C’est dans le moule de Kossengwe Academy que Joël Embiid a été formé dans son Cameroun natal. Roger Dassi, l’un de ses deux premiers formateurs se souvient d’un gamin prédestiné à faire carrière dans le volleyball, mais qui, par détermination a forcé le destin pour devenir l’un des meilleurs basketteurs au monde. Cette nuit, le Camerounais va participer pour la 5e fois au All Star Game qui regroupe les plus grands joueurs de la plus grande ligue de basket du monde.
De notre correspondant au Cameroun
Roger Dassi, comment avez-vous détecté Joël Embiid ?
En 2011, lorsque j’évoluais en tant que joueur et entraîneur adjoint de Kossengwe Academy, mon collègue et entraîneur principal Guy Moudio a été contacté par un autre coach du nom de Joe Touomou. Il lui a parlé d’un enfant qui allait venir nous voir. Il a dit qu’il a vu ses photos et que c’est un garçon assez grand de taille. Les parents du petit voulaient qu’il joue au volleyball, mais son oncle basketteur qui vivait en Côte d’Ivoire les a convaincus de le laisser jouer au basketball. Trois mois après, ce garçon s’est pointé. C’était un Joël Embiid plutôt mince, mais nous avons été séduits par sa taille.
Je crois que cela a été le premier élément déclencheur. L’autre élément, c’est qu’il avait sur lui le maillot d’un joueur de NBA, Mike Bibby (ancien basketteur de la NBA). On l’a d’ailleurs surnommé "Bibby" à cette époque. Mais à son arrivée, il ne connaissait rien au basketball. Nous avons tout fait pour le mettre dans le moule avec le coach principal Guy Moudio. Je m’occupais des nouveaux, surtout les pivots, parce que c’est à ce poste que moi-aussi j’évoluais.
Comment s’est faite la formation de Joël Embiid ?
Le coach Moudjo et moi étions spécialement chargés de travailler avec Joël. On avait fait un programme et je devais rester travailler avec lui après les séances d’entraînement collectives. Progressivement, nous avons montré à Joël Embiid les bases du jeu. Il apprenait vite. Il avait plus de potentiels que les autres joueurs, mais il ne savait pas jouer. On a accéléré sa formation pour qu’il puisse intégrer l’équipe. On travaillait souvent jusque tard le soir. Son père venait lui donner à manger au terrain d’entraînement. Et lui, il faisait preuve d’une grande volonté.
Nous avions deux séances de travail quotidiennes de lundi à vendredi. Et cela a duré trois mois. Après cela, on a commencé à l’essayer dans des matchs à un tournoi de seniors à Nlongkak (un quartier populaire de Yaoundé, Ndlr.). A ses débuts, c’était difficile, mais il répétait tout ce qu’on faisait aux entraînements. Il était impressionnant, pour quelqu’un qui n’avait jamais pratiqué le basketball auparavant.
Never forget where you came from. My first @underarmour signature shoe tells the story of my Yaoundé 🇨🇲 "Origin." The #EmbiidOne is built for all 5 positions on ANY court. Hit link in bio to get yours. pic.twitter.com/5MVApzBvBM
— Joel “Troel” Embiid (@JoelEmbiid) September 18, 2020
Qu’est-ce qui a favorisé son évolution ?
Au bout d’un certain temps, le coach Moudio a téléchargé les vidéos d’un basketteur professionnel connu pour sa qualité de drible Hakeem Olajuwon, et il les a remises à Joël Embiid afin qu’il puisse copier sa façon de jouer. Il regardait ces vidéos chaque matin et chaque soir. Aux entraînements, on essayait de reproduire le contenu des vidéos. Il avait beaucoup d’ambition et voulait vraiment être le meilleur. Il arrivait à l’entraînement le premier. Lors des séances, il essayait de développer et faire progresser son jeu. C’était ça, sa force : l’envie de toujours améliorer son jeu.
En quelques mois, il est devenu fort au dunk, dans les rebonds et le bloc. Un jour, Luc Mbah à Mouté (un basketteur professionnel camerounais, Ndlr) qui avait déjà eu l’occasion de voir Joël à l’œuvre lors d’un camp d’entraînement à Yaoundé est venu à une de nos séances. Il a discuté avec le coach Moudio. Il avait vu le potentiel de Joël et voulait lui offrir une bourse pour les Etats-Unis d’Amérique. Nous l’avons dirigé vers les parents de Joël, ils ont discuté et c’est ainsi qu’Embiid a eu son ticket pour les Etats-Unis.
Quelle différence y a-t-il entre le Joël Embiid que vous avez formé et celui d’aujourd’hui ?
Je dirais que le lionceau a grandi. Il a gardé ses qualités. Dans sa manière de jouer, on voit très bien qu’il essaie toujours de répéter ce que nous avons fait durant sa formation, mais avec une plus grande maturité. Il a gardé ce que nous lui avons donné et il l’a perfectionné. Je suis content d’avoir contribué à sa formation. C’est une grande fierté pour le coach Moudio et moi d’avoir pris un enfant qui ne savait pas placer ses pieds, bouger les jambes, se déplacer dans le terrain et d’en avoir fait le meilleur pivot au monde.
La preuve qu’il fait partie des meilleurs, Joël Embiid va encore prendre part cette année, au All Star Game prévus dans la nuit de dimanche à lundi…
C’est tout à fait logique au regard de son immense talent. Nous ne sommes pas surpris en tout cas. Vous savez, nous regardons tous ses matchs. Aujourd’hui, quand le coach Moudio m’appelle, il me dit : "nous avons fait un travail incroyable, on doit en être fiers ; parce que Dieu saura nous récompenser". Quand je me repasse les images de son arrivée au club, ses débuts difficiles, les séances d’entraînement, les efforts qu’il a fournis… et ce qu’il est devenu aujourd’hui, je me dis que Joël Embiid est le meilleur joueur au monde.
Great win tonight #TheProcess pic.twitter.com/v2RkDZwqtZ
— Joel “Troel” Embiid (@JoelEmbiid) November 2, 2018
En tant qu'un de ses deux premiers entraîneurs au Cameroun, quelles sont vos attentes vis-à-vis de Joël Embiid ?
J’espère qu’il sera un jour champion de NBA. Je souhaite aussi qu’il se souvienne de l’endroit d’où il vient, qu’il se souvienne de son pays le Cameroun. Il y a d’autres jeunes qui arrivent après lui. Quand on a réussi dans le sport, on doit pouvoir tirer les autres. Il faut encourager les entraîneurs qui l’ont formé et leur accorder des facilités pour former d’autres enfants. Il faut qu’il contribue au développement du basketball dans notre pays.
Par Kigoum WANDJI
