Le succès de la CAN 2023 organisé par la Côte d’Ivoire n'a pas réglé les problèmes de salaires impayés dans le championnat ivoirien de Ligue 1. Les clubs et les joueurs sont à la peine.
La CAN 2023 s'est achevée sur une note positive avec les éloges du monde entier et le sacre du pays hôte, la Côte d’Ivoire. Pourtant, tout n'est pas rose au pays des champions d'Afrique 2023. Après les footballeuses qui se sont récemment indignées de leurs conditions de vie, c'est au tour des hommes de donner un coup de burin dans le paysage du football ivoirien. Depuis plus d'une semaine, une crise secoue le grand club de l'Est de la Côte d’Ivoire, ASI Abengourou, pensionnaire de la Ligue 1.
Les joueurs et l'encadrement technique réclament plusieurs mois de salaires impayés. Pour cela, ils ont refusé pendant des jours de s'entraîner. Les dirigeants ont nié jusqu'à ce que la presse locale et les réseaux sociaux s'en emparent après dénonciation de plusieurs footballeurs. Avant leur match de la 17e journée de Ligue 1, le 2 mars 2024, les athlètes ont décidé de ne pas se présenter au Parc des Sports de Treichville pour affronter l'AS Denguélé. Pour calmer tous les esprits, le président Adou Bernard N'Gouan a annoncé avoir réglé en partie les salaires tout en promettant de gérer le reste incessamment.
« Faut dire qu'au niveau des salaires, tout ce qui a été entendu sur les réseaux n’est pas juste. On ne doit pas cinq ou six mois à quelqu'un. On nous a traités de personnes qui ne paient pas le salaire des joueurs, tout ceci n’était pas juste. Cela était un peu méchant de la part de certaines personnes qui voulaient nous mettre à dos et nos joueurs et nos supporters. Il faut reconnaître que les salaires ont été virés au niveau des différentes banques respectives. Mais c’est vrai il y a du retard pour certains par rapport à d’autres.», avait indiqué le 1er mars 2024, le président de l'ASI Abengourou, en recevant les joueurs pour désamorcer la bombe. Sauf que le 2 mars 2024, alors qu'ils devaient reprendre la compétition, les joueurs et le coach ont encore manifesté.
Cette fois, c'est le coach qui a donné le ton. En effet, il n'était pas présent lors du conclave avec les joueurs. Il n'a pas apprécié cette situation. Il les a donc laissés à eux-mêmes sur la pelouse du Parc des Sports face au Denguélé (1-1). Dès le coup d'envoi, il a quitté le stade avant de donner sa part de vérité au micro de Sport News Africa. Les joueurs, eux, ont disputé l'intégralité de la rencontre.
« J'assume. C'est une manière pour moi de dénoncer le manque de respect aux entraîneurs par les clubs. Les dirigeants ont rencontré les joueurs pour me dénigrer, alors que je revendique mes droits, le club me doit 5 mois de salaire car le mois de février est terminé. Six (6) mois à l’entraîneur des gardiens et 4 mois à mon adjointe n’ont non plus été payés. La semaine dernière, on m'a demandé de reprendre les entraînements mais rien n'a évolué. On me raconte la même chose, qu'il y a un problème sur l'ordre de virement d'une personne et que c'est ce qui bloque. C'est un argument qui ne passe pas. Ils ont dit hier (le 1er mars 2024, Ndlr) aux joueurs que si je ne fais pas le match, je serai limogé. Alors j'attends ma lettre de limogeage et on me payera mes arriérés. La fédération est informée. », a fustigé le technicien ivoirien, Oussou Israël.
La dette globale de l'ASI d'Abengourou vis-à-vis de ses athlètes et de son encadrement technique, transmise à la FIF, s'élève jusque-là à 46.158 euros, soit 14.253 pour les encadreurs et 31.905 euros en ce qui concerne les joueurs qui englobe les salaires, les primes de matches et primes à la signature.
«A ce jour, on leur (aux joueurs et staff, Ndlr) doit à eux tous le salaire du mois de Janvier 2024 et celui du mois de Février qui vient de finir. », a fini par reconnaître Diomandé Lanciné, président délégué, qui a promis que tout rentrerait dans l'ordre dans le courant du mois de mars 2024.
Pointés du doigt dans ce méli-mélo, les présidents de clubs accusent. Pour beaucoup, les problèmes de salaires ou primes qu'ils rencontrent sont dus au blocage de leur subvention. «Quand un club ne nous dépose pas ses états financiers à la fin du mois, on ne lui donne pas son chèque », tranche Armand Gohourou, directeur exécutif de la Fédération.
Cela a le don de mettre les clubs hors d'eux. «Il faut que la Fédération sache que la subvention est un dû. On ne doit pas courir après. C'est du spectacle que les clubs produisent, ils ont donc droit à l'argent des droits télé sans balise. », peste un président qui n'a pas voulu être cité. « Nos chèques des mois de Janvier et Février sont encore à la FIF et on ne les a pas encore récupérés. Vous pouvez appeler la FIF pour vérifier », assure Diomandé Lanciné pour justifier les problèmes que rencontre l'ASI Abengourou.
Dans cette grisaille, l'Union des footballeurs professionnels de Côte d'Ivoire (Ufpci) a décidé de donner de la voix. «En tant qu'association de défense des droits des joueurs, nous suivons le problème de près. Le président de l'ASI a déjà été convoqué au tribunal du travail à Abidjan. Mais nous devons le faire à Abengourou. C'est un homme politique qui se croit intouchable. Nous veillons à ce que les contrats entre les joueurs et les clubs soient respectés et nous ferons en sorte de garder notre ligne. Au-delà, nous organisons des séminaires de formation, comme nous en avons fait durant la CAN 2023 avec des ex-gloires du football européen comme Djibril Cissé, français d'origine ivoirienne, et montons des projets pour la reconversion de nos membres.», nous a expliqué Zoro Marc, patron de l'Ufpci.
Sanh Séverin
