À une semaine du début des World Skate Games (24 octobre - 13 novembre) en Argentine, le Sénégal est encore loin d’être assuré de prendre part à ces joutes internationales faute d’accompagnement du ministère des Sports. Le Sénégal est pourtant multiple médaillé en Freejump en 2017 et 2019. Présidente de la Fédération sénégalaise de roller et skate depuis 2017, Awa Nar Fall se bat sans relâche pour hisser le Sénégal parmi les meilleures nations de roller en Afrique et dans le monde. Pour Sport News Africa, l’actuelle présidente des fédérations ouest-africaines de Roll Ball (Handball avec Roller) s’est confiée sur les grandes ambitions du Sénégal à ces Mondiaux sans manquer d’évoquer les JO de Paris 2024 où le Sénégal aurait selon elle le potentiel de qualifier 3 athlètes et enfin les JOJ Dakar 2026.
De notre correspondant au Sénégal,
Sport News Africa : Le Sénégal a décroché plusieurs médailles mondiales et des records du monde ces dernières années. Qu’est-ce qui explique ce succès ?
Awa Nar FALL : Cela a été un long processus. Je dirais que c’est depuis que la discipline était logé en CNP (Comité national de promotion) de sports de glisse dirigé par Alexandre Alcantara. Il avait déjà fait du beau boulot avec plusieurs disciplines dont le surf, le kayak, la voile...
En 2017, il y a eu un éclatement qui nous a permis d’avoir une fédération pour le roller dont j’ai remporté l’Assemblée générale élective. Un grand honneur d’être la première femme présidente de fédération au Sénégal. On a alors procédé à une série de démonstrations dans les disciplines et on a fait le maximum pour participer à beaucoup de compétitions. Pour nôtre première compétition internationale au Bénin en 2016, on a décroché 33 médailles au point d’écœurer la concurrence. On a vraiment surpris tout le monde.
Nous ne nous sommes pas relâchés avec deux titres aux championnats du monde en 2017 en Chine avec à la clé des records du monde. On est resté constant dans le travail pour ramener trois médailles dont un nouveau titre en 2019 à Barcelone. On peut même dire que la Covid-19 nous a freiné dans notre élan. Mais nous reprenons petit à petit, notamment avec la tenue des championnats nationaux.
Parlons-en d’ailleurs de ces championnats du Sénégal tenus au mois de septembre. Quel bilan en tirez-vous ?
Ces championnats nationaux nous ont permis de détecter de nouveaux talents. Ils ont dans le même temps permis d’évaluer notre statut de champion du monde. Et Dieu merci, nous sommes toujours aussi compétitifs. D’ailleurs, nous avons encore vu notre champion du monde Dame Fall établir un nouveau record du monde en Free Jump (1m69, ndlr). J’ai été très satisfaite de ces championnats du Sénégal car les athlètes sénégalais sont en nette progression.
Il y a une dizaine de disciplines dans le roller et on a vu que le Sénégal excelle désormais dans presque toutes comme le downhill et l’alpine, des disciplines de descente que l’on pratique au niveau des Phares des Mamelles (à Dakar). La seule discipline qu’on ne fait pas c’est le hockey sur glace parce qu’on n’a pas de glace au Sénégal.
Quelles difficultés rencontrez-vous dans le développement et l’expansion de la discipline ?
C’est plus des difficultés d’ordre logistique. C’est simple, on manque d’infrastructures au Sénégal. En Afrique de l’Ouest même je dirais. D’ailleurs, on se rend au Maroc et en Afrique pour préparer les grandes compétitions. Ce sont des pays où l’on trouve des Skateparks. Il y a eu quand même une évolution avec l’ancien maire de Dakar Khalifa Sall qui a érigé un Skatepark à Grand-Médine. On doit l’inaugurer le 19 novembre prochain.
Le ministre des sports sortant, Matar Bâ avait récemment lancé les travaux pour une piste au niveau du parking du stade Léopold Senghor. On espère qu’elle sera achevée dans les délais malgré le changement au Ministère. Cela permettrait au Sénégal d’être à niveau encore plus élevé.
Les championnats du monde arrivent dans une semaine. Quels sont les objectifs du Sénégal après avoir brillé en Chine en 2017 et à Barcelone en 2019 ?
Avant tout lorsqu’on évoque les championnats internationaux, la base c’est le financement. On manque tellement de financement. Il y a eu un arbitrage budgétaire à la tutelle et nous avons été pris en compte. On espère donc être en Argentine et on va exhorter nos athlètes pour confirmer avec plus de médailles qu’en 2019.
Nous nous alignons sur une nouvelle discipline, le boardercross (course à obstacles). Le Sénégal est brillant déjà dans cette discipline et on fonde beaucoup d’espoir en Dame Fall et Mamadou Aliou Bâ. Nous essayons de progresser dans toutes les disciplines. On compte emmener 7 athlètes et 4 encadreurs à ces championnats du monde. À notre niveau, on est fin prêt. Il reste au nouveau Ministre des Sports de nous confirmer et nous recevoir pour nous donner et le drapeau national et sa bénédiction pour qu’on aille chercher notre bien.
On a vu des athlètes sénégalais prendre part à des étapes de TQO. À Paris peut-on s’attendre à voir des sénégalais qualifiés en roller et skateboard ?
Depuis 2013, le Sénégal est considéré comme l’ambassadeur roller et skate en Afrique. Certains le refusent sur le continent mais il faut dire que c’est juste le Bénin après notre razzia en 2016. Pourtant beaucoup de leurs athlètes ont été formés ici au Sénégal. En Afrique je peux dire que le Sénégal est l’adversaire à battre. Mais nous sommes aujourd’hui à un tout autre niveau car on brille aux Mondiaux. Et maintenant on se focalise sur les JO.
Nous étions à Tokyo en 2021. Les qualifications pour 2024 ont débuté et en Afrique nous sommes pour l’instant 2èmes derrière l’Afrique du Sud. Et on espère d’ici la fin des qualifications, obtenir les points nécessaires pour passer devant eux. Nous avons l’ambition de qualifier trois athlètes mais nous sommes bloqués par l’arbitrage du comité olympique sénégalais (CNOSS). Il ne pourra prendre en charge que deux athlètes. C’est même revu à la baisse depuis avant-hier (jeudi) avec seulement un seul de nos athlètes qui sera pris en charge par le CNOSS. Ça risque de nous compliquer la tâche car notre concurrent direct, l’Afrique du Sud emmène 5 athlètes en qualifications olympiques. Et ce sont les points glanés par les différents représentants qui déterminent le classement pour chaque continent.
À Rome en juillet dernier ils étaient trois sénégalais vivant à l’étranger au TQO. Quel est le potentiel de ces athlètes pour une compétition aussi relevée que les Jeux ?
Ce sont tout simplement trois athlètes de haut niveau. Ce n’est même plus de l’espoir mais je reste convaincu qu’ils peuvent tous les trois valider leurs billets pour les Jeux de Paris surtout avec le petit Karim Kéïta qui vient de rejoindre l’équipe nationale. Il est un binational qui habite en Angleterre. C’est un de nos plus grands espoirs pour Paris. Sa mère contribue énormément pour pré-financer la carrière de son fils. Mais, elle nous aide aussi au niveau de la fédération. Récemment lors des qualifications, elle nous a pré-financé à hauteur de 5 millions FCFA. C’est une femme qui croit en son fils et en sa capacité de décrocher une médaille aux JO de 2024.
Il reste encore 4 ans mais les jeux olympiques de la jeunesse se préparent longtemps à l’avance. Où en êtes-vous au roller et skate ?
Nous avons déjà lancé notre programme de détection de nos représentants à ces Jeux prévus chez nous. Déceler des talents à encadrer. Il faut alors qu'au-delà du défi d’abriter cette grande compétition, réussir une belle participation en gagnant des médailles. Et les derniers championnats nationaux ont également permis d’affiner cette détection en direction de ces JOJ. On a bien avancé pour la constitution d’une liste de jeunes qui auront moins de 17 ans en 2026 pour représenter le Sénégal.
Avez-vous toujours des ambitions pour la présidence de la confédération africaine de roller après votre défaite en novembre 2021 face au président sortant Nathanaël Koty ?
Si j’y suis allée l’année dernière c’était pour jauger mes compétences et mon aura sur le continent. C’était ma première candidature. Les quatre ans à venir vont parfaitement défiler car les Africains savent ceux qui travaillent et ceux qui font semblant de travailler. S’ils me surnomment «Mama Africa», c’est parce que j’ai les capacités de conduire aux destinées de la discipline en Afrique. Ils savent tout ce que je pourrais apporter à la confédération de roller sports. J’ai déjà exposé ma politique avec notamment en point d’orgue l’organisation dans les prochaines années de la Coupe du monde de roller en Afrique. Précisément au Sénégal parce que le Sénégal domine cette discipline en Afrique. Et le Maroc ou l’Afrique du Sud pour le skateboard.
C’est ce que j’avais proposé dans mon programme. On doit prouver au reste du monde que nous sommes capables d’organiser des compétitions d’une telle envergure. L’organisation des JOJ Dakar 2026 permet au Sénégal de disposer d’infrastructures aux normes internationales pour abriter cette coupe du monde.
Ce serait quoi la suite dans ce processus de développement de la discipline ?
Continuer à massifier. Nous avons en effet beaucoup de licenciés, environ 2500. Il faut dire que même certains parents font partie de nos licenciés. C’est une aubaine d’abriter les Jeux olympiques de la jeunesse. La construction de Skateparks nous offre un plan de travail idéal. Tout ce que l’on a toujours réclamé en termes d’infrastructures pour la pratique de la discipline. Que toutes les autorités sportives contribuent à cela, surtout le nouveau ministre des Sports. On en profite pour lancer un appel au Président de recevoir l’équipe nationale de roller.
Par Moustapha M. SADIO