A 38 ans, Noélie Yarigo s'est adjugée la médaille de bronze au 800 m des Championnats du monde d'athlétisme en salle ce 3 mars 2024 à Glasgow. La Guéparde de la Pendjari a réalisé son meilleur résultat en 20 ans sur les pistes. Dans un entretien exclusif avec Sport New Africa, la Béninoise raconte son plus grand exploit. Entretien que nous vous proposons en ce 8 mars, journée dédiée aux droits de la Femme.
Comment se sent Noélie Yarigo au lendemain de sa médaille de bronze aux Mondiaux d'athlétisme en salle de Glasgow ?
Noélie Yarigo : J'ai récupéré de mes émotions (Rires). J'ai rejoint mon lieu d'entraînement ce mardi en Turquie. Pour l'instant, je ne connais même pas encore tout mon programme de compétition. Avec mon coach, on a prévu de faire un autre cycle d'entraînement, afin de pouvoir mieux se préparer pour certaines échéances.
Le monde a pu remarquer vos cris et pleurs de joie juste après la course. L'émotion était grande pour vous ?
Je n'ai même pas de mots pour exprimer la joie qui m'animait en ce moment, quand j'ai franchi la ligne d'arrivée. Je me demandais, est-ce que c'est vrai ? Est-ce que je ne suis pas dans un rêve ? J'ai réalisé que je venais d'être médaillée aux championnats du monde quand ils ont lancé le drapeau à l'Éthiopienne (Tsige Duguma médaillée d'or, NDLR). J'ai pensé à mes années de travail, à mes échecs surtout. Mais malgré ça, je n'ai pas abandonné. Je me suis toujours entraîné très dur, mais ça ne passait pas. Ça a fini par payer. Dans ma tête, je me disais, je n'arrêterai jamais sans avoir remporté une médaille internationale pour mon pays le Bénin. Je m'étais fait cette promesse-là.
Vous avez quitté le Running 41 club, après environ 10 ans pour rejoindre l'année dernière l'AJBO. Aujourd'hui, on peut dire que Noélie Yarigo renaît de ses cendres tel un phénix grâce à Valentin Anghel, votre coach ?
J'ai un coach qui me soutient, qui me donne la force, qui m'a donné l'envie de reprendre les entraînements. Il m'a donné plein d'exemples de filles qui avaient le même âge que moi, qui ont fait des performances exceptionnelles. Je me suis donc dit, si elles ont pu le faire, moi aussi, je peux le faire. C'est ça qui m'a le plus motivée à sacrifier tout mon bien-être. Et aujourd'hui, j’ai une médaille mondiale, je n'ai vraiment pas de mots. Je pense que mes sacrifices ont vraiment payé.
Quitter le Running 41 a été bénéfique pour vous ?
J'avais un bon coach (Claude Guillaume, son ancien entraîneur, NDLR). Il a su m'amener à un niveau exceptionnel. Je lui dois ça aujourd'hui parce que c'est lui qui m'a permis d'atteindre d'abord le niveau international, de faire deux, voire trois Jeux olympiques. Mais aussi, parfois, changer d'environnement, ça fait du bien. Mais je ne vais pas faire cette comparaison pour dire que l'un est meilleur que l'autre. Je ne sais pas, c'était peut-être mon heure qui n'avait pas sonné.
Première médaille de l'histoire du Bénin dans un championnat du monde d'athlétisme. Qu'est-ce que cela représente pour Noélie Yarigo ?
Je suis très heureuse et je pense qu'avec cette médaille-là, les plus jeunes vont prendre conscience et vont se mettre au travail parce qu'ils vont forcément vouloir faire comme Noëlie Yarigo. Il y a du talent au Bénin. Mais, il faut juste qu'on investisse pour qu'ils soient de meilleurs athlètes demain, car on ne devient pas champion du monde ou médaille mondiale en deux ans, même en quatre ans. C'est un long processus de travail.
La veille du sacre, vous avez terminé deuxième de votre demi-finale. Comment Yarigo a-t-elle préparé ces championnats ?
Mon dernier stage au Portugal, mon coach m'a fait faire des exercices à l'entraînement pour stimuler justement les tactiques de course en championnat. Déjà, ma dernière course en salle, c'était à Liévin et c'était une course très tactique, mais j'ai pu m'en sortir quand même. Il m'a dit, voilà, ça va être pareil en championnat, donc ne cherche pas un chrono là-bas. Cherche juste à passer le maximum de tours. Et si tu arrives en finale, tout va être possible pour toi parce qu'il savait que j'étais en forme, mais il essayait quand même de me rassurer, de me dire que j'allais pouvoir monter sur la boîte si je faisais bien les choses.
Ce succès retentissant vient également faire taire ces personnes qui vous appellent à la retraite.
Je suis très satisfaite parce que pour moi, je me dis que je ne suis pas obligée de répondre à certaines personnes qui me disent, que je devrais prendre ma retraite. Je sais ce que je veux, je sais ce que je fais à l'entraînement. Donc je me suis dit qu'il faut bosser. Et la meilleure façon de leur répondre, ce sera par mes résultats. C'est ce que j'ai fait.
Deuxième meilleure performance de l'année à Val-de-Reuil en janvier (1mn59s29), le bronze aux Mondiaux, c’est quoi le prochain objectif ?
Depuis 2016 il y avait un verrou que j'ai pu faire sauter maintenant. Donc il n'y a plus de limites pour moi. Tous les comptes sont remis à zéro. Je vais me remobiliser pour m'entraîner et être à la hauteur aux Jeux olympiques. Ça va être forcément contre les mêmes filles. Même si les courses ne se ressemblent pas, ça va être pareil. Je vais beaucoup bosser pour pouvoir passer le maximum de tours afin de pouvoir accéder à la finale. Vous savez, le 800, ce n'est pas du sprint où tu vas à fond et tu prends ta qualification. La course peut être tactique. Tu peux même venir avec la meilleure performance du monde et te faire éliminer derrière les séries. Si vous prenez par exemple notre finale, l'Éthiopienne Habitam Alemu, (cinquième de la finale sur 6, NDLR) elle détenait la meilleure performance mondiale de l'année, mais ça ne suffit pas.
Sur les réseaux sociaux et partout, les félicitations et encouragements pleuvent. Comment appréciez-vous les réactions ?
Je suis très contente de ce soutien, de la mobilisation que j'ai eue avant ma finale. Plusieurs personnes de tout le monde entier m'ont soutenue. Cela m'a vraiment mis en confiance. Je me suis dit qu'il fallait m'arracher pour aller chercher cette médaille parce que je la voulais, je l'ai faite pour mon pays.
Vous avez rallié la Turquie pour un stage. Finalement, il n'y a pas de repos pour Noélie Yarigo ?
Oui, je vais continuer. Je ne vais rien changer de mon programme. Je ferai tout comme c'était prévu. Même si je n'avais pas eu de médaille en salle, j'allais continuer mon programme comme si rien n'était. Je crois vraiment qu'avec le travail, on peut tout.
Un message à ces jeunes athlètes du Bénin qui aspirent à atteindre le sommet ?
Il faut qu'ils croient en leur rêve et qu'ils n'abandonnent jamais. Et surtout qu'ils soient disciplinés. La base, c'est la discipline.
Rachidi DOSSA