Julien Mette, l’ancien sélectionneur français de Djibouti (2019-2021) a suivi la Coupe d’Afrique des Nations 2021 pour RMC. Il dresse pour Sport News Africa son bilan de la compétition remportée par le Sénégal.
Le sacre du Sénégal, le premier de son histoire, vous semble-t-il mérité ?
Le parcours du Sénégal s’est fait en deux temps. Il y a d’abord eu un premier tour très difficile. Si Mané ne transforme pas le penalty lors du temps additionnel contre le Zimbabwe (1-0), il ne se serait probablement pas qualifié. Il a eu de la réussite contre la Guinée (0-0) et le Malawi (0-0), à qui on a refusé un penalty qui lui avait pourtant été accordé. Lors des matches de groupes, les planètes étaient alignées, il a eu une certaine réussite mais par la suite, le Sénégal a montré beaucoup plus de choses dans le jeu. Je pense notamment à son match en demi-finale face au Burkina Faso (3-1), une très bonne équipe par ailleurs. Sur le papier, le Sénégal disposait d’un des deux ou trois meilleurs effectifs de la CAN. Il n’a pas toujours bien joué, mais il a haussé son niveau et sa victoire est assez logique, même si d’autres équipes ont également montré un profil intéressant.
Auxquelles pensez-vous plus particulièrement ?
J’ai bien aimé le Cameroun, qui a marqué 14 buts et pratiqué un football offensif avec le souci d’avoir la possession du ballon. Le Burkina Faso m’a fait une très bonne impression. C’est une équipe offensive, à qui il a manqué un peu d’expérience, mais c’est une sélection en devenir. Le Maroc et le Nigeria également ont fait de bons matches. Le Nigeria a été pour moi la meilleure équipe du premier tour. Au niveau des surprises, la Gambie et les Comores ont réalisé un très bon parcours. Les Gambiens viennent de loin. Ils avaient éliminé Djibouti, que j’entraînais alors, au tour préliminaire des qualifications. Les Comoriens ont apporté une certaine fraicheur, cela prouve qu’ils ont bien travaillé depuis qu’Amir Abdou est aux commandes.
Quelles sont les principales déceptions ?
J’aurais aimé que la Côte d’Ivoire, qui disposait avec Haller, Zaha, Gradel, Pépé notamment, d’un secteur offensif de très grande qualité, montre plus de choses. L‘Algérie, bien sûr, reste la grande déception de cette CAN. Personne ne s’attendait à ce qu’elle soit éliminée dès le premier tour. Quant à l’Egypte, elle a un jeu qui lui est propre et qui a bien fonctionné, au moins jusqu’à la finale. Elle a beaucoup misé sur Salah, qui a parfois été en difficulté, car il ne joue pas dans le même système qu’à Liverpool. Ce n’est pas un football très spectaculaire, mais il fonctionne.
Parmi les joueurs qui ont participé à cette CAN, lesquels vous ont fait la meilleure impression ?
Mané mérite son titre de meilleur joueur de la CAN. Il a été décisif à plusieurs reprises et très influent. Parmi ses coéquipiers, j’ai beaucoup apprécié les performances d’Edouard Mendy, Saliou Ciss, Kalidou Koulibaly et Abdou Diallo, et de Nampalys Mendy. Le gardien égyptien Gabaski a fait une très belle compétition. Côté camerounais, Vincent Aboubakar m’a impressionné. Marquer 8 buts lors d’une phase finale, c’est quelque chose d’assez extraordinaire. Collins Faï et Karl Toko Ekambi ont également réussi leur tournoi. J’ai bien aimé le Gambien Musa Barrow, le Nigérian Ndidi, les Marocains Achraf Hakimi et Sofiane Boufal, plusieurs joueurs du Burkina Faso dont Sangaré, Blati Touré ou le jeune Edmond Tapsoba.
Qu’avez-vous pensé du niveau de jeu général ?
C’était très inégal. Le format à 24 équipes, qui permet de qualifier les quatre meilleurs troisièmes, permet à des équipes de ne pas trop se livrer lors des deux premiers matches. Les matches joués à 14 heures, en pleine chaleur et avec un taux d’humidité élevé, ne favorisent pas le beau jeu. Il y a eu des rencontres très décevantes, assez peu de buts marqués. Cette CAN a été une des moins prolifiques depuis 20 ans. Il y a eu des matches de bonne qualité, c’est vrai, mais d’autres, surtout au premier tour, m’ont vraiment laissé sur ma faim…
Alexis BILLEBAULT