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Au Cameroun, l’opinion publique est à couteaux tirés autour d’André Onana. En toile de fond : un différend tenace avec son ancien mentor, Samuel Eto’o, aujourd’hui président de la Fédération camerounaise de football, et dont l’aura autrefois fédératrice se trouve elle aussi contestée. Idole pour certains, cible pour d’autres, le gardien de Manchester United divise. Dans un pays où le football, jadis ciment de l’unité nationale, est devenu le reflet d’une société fracturée et polarisée, l’historien du football Claude Kana décrypte une controverse symptomatique d’un malaise plus profond.
Au Cameroun, deux camps s’opposent lorsqu’il faut parler des performances du gardien André Onana. Il y a ceux qui le soutiennent peu importe le résultat, et ceux qui le critiquent même en temps de victoire et de performances solides. Comment expliquer qu’il puisse aujourd’hui susciter autant de rejet dans son propre pays ?
Si l’on se situe seulement sur le champ sportif, il y a des chances qu’on fasse une interprétation erronée. Le climat politique au Cameroun est actuellement très tendu. Les Camerounais n’arrivent plus à se mettre d’accord sur quoi que ce soit. Le football, symbole d’unité nationale, qui était jusque-là le seul bastion, a été aussi happé par cette mouvance. Les frustrations politiques rejaillissent sur toutes les prises de position, qui ne se limitent pas à une simple analyse des faits, mais marquent un positionnement, ce qui est regrettable. Jusque-là, tous les Camerounais qui portaient haut le drapeau national à l’étranger étaient soutenus par tous. Aujourd’hui, aux yeux du monde, on offre un spectacle hideux. À l’occasion du match des quarts de finale de l’Europa League Lyon-Manchester United, André Onana a été attaqué par les médias et les supporters lyonnais. Ce fut triste de voir les Camerounais se joindre à eux. Je pense qu’il est urgent de se ressaisir, mais je doute fort que cela arrive sans les changements politiques.
Sur la toile, certains pourfendeurs d’André Onana se plaisent à se présenter comme des « Églisiens », un groupe de supporters du président de la Fécafoot Samuel Eto’o, son ancien mentor avec qui on lui reproche d’être en froid depuis plus de deux ans. En fin de compte, les Camerounais doivent-ils attendre de leurs footballeurs qu’ils soient uniquement performants sur le terrain, ou aussi dociles vis-à-vis des figures tutélaires comme Eto’o ?
Samuel Eto’o a joué au Real Madrid, au FC Barcelone, à l’Inter de Milan, à Chelsea. Il a remporté de nombreux titres collectifs et individuels, en étant déterminant chaque fois. C’est le footballeur africain le plus titré. À ce titre, qu’on l’aime ou qu’on le déteste, on ne peut pas nier ce qu’il a réalisé. André Onana, quant à lui, a été formé au FC Barcelone. Il a joué à l’Ajax d’Amsterdam, à l’Inter de Milan et actuellement à Manchester United. Quoi qu’on en pense, il fait son bonhomme de chemin, et sa carrière est exceptionnelle. D’où est venue l’idée de comparer et d’opposer deux grandes figures de l’histoire du football camerounais ? Comparer, c’est discriminer. Qu’est-ce qui nous oblige à opérer un choix entre les deux ? Samuel Eto’o a été déterminant dans le début de carrière d’André Onana, c’est un fait. Si les deux sont en froid, Samuel Eto’o a-t-il besoin de cette horde d’avocats qui sont en fait des pyromanes ? Si Samuel et André ont un problème, ils s’assoient et le règlent. Ou pas ! On reproche à André Onana son caractère, qui est le leitmotiv des grands joueurs, et qui a amené Samuel Eto’o lui-même au sommet de sa discipline.
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Cette posture traduit-elle une simple passion de supporters ou relève-t-elle d’un phénomène plus large de radicalisation dans les prises de position autour du football au point d’éclipser l’intérêt national ?
Si l’on considère cette posture comme une simple passion de supporters, alors on fait une analyse parcellaire. On peut citer à l’infini des noms de personnalités du monde du sport qui ont été attaquées depuis quatre ans, à tort ou à raison (je ne fais aucun jugement péremptoire parce que les raisons étaient multiples), par une horde de radicalisés : Yannick Noah, Joseph Antoine Bell, Narcisse Mouelle Kombi, Geremi Njitap Fotso, Général Pierre Semengué, Joseph Feutcheu, Gilbert Kadji, Alexandre Song, Achille Emana, Pierre Womé, Guibaï Gatama, Abdourahmane Baba, Faustin Domkeu, Jalla Quann, Justin Tagouh, Parfait Siki, Benjamin Banlock, Alioum Sidi, Jérôme Max Komé, Nséké Adolphe, Owona Gaspard, François Omam-Biyik, Marc Brys… Loin de moi l’intention de généraliser, de jouer les avocats pour qui que ce soit, mais c’est une preuve de la radicalisation qui a cours autour du football camerounais, mais qui s’est aussi emparée de la société entière en général. L’intérêt national n’intéresse plus personne.
D’ailleurs, malgré ses échecs répétitifs à la tête des sélections nationales, on a entendu beaucoup de Camerounais réclamer une prolongation de Rigobert Song à l’issue de la prestation calamiteuse à la CAN en Côte d’Ivoire. On a aussi entendu des Camerounais réclamer le départ de Marc Brys, malgré la qualification pour la prochaine CAN, pour incompatibilité d’humeur. J’ai condamné fermement l’interview accordée au journal belge, dans laquelle il s’attaquait au président de la Fécafoot. Mais une fois que c’est fait, le plus important reste de savoir s’il apporte des résultats positifs aux Lions Indomptables, parce que c’est pour cela qu’il a été recruté.
André Onana est applaudi en Europe, salué pour ses actions humanitaires, mais hué chez lui. Cette contradiction est-elle typiquement camerounaise ?
Je ne sais pas si elle est typiquement camerounaise. Je ne pense d’ailleurs pas, car des idiots, il en existe partout. Mais ce qui est inquiétant et même effrayant, c’est le grand nombre de personnes qui ne sont plus capables de prendre un peu de recul, et de faire un jugement non biaisé. Je ne suis pas un fan d’Onana. Dans la lignée des grands gardiens camerounais, je le place d’ailleurs après Thomas Nkono, Joseph Antoine Bell, Alioum Boukar, Jean Atangana Ottou. Mais on doit être honnête et reconnaître que passer par le FC Barcelone, l’Ajax d’Amsterdam, l’Inter de Milan et Manchester United ne saurait être le fait du hasard. Il a des qualités indéniables qui l’ont placé dans la liste du Ballon d’Or il y a un an. En dehors des stades, il réalise pas mal d’actions humanitaires. C’est vraiment dommage qu’il y ait autant de Camerounais qui le prennent en grippe. Il n’est pas parfait, Onana. L’autre grille de lecture serait ses relations au sein du sérail, qui auraient le don d’agacer certains. Mais je préfère me pencher plus du côté sportif, Samuel Eto’o et André étant du même bord politique. Mais il est temps qu’on lâche un peu ce garçon que beaucoup de pays nous envient.
À travers André Onana, n’assiste-t-on pas à une crise plus large : celle d’un pays qui peine à concilier les nouvelles figures émergentes avec l’héritage des anciens “dieux” du football ?
Comme je l’ai dit plus haut, le football camerounais est à l’image de la société camerounaise : fracturé, inconciliable. Le football ne saurait être un îlot sacré dans un pays rongé par la misère, le tribalisme, l’aigreur, la haine, la perte des valeurs. Nous vivons un moment terrible. Notre société est malade.
De mémoire d’historien, le football camerounais a-t-il connu d’autres figures aussi clivantes qu’André Onana ?
La réponse est clairement non. Le footballeur le plus clivant de son époque était Joseph Antoine Bell, mais pas pour les mêmes raisons. L’ex-capitaine de l’Olympique de Marseille avait ce que les mauvaises langues appelaient « la grande gueule ». Il n’avait pas sa langue dans sa poche et n’hésitait pas à porter des critiques acerbes sur le management du football camerounais et de l’équipe nationale. Cela lui a valu des inimitiés. Mais on était très, très loin de ce qui se passe aujourd’hui. Aujourd’hui, ça tire à balles réelles. Les attaques sont sous-tendues par la haine.
Le pardon ou la réconciliation entre Eto’o et Onana est-elle encore possible ? Ou bien les Camerounais ont-ils besoin de “choisir un camp” dans cette affaire ?
Évidemment que la réconciliation entre Samuel Eto’o et André Onana est possible. À ma connaissance, je ne connais pas de faits qui la rendraient impossible. D’ailleurs, les pyromanes dont je parlais plus haut sont toujours plus radicaux que les vrais acteurs. Ils sont agressifs et intransigeants. Ce sont des avocats commis d’office que personne n’a mandatés. Sur les réseaux sociaux, ils s’en prennent à tous ceux qui essaient de rester neutres et somment chacun de choisir son camp, ce qui est une absurdité. Il ne me semble pas qu’on soit dans une guerre. Pourquoi les Camerounais devraient-ils choisir entre deux enfants de la République ? On peut critiquer l’un et l’autre sans avoir de la haine pour aucun des deux.