Le 21 août dernier, Walid Boudhiaf est entré un peu plus dans la légende lors du championnat du monde d’apnée organisé par l’Association internationale pour le développement de l’apnée (AIDA). Le Tunisien a remporté la médaille d’or en réalisant une distance de 116 m en plongée libre en 3 minutes et 54 secondes. L’apnéiste a marqué les esprits et conquis le public à l’Ile de Roatàn, en Honduras. Depuis la Colombie où il s’entraine, le recordman mondial en poids variable a accordé un entretien à Sport News Africa sans langue de bois. Sa joie, ses objectifs, sa passion pour l’élément liquide et le manque de soutien du gouvernement tunisien, il s’est livré.
De notre correspondant en Tunisie
SNA : Walid Boudhiaf, vous avez remporté le championnat du monde d’apnée avec une distance de 116 m en immersion libre en 3 mn 54 s. Qu’est-ce que cette consécration représente pour vous ?
Walid Boudhiaf : Ce titre représente l’aboutissement d’un rêve. Cela faisait plusieurs années que je recherchais ce titre. Décrocher une médaille d’or dans les championnats du monde, c’est quelque d’assez difficile. Je ressens une grande satisfaction pour avoir pu finalement réaliser cet objectif. J’ai pu réaliser ce rêve.
Comment s’était passée votre préparation ?
La préparation était un peu difficile au début pour des raisons diverses mais surtout climatiques. Le spot où on s’entrainait sur l’Ile de Roatàn en Honduras, avait eu beaucoup de courants. Les conditions étaient très difficiles en mer. Et pour ce genre de performances, cela représente un obstacle majeur. Pour des raisons de sécurité, on peut difficilement plonger aussi profond en présence de courants. Donc, j’ai eu beaucoup de retard sur ma préparation. Heureusement, vers la fin juillet – début août, les conditions se sont améliorées. Et j’ai pu retrouver mon rythme et enchainer depuis ce moment-là.
Quel était votre objectif avant ce championnat du monde en Honduras ?
Mon objectif pour ce championnat du monde était la médaille d’or. Je voulais être sur le podium mais en particulier avoir la médaille d’or. Durant les entrainements, j’ai réalisé que j’avais de grandes chances d’obtenir la médaille d’or. Finalement, dans ce sport, il y a peu de surprises. On sait ce que les autres athlètes sont capables de réaliser. J’ai eu l’opportunité d’annoncer une profondeur assez importante qui me permettrait de décrocher la médaille d’or.
Vous avez déjà battu le record du monde en poids variable, d’ici combien de temps pensez-vous pouvoir battre le record mondial en plongée libre qui est de 119 m ?
Effectivement je détiens le record du monde en poids variable qui est de 150m. C’est un record qui est toujours d’actualité aujourd’hui. Je cherche les records du monde dans les épreuves classiques de l’apnée qui sont le poids constant et l’immersion libre. Cela demande beaucoup de travail et d’investissements et de sacrifices. C’est pourquoi je m’entraine toute l’année. Je n’ai pas arrêté. Là, je reprends les entrainements. Pour l’année prochaine, j’ai cet objectif en tête. Je vais me préparer assez fortement pour l’obtenir. La compétition la plus importante de l’année 2023 sera la Vertical Blue aux Bahamas. J’espère qu’elle sera organisée.
Il y a beaucoup de challenges pour la saison à venir. Le monde de l’apnée est extrêmement compétitif. Les autres apnéistes s’entrainent très fort. Ils ont un niveau exceptionnel. Pour pouvoir se démarquer, il faut travailler plus. Il y a beaucoup de sacrifices à faire. Je vais me préparer pour les championnats du monde de l’année prochaine. Là tout de suite, on aura les championnats du monde CMAS (Confédération mondiale des activités subaquatiques) en Turquie pour le mois d’octobre. Et d’ici un an, nous aurons les autres championnats du monde.
Qu’est-ce qui vous a motivé à faire de l’apnée ?
Ce qui m’a motivé à faire de l’apnée c’est une grande passion pour la mer, pour l’élément liquide depuis mon plus jeune âge. J’ai appris à nager à l’âge de 5 ans. Je me suis mis à la chasse sous-marine à l’âge de 12 ans en Tunisie. Nous avons une grande affinité et une forte culture de la mer méditerranéenne. C’est quelque chose qui m’a accompagné depuis tout petit.
La vie est un peu compliquée parfois. Il y a eu beaucoup de détours. Je n’étais pas préparé à être un athlète de haut niveau. J’ai réalisé mes études. J’ai eu un cursus classique. J’ai fait des études en informatique en Tunisie. J’ai terminé mes études dans le sud de Marseille. Finalement, l’appel de la mer était plus fort après plusieurs aventures dans différents pays. C’est en Amérique du sud que j’ai découvert l’apnée de haut niveau. J’ai trouvé le temps et les moyens de m’y consacrer. Petit à petit, la passion est devenue plus forte. J’ai décidé de tout laisser pour m’y consacrer complétement et dédier mes énergies et les ressources pour atteindre mes objectifs.
Selon vous que faut-il faire pour vulgariser la discipline en Tunisie ?
L’apnée est une activité qui est liée au patrimoine et à la culture de la Tunisie. Les Tunisiens sont très liés à l’environnement marin. Je pense que la vulgarisation de ce sport n’est pas compliquée. Les gens sont très passionnés par toutes les activités liées à la mer et en particulier l’apnée. D’ailleurs, je reçois une quantité de messages de personnes qui sont passionnées et qui m’encouragent à aller de l’avant. Certains voudraient s’entrainer et participer à certaines compétitions. Il n’y a pas d’âge pour pratiquer l’apnée.
C’est aussi une activité qui a des bénéfices au niveau physique et mental. On utilise énormément l’exercice respiratoire dans ce sport. Ce qui manque vraiment c’est la volonté de la part de l’Etat pour engager et aider dans ce sens au lieu de mettre des barrières. L’apnée n’est pas du tout encouragée en ce moment même au niveau élite il reste beaucoup à faire. On espère que ce sport puisse atteindre le niveau qu’il mérite et que la Tunisie puisse se démarquer. Qu’au niveau du gouvernement et du ministère qu’il puisse y avoir un peu plus de conscience à ce niveau-là.
Vous êtes l’un des meilleurs apnéistes du monde. Est-ce que les autorités tunisiennes vous soutiennent ?
Je ne reçois pas de soutien de la part du ministère des Sports ni du gouvernement tunisien. L’année dernière, on m’avait fait des promesses par rapport à ma participation à des événements importants. On m’a poussé à y participer. Je devais recevoir ou être remboursé après les compétitions. Mais cela n’a pas été fait. J’ai tout investi moi-même.
Par Ablaye DIALLO