Mickael Pote est revenu sur l'élimination des Guépards de la Coupe d'Afrique des Nations 2023 dès la phase des qualifications. L'attaquant du Magusa Türk Gücü en première division de Chypre du nord a levé un coin de voile sur sa non-sélection depuis juin 2022 et ses dernières sorties avant de proposer des pistes de solutions pour sortir l'équipe nationale de l'ornière.
Mickael Pote, le Bénin n'a pas réussi à se qualifier pour la CAN 2023, comment analysez-vous cette élimination ?
Mickael Pote : L'élimination ne se jouait pas que sur le dernier match. Ça part de beaucoup plus tôt notamment le match aller contre le Mozambique à domicile (0-1) et après la défaite au Sénégal (3-1). Donc, pour moi, elle est malheureusement logique parce que ça aurait été miraculeux de se qualifier au dernier match. C'est mon avis. Et le miracle n'existe pas dans le foot. Aujourd'hui, je trouve qu'on est un peu trop livrés à nous-mêmes. Pour la sélection, chacun fait ce qu'il veut. Nos dirigeants ne nous consultent pas. On ne demande l'avis de personne et je trouve que c'est une grosse erreur. J'espère qu'avec ça, on va penser autrement et mettre un peu notre ego de côté, accepter les défaites pour essayer de repartir correctement à zéro.
Quels sont les grands enseignements de l'échec des Guépards après avoir manqué la CAN 2021 et la Coupe du Monde 2022 ?
Mickael Pote : Je pense que pour l'instant, on n'a pas encore compris. On a tellement un beau potentiel et c'est tellement frustrant et énervant de voir comment on gâche certaines opportunités par manque de lucidité ou d'humilité. Quand on commence un peu à parler, on commence à s'écarter petit à petit. Sur ça, je ne suis malheureusement pas surpris. Après, on n'est pas encore une grande nation de foot. Ce ne sont pas les moyens, les joueurs ou les structures qui manquent, mais c'est plutôt les bonnes personnes qui vont choisir les bonnes personnes. La dernière campagne en 2019, on était unis, dirigeants, joueurs, staff, tout le monde. Quand on va tous dans le même sens, on est inarrêtable.
Comment appréciez-vous le rajeunissement et le projet de reconstruction de l'équipe du nouveau sélectionneur ?
C'est une nouvelle génération qui arrive. Quand on passe la main, il faut faire d'une certaine manière entre les plus anciens et les plus jeunes. Rajeunissement ? C'est la suite logique. Qui dit reconstruction, dit du temps, de la patience et ne pas se fixer des objectifs ni trop hauts ni trop bas, il faut être dans une certaine logique de continuité.
Le Bénin dans le groupe C des éliminatoires de la Coupe du monde en compagnie du Nigeria, l'Afrique du Sud, du Zimbabwe, du Rwanda, et du Lesotho. La qualification est-elle possible ?
C'est un groupe très compliqué. Mais voilà, il y a une reconstruction à faire. Il faut déjà accepter notre niveau, la situation et les choses se feront naturellement. Je pense que voilà, pour cette prochaine Coupe du Monde, c'est très intéressant parce que c'est contre les grandes équipes qu'on apprend, qu'on évolue. On a besoin d'évoluer. Et ces dernières campagnes non qualifiées, ça va nous donner cette envie, cette rage de vouloir à chaque fois mieux faire. Et ça va prendre le temps de faire les choses étape par étape.
Gernot Rohr a déjà fait trois sélections depuis qu'il est à la tête de l'équipe février 2023, la dernière début septembre. Comment vit-on la non-sélection ?
J'ai toujours répondu présent et j'ai toujours cette envie de porter le maillot béninois. Si ça n'a pas été le cas ces derniers temps, ce n'est pas grave. C'est le choix du sélectionneur que je respecte. Maintenant, moi, non-sélectionné, d'autres diront que oui, je joue peut-être dans un prétendu petit championnat. Donc, à partir du moment où l'entraîneur estime que tous les 25 Béninois choisis sont les meilleurs joueurs du moment, bien. Mais quand j'ai appris que certains joueurs n'avaient pas de club je me posais cette question-là : Comment aller à la guerre si, justement, on n'est pas compétitif ? J'ai eu un discours, j'ai échangé avec le staff et le sélectionneur. Donc, c'est pour ça que je me suis permis de dire que c'est un manque de respect, de considération. J'étais derrière la télé et surtout que j'avais la nationalité ivoirienne également j'avais vraiment une envie immense de venir, que ce soit en tant que joueur, spectateur, dans le staff ou autre.
Dans cette situation, est-ce qu'on songe à une retraite internationale ou même une reconversion ?
Heureusement ou malheureusement on va y penser. Mais bon, pour l'instant, tant que je suis en activité, j'estime que je n'ai pas à dire que je vais arrêter. Même si on sait qu'on tire plus vers la fin que le début, je ne suis pas dupe. Pour l'instant, je ne dis rien, je continue. C'est ma logique. Je ne sais pas pourquoi d'autres seront pressés que je l'annonce. Tant qu'on est en activité, pour moi, on est tout le temps sélectionnable. Le jour où j'arrêterai ma carrière, automatiquement, j'arrêterai l'équipe nationale. Si l'année prochaine je joue ou j'arrête, ce qui serait logique, c'est que j'arrête les deux. Maintenant, je travaille à côté mon après foot. Ça, c'est plus personnel. Les choses se feront naturellement.
Quelle appréciation faites-vous du championnat professionnel du Bénin ?
Le championnat, j'ai bien aimé l'idée, comment ça s'est fait. Bien sûr, il y a toujours des choses à régler pour finir, mais dans l'esprit, c'est pas mal. Par exemple, je sais qu'il y a des qualifications par zone. A l'ancienne école, j'aurais préféré un format un peu plus simple. Une Ligue 1, Ligue 2 et Ligue 3. Je suis un peu plus dans cette optique-là. Je vois que les stades sont pleins. Après, il faut vraiment aller chercher des personnes qui s'y connaissent et former aussi nos personnes qui sont là, nos frères qui sont sur place pour augmenter la qualité. Après il y a toujours des retards à décider et malheureusement des fois, ce sont les joueurs qui subissent, ils se préparent et attendent un championnat qui ne démarre pas.
Votre Académie Pote Joseph a fermé ses portes depuis peu. Qu'est-ce qui s'est passé ?
Je ne voulais pas qu'on parle de mon académie de la façon ça se passait suite à des défaites, des non-qualifications. Mais bon, en même temps, je peux comprendre. Il y a eu le Covid aussi qui m'a beaucoup freiné. N'étant pas sur place j'avais une équipe, mais des fois c'est un peu compliqué. A part la subvention (du ministère des sports, ndlr) qu'ils donnent chaque année au centre, je n'ai pas vu grand monde venir à l'académie pour nous donner un petit coup de pouce. Ce qui s'est passé, c'est que j'ai senti qu'au bout d'un moment, j'étais trop livré à moi-même et c'était compliqué. J'ai une vie de joueur professionnel et une famille à gérer. L'académie va bientôt rouvrir ses portes Mais je fais ça en sous-marin. J'ai compris que je devais me débrouiller seul.
Le mot de la fin de Michael Pote ?
J'apporterai tout le temps mon soutien au Bénin. Je serai toujours disponible si on a besoin de moi sur le terrain ou en dehors du terrain, ça fait rire certains, mais c'est une réalité. Aujourd'hui, on est dans une période un peu plus difficile, ça fait partie du football. J'espère qu'on saura comment faire pour justement revenir et retrouver ces belles années du passé.
Rachidi DOSSA