L'ancien arbitre international camerounais, Alioum Sidi a marqué l’histoire de l’arbitrage africain avec cinq participations à une Coupe d’Afrique des Nations (CAN) seniors dont celle de 2019 où il a officié lors de l’ouverture et de la finale. Alors même qu’il aurait pu être recalé en raison de sa tension artérielle qui avait grimpé à 15 millimètres de mercure (mmHg), après un accident de la circulation dont il est sorti indemne. Dans cet entretien, le « Lion indomptable » du sifflet partage son expérience et des anecdotes croustillantes qui ont marqué sa carrière. Tout en s’inclinant devant le professionnalisme dont font preuve les arbitres qui participent en ce moment à la CAN ivoirienne.
Que représente une Coupe d’Afrique des Nations pour un arbitre ?
La Coupe d’Afrique des Nations est la plus grande et la plus prestigieuse des compétitions africaines. Comme pour chaque footballeur, officier à une CAN est un rêve pour tout arbitre de haut niveau. Seulement, il faut travailler pour gagner sa place dans une CAN, car ce n’est pas celui qui veut officier à la CAN qui ira à la CAN, mais celui qui peut. Il faut être prêt, aussi bien physiquement que moralement pour arbitrer des matchs de la Coupe d’Afrique.
Comment a été votre première fois d’officier à une CAN senior ?
La première fois que j’ai officié dans une Coupe d’Afrique seniors, c’était en 2012 lors de l’édition Gabon – Guinée Equatoriale. Mais avant cela, j’étais déjà présent à la CAN des moins de 17 ans au Rwanda en 2011, avant de participer à la Coupe du monde de la catégorie au Mexique, puis la CAN des moins de 23 ans au Maroc au cours de la même année (2011, Ndlr.). J’arrive donc en 2012 à la CAN seniors avec déjà une certaine expérience. Mais on n’est jamais assez prêt pour ce genre de compétition ; alors mes assistants et moi avions eu pratiquement quatre semaines de préparation sous forme de stage bloqué avec un préparateur physique et un coach technique. Je n’ai donc eu aucune difficulté à assurer mes fonctions au cours de cette CAN qui reste l’une des plus importantes de ma carrière ; puisque c’était ma première avec les sélections seniors du continent.
Pour le jeune arbitre que vous étiez, comment avez-vous affronté la pression qui revêt ce genre de compétition ?
C’est que, lorsque vous êtes retenu pour la première fois, pour participer à une compétition majeure comme la CAN senior, il y a des raisons de ressentir une certaine pression. Mais en ce qui me concerne, j’ai surmonté cette pression dès le départ. La pression était un peu présente lors du premier match que j’ai arbitré, mais une fois que j’ai réussi à faire ce match, elle a totalement disparu. La suite de la compétition s’est déroulée sans aucune difficulté.
Avez-vous une sorte de rituel à respecter avant les matchs ?
Effectivement ! Avant chaque match, je m’en remets toujours au bon Dieu. Mes assistants et moi prions toujours après avoir terminé la réunion d’avant-match. Nous demandons à Dieu de nous donner la lucidité et l’autorité nécessaires pour prendre de bonnes décisions sur le terrain.
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Quel est le plus beau souvenir que vous gardez des différentes CAN auxquelles vous avez participé ?
Au cours de ma carrière, j’ai participé en tant qu’arbitre, à cinq Coupes d’Afrique seniors. La plus belle édition à laquelle j’ai participé – et ça je ne vais jamais l’oublier – c’est celle de 2019 en Egypte où j’ai arbitré le match d’ouverture et la finale. C’était une consécration pour moi, une belle récompense pour toutes ces années de travail acharné et de professionnalisme. Si chaque arbitre rêve de participer à une CAN, diriger un match d’ouverture et une finale, est pareil que gagner le trophée de champion d’Afrique pour un footballeur.
Y a-t-il une anecdote que vous pouvez partager avec nous ?
J’en ai une et je dois dire qu’elle est assez particulière. En prélude à cette CAN 2019, j’ai pris mon véhicule à Yaoundé, pour rejoindre mon assistant Evariste Mekouande à Douala. Sur la route, j’ai fait un tonneau avec la voiture. Dieu merci, je n’ai même pas eu une écorchure. Ensuite, nous avons pris le vol de Douala pour le Caire en Egypte. Arrivés au Caire, nous sommes allés faire les tests médicaux et contre toute attente, il a été révélé que mon assistant et moi avions une tension très élevée. Je n’avais jamais eu une tension de 12 millimètres de mercure (mmHg), mais ce jour-là ma tension était à 15mmHg. Mon assistant aussi était à 15. Nous avons passé toute la journée à l’hôpital avec le directeur de développement de l’arbitrage africain. Nous avons fait un deuxième test, la tension était toujours à 15mmHg. C’est à la troisième prise que notre tension est redescendue à 13mmHg. C’est ainsi que nous avons pu démarrer la compétition. On aurait pu manquer cette CAN, mais heureusement, tout est rentré dans l’ordre.
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La Côte d’Ivoire abrite la 34e CAN de football. Rendu à la fin de la phase de groupes, comment jugez-vous le niveau de l’arbitrage ?
Je tire un coup de chapeau à tous les arbitres qui participent en ce moment à la CAN en Côte d’Ivoire. Franchement, je les félicite pour leur professionnalisme. Jusqu’ici, tout se déroule dans de bonnes conditions. Il y a beaucoup de jeunes arbitres dans cette compétition. Ils se démarquent par leur sérieux sur le terrain. Nous n'avons encore relevé aucune polémique autour de l’arbitrage et ça, c’est un très bon point pour une compétition de cette envergure. Nous prions pour qu’il en soit ainsi jusqu’à la fin.
Que pensez-vous de l’introduction de la VAR dans les matchs de la CAN ?
Avant l’arrivée de la VAR, les arbitres étaient un peu livrés à eux-mêmes. On dirigeait les matchs et il n’y avait que notre sifflet pour prendre une décision. Les arbitres sur le terrain n’avaient qu’un choix à faire, et il fallait que ce soit le plus objectif possible. Ça nous demandait un certain temps d’appréciation mais surtout un niveau de concentration élevé. Il fallait être capable de voir tout ce qu’il se passe sur le terrain au même moment. Parce que, lorsque la décision a été prise, on ne pouvait pas revenir en arrière. C’est à la fin du match, lorsqu’on revoit la vidéo qu’on sait si on s’est trompé sur telle ou telle autre décision. Et à la fin, tu te rends compte que tu as cassé toute une nation en refusant ou en acceptant un but logique, ou encore en sifflant un penalty qui n’aurait pas dû être sifflé. La conséquence, c’est que le joueur et le public s’en sont souvent pris aux arbitres au terme de tels matchs. Maintenant, c’est différent. Avec la VAR, même le téléspectateur peut apprécier la décision de l’arbitre. Tout le monde voit la vérité. Depuis l’arrivée de la VAR, les arbitres n’ont plus de problèmes. Je remercie grandement la FIFA pour cette innovation.
Arthur Wandji