 30 mois de la cérémonie d’ouverture de ces 4èmes JOJ, Sport News Africa fait l’état des lieux des secteurs stratégiques avec les infrastructures et équipements sportifs devant abriter ces jeux. Pas mal d’avancées notées avec le Comité d’organisation (COJOJ) mais des points d’amélioration existent, notamment dans la communication. Outre le défi de l’organisation, le pays hôte espère bien figurer au tableau des médailles avec une planification stratégique de détection et de préparation des Fédérations sous la supervision du comité national olympique sénégalais.
De notre correspondant au Sénégal,
La barre symbolique des J-1000 avant les 4èmes Jeux olympiques de la jeunesse a été célébrée le 2 février 2024 à Dakar, ville hôte de ce premier événement olympique en Afrique. La capitale sénégalaise a l’immense privilège mais aussi la lourde responsabilité de faire honneur à tout un continent quant à sa capacité d’organiser un événement d’une telle envergure. Le Sénégal a plusieurs défis à relever dans 2 ans et demi. Sport News Africa a mené son enquête pour situer où en était le pays de la Téranga dans l’organisation de cet événement et la préparation de sa génération Dakar 2026. Dakar a encore beaucoup à faire même si les grands chantiers sont d’ores et déjà lancés.
Le comité d’organisation des Jeux olympiques de la jeunesse Dakar 2026 amorce la dernière ligne droite dans la finalisation des aires de jeu devant accueillir 3016 jeunes athlètes et abriter près de 250 épreuves dans une quarantaine de disciplines. Ce, sans la construction de nouveaux stades, a opté le pays hôte. « Depuis la phase de candidature le Sénégal a fait le choix de ne pas être dans une démarche de construction de nouvelles infrastructures d’envergure mais a privilégié une logique de sobriété, de réalisme mais surtout d’efficacité. On a mis l’accent sur l’utilisation d’infrastructures existantes, non conventionnelles. On ne pouvait pas rater ce prétexte pour réhabiliter un certain nombre d’infrastructures sportives », a précisé Abdou Diaw, directeur des opérations du COJOJ.
Pour ce qui est des enceintes réhabilitées dans le cadre des JOJ, deux temples emblématiques de la capitale ont été choisis pour leur atout populaire. Il s’agit du stade Iba Mar Diop situé dans le quartier de la Médina et la piscine olympique nichée en face de la grande Université Cheikh-Anta-Diop. « Après un long processus, le choix a été porté sur le stade Iba Mar Diop, compte tenu de sa localisation, sa pluridisciplinarité et surtout la population importante qui bénéficie de cette infrastructure. Le stade Iba Mar Diop va faire l’objet d’une rénovation importante et même d’une extension. De même que la piscine olympique », informe M. Diaw.
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Le projet de réhabilitation du stade Iba Mar Diop a impacté les populations environnantes et plusieurs artisans s’activant aux alentours de de l’enceinte. Le comité d’organisation des JOJ a pris le soin d’intégrer cette dimension sociale en procédant à des dédommagements suite aux déplacements de ces ouvriers. Mais pas que. Une grande majorité d’entre eux sont des cordonniers. « L’ensemble des cordonniers seront réinstallés à la « maison du cuir ». Les travaux démarrent incessamment sous peu, l’entreprise étant déjà sélectionnée, informe M. Diaw. Les femmes pileuses seront elles aussi accompagnées dans le cadre de leur réinstallation. »
La cérémonie d’ouverture des JOJ Dakar 2026 est officiellement prévue le 31 octobre 2026. À 30 mois de cette date, le Sénégal se dit « dans les temps » en termes d’organisation. « Pour ce qui concerne les infrastructures, on a très tôt fait le choix de travailler avec l’AGEROUTE, après un long processus d’études préliminaires et un appel d’offres international. Nous sommes au terme de ce processus qui permettra de sélectionner une entreprise (…) Les travaux du stade Iba Mar Diop devraient démarrer d’ici le mois de mai, pour une durée de 18 mois. Pour la piscine olympique, elle sera livrée d’ici juin 2025 (durée des travaux : 12 mois). Ce qui nous donne un peu plus d’un an pour tester ces équipements et nous assurer qu’en octobre 2026 au lancement de la compétition, l’ensemble de ces sites seront dans les meilleures conditions pour accueillir les athlètes qui viendront de partout dans le monde », assure le directeur des opérations du COJOJ.
Ces Jeux olympiques de la jeunesse revêtent une dimension d’héritage pour les générations futures, à en croire M. Diaw. « Pour tout ce qui va être développé dans ces sites, nous nous inscrivons dans une démarche d’héritage. On n’a pas voulu construire des infrastructures pour les Jeux olympiques. On a voulu faire des infrastructures en rapport avec les besoins des populations et nous adapter aux besoins spécifiques des JOJ ». C’est dans cette optique qu’il sera érigé des infrastructures de proximité dans les quartiers de plusieurs localités de Dakar, Diamniadio et Saly, les trois villes hôtes des épreuves des JOJ.
« Après un long processus impliquant la plupart des communes à Dakar, et qui est basé sur des critères tenant compte de l’accessibilité pour les populations de Dakar, Saly et Diamniadio à des équipements sportifs, nous avons fait le choix de construire des infrastructures de proximité. Ce seront des terrains de football ou d’autres disciplines sportives qui seront réalisés à l’intérieur des quartiers, en privilégiant les communes dont les populations et les jeunes ont le moins accès à ces équipements sportifs publics. On a identifié dans ce cadre une dizaine de communes dans ces trois villes hôtes où grâce à un financement de l’AFD, les JOJ permettront de développer des infrastructures. Ces terrains ne feront pas l’objet de compétitions dans le cadre des JOJ, mais ce sera un héritage important des jeux », a confié Abdou Diaw. Ces équipements de proximité seront réceptionnés avant la fin de l’année 2025, informe-t-il.
Pour la réalisation de ces projets de rénovation du stade Iba-Mar, la piscine olympique ainsi que les équipements de proximité, un investissement conséquent de 60 millions d’euros a été dégagé grâce à l’AFD. D’autres stratégies ont été privilégiées pour d’autres sports. C’est le cas notamment pour les sports équestres, où le COJOJ a opté pour une collaboration avec la Gendarmerie nationale qui devrait inaugurer sa nouvelle caserne qui est en train d’être réalisée à Diamniadio, nous apprend M. Diaw. L’ensemble des autres sites à Saly, Dakar et Diamniadio feront l’objet d’installations temporaires le temps de la compétition et non de construction de nouvelles infrastructures.
En dehors du challenge de l’organisation, le Sénégal entend figurer sur le plan sportif. « En tant que pays hôte, la première chose c’est qu’on parvienne à présenter des athlètes dans chaque discipline, rappelle Avelino Monteiro, secrétaire général de la commission technique au CNOSS. Il y a une quarantaine de sports et aujourd’hui on sait que le Sénégal n’est pas très actif dans certaines disciplines. Certaines Fédérations n’existent même pas. Ensuite, avoir des places directement qualificatives. C’est important pour une bonne représentation sportive. Enfin il faudra aller chercher des médailles. On a les moyens d’être sur le podium dans certaines disciplines », a-t-il ajouté.
« Dans la première phase de la préparation, on met en place un environnement de travail, les ressources humaines pour prendre en charge la préparation des athlètes. La 2ème phase concerne la prise en charge directe des athlètes devant participer à ces jeux. Pour la première phase, on a bien avancé au comité olympique. Depuis mars 2019, le CNOSS avait réuni tous les directeurs techniques et les a incités à mettre en place un plan stratégique en vue des JOJ. On a eu à organiser plusieurs sessions pour accompagner les Fédérations à mettre en place leur plan stratégique. Le comité olympique a ensuite décidé d’accompagner certaines Fédérations en renforçant la formation de ceux qui doivent prendre en charge les athlètes avec des conventions de partenariat avec l’INSEP de Paris de 2020 à 2023. On a pris les techniciens de toutes les disciplines qui devraient être aux JOJ pour les former à la détection, à la modélisation de la performance », a expliqué M. Monteiro.
Plusieurs Fédérations sont déjà à pied d’œuvre. Le football, avec l’académie fédérale et ses U15 récents finalistes au championnat d’Afrique scolaire zone Ouest. Ou encore le triathlon qui semble en avance sur les autres. « On a fait la détection depuis un moment. On a des jeunes filles et garçons qui constituent nos pépites. Nos détections se font à partir de nos journées de championnat. On a fait des détections à Dakar et dans les régions où nous avons installé une ligue régionale. Aujourd’hui nous avons notre base d’athlètes pour les JOJ. Pour la plupart, ce sont des élèves. Nous avons eu des camps périodiques au niveau de la Fédération pendant les vacances scolaires de décembre, avril et juin (3 sessions quotidiennes en externat). Ils s’entraînent également en club pendant l’année scolaire. Nous avons une base de données où sont répertoriées leurs performances respectives », a listé Ibrahima Kamara, directeur technique national du triathlon.
La phase de préparation intensive approche à grands pas nous révèle le secrétaire général de la commission technique du CNOSS. « D’ici juin 2024, on va fixer toutes les disciplines sportives. Ensuite on aura les règlements sportifs qui vont permettre de savoir comment se qualifier, quel est le nombre d’athlètes. Les JOJ sont une compétition qui se cherche encore. On en sera qu’à la 4ème édition en 2026. Dans toutes les épreuves, le règlement n’est pas identique aux compétitions classiques. Il est donc important d’attendre la finalisation du programme et les règlements sportifs. Chaque Fédération aura ensuite un groupe d’athlètes qu’on devra accompagner. J’espère qu’au mois de juillet on pourra commencer à travailler avec les groupes d’athlètes ».
S’il y a un bémol à émettre autour de l’organisation des JOJ Dakar 2026, c’est au niveau de la communication. L’absence d’informations sur le site des jeux est déplorée par les acteurs du sport. « On n'a que très peu d’informations en ce qui concerne les infrastructures pour les JOJ 2026. Là où les JO de Los Angeles prévus deux ans plus tard offrent une plateforme d’informations largement plus fournie. Seul le comité d’organisation sait ce qu’il en est. Nous avons également un problème pour savoir comment est composé ce comité d’organisation », regrette Modou Guèye Seck, Manager sportif et proche collaborateur de la nouvelle ministre des sports.
Cette dernière, nommée il y a deux semaines, a rendu public sa feuille de route. L’absence des JOJ saute aux yeux. « Les JOJ ne figurent pas dans les 17 axes prioritaires de la nouvelle équipe du ministère des Sports, a constaté M. Seck. Dans beaucoup de pays qui accueillent les Jeux olympiques, la tendance va même vers le changement de nom du ministère avec l’appellation ministère des Sports et des Jeux olympiques. Pour montrer l’importance que revêtent les jeux dans la vie d’une nation qui les accueille. Au Sénégal, non seulement cela ne figure pas dans les points prioritaires du programme du ministère mais on n’a aucune visibilité sur ce qui est fait par le comité d’organisation qui semble faire cavalier seul. Ce qui serait dommage car, dans les deux prochaines années, les JOJ devraient être la première des priorités du ministère des Sports. Ce que cela peut apporter au développement du sport sénégalais est juste immense. C’est une opportunité unique pour permettre au sport sénégalais de se développer à tous les niveaux », a-t-il relevé.
Il poursuit : « Peut-être que Mme le ministre a besoin de temps pour s’installer et avoir une certaine visibilité sur l’état des lieux de cet événement avant de s’engager. Mais c’est quand même un peu dommage que sur les 17 points prioritaires énumérés lors de sa cérémonie passation de service, on n’y a pas entendu un seul mot sur les Jeux olympiques de la jeunesse Dakar 2026. Peut-être qu’elle a eu des assurances que c’est en bonne voie, peut-être que ce sera centralisé au niveau de la Présidence… Les hypothèses existent mais ce qui est sûr c’est que cela doit être la priorité des priorités par rapport aux deux prochaines années de ce nouveau gouvernement. »
Moustapha M. SADIO