Parmi les pays les plus titrés du basket masculin avec 5 titres, à égalité avec l’Égypte (5), derrière l’Angola (11), le Sénégal, a perdu de sa superbe et court après un 6ème trophée continental depuis 1997. Les Lions du basket viennent d’être éliminés de la prochaine Coupe du monde et se contenteront de disputer les tournois de qualification olympique en août prochain.
Les résultats du basket sénégalais sont très loin des attentes et du potentiel existant. Les raisons de ces échecs répétés sont nombreuses : instabilité sur le banc, rajeunissement de l’équipe, absence de politique au niveau de la petite catégorie, entre autres… Cependant, il y a une lueur d’espoir de remporter l’Afrobasket 2025 avec la montée en puissance des jeunes dans l’équipe.
Qualifié au Mondial 2014 et 2019, le Sénégal ne va pas enchainer une 3ème qualification. Les Lions ont été sortis en février dernier lors de la 5ème et dernière fenêtre des éliminatoires de la Coupe du monde. Ils ont fini 3ème du groupe F derrière le Soudan du Sud et la Tunisie. Les Sénégalais ont été coiffés au poteau par le Cap-Vert pour la place de meilleure 3ème. Une grosse déception car il y avait de la place au regard du potentiel. L’équipe a obtenu 7 victoires en 12 matchs. C’est loin des résultats acquis avec Abdourahmane Ndiaye « Adidas », un total de 10 succès en 12 sorties, lors des éliminatoires du Mondial 2019, en Chine.
En février 2022, l’équipe a fait 2 sur 3 à Dakar en battant le Kenya et l’Égypte contre un revers face à la RD Congo. Pour la 3ème fenêtre de juillet 2022, les Lions font 1 sur 3 avec des revers contre l’Égypte et la RD Congo. On se souvient des difficultés avec une escale mouvementée à Istanbul, où la bande à Gorgui Sy Dieng a passé la nuit par terre. Il s’en est suivi un déballage entre Boniface Ndong et la Fédération. Le technicien sera viré et remplacé par son ex adjoint, Ngagne Desagana Diop.
L’ancien joueur de Dallas redonne vie au groupe avec ce retentissant 3 sur 3 à Monastir, lors de la 4ème fenêtre. Les Lions se relancent dans la course pour le Mondial au Japon, aux Philippines et en Indonésie. Mais ils seront privés pour la 5ème fenêtre de deux joueurs clés Gorgui Sy Dieng et Ibrahima Fall Faye (blessé). Ils se loupent contre le Soudan du Sud (qualifié) et la Tunisie (finalement éliminée) avant de battre le Cameroun. Pourtant, il fallait au moins deux victoires pour composter le ticket mais l’équipe a manqué de tout surtout d’expérience. Un seul être vous manque et c’est le désarroi.
«C’était un peu difficile surtout pour nous, dont notre meilleur joueur est en NBA. Il ne peut pas se libérer durant la saison. Gorgui Sy Dieng nous a manqués. On a une équipe très jeune et quand on regarde les vidéos des deux premiers matchs, on se dit qu’on pouvait éviter les erreurs avec plus de temps de préparation. Mais on ne cherche pas d’excuse, on est éliminé et on va continuer le travail», analyse Ngagne Desagana Diop. L’ancien joueur de Dalals renchérit : «on ne peut pas construire une équipe avec des jeunes. Il faut des cadres comme Gorgui Dieng, Lamine Sambe, Youssou Ndoye, entre autres… Je suis convaincu qu’ils peuvent apporter sur le plan leadership et expérience. Les Tunisiens ont rajeuni mais il y a quelques vétérans, dont Ben Romdhane et Michael Roll. C’est important d’avoir des joueurs d’expérience dans un groupe surtout en Afrobasket. C’est bien d’ouvrir la porte aux jeunes mais il faut de l’expérience dans le groupe».
La jeunesse n’est pas la seule difficulté de l’équipe masculine. En effet, l’instabilité sur le banc constitue un frein. Depuis 1997, le Sénégal a eu 14 sélectionneurs. Cinq techniciens ont été sur le banc en 10 ans : Cheikh Sarr (2012-2015), Porfirio Fisac de Diego (2016-2017), Abdourahmane Ndiaye (2017-2019), Boniface Ndong (2020-2022) et Ngagne Desagana Diop (depuis juillet 2022). L’actuel entraîneur des Lions pourrait continuer l’aventure au regard des déclarations du président de la Fédération Me Babacar Ndiaye. «Il a fait du bon travail. Je ne peux pas l’évaluer car c’est le domaine technique. Je pense que les deux fenêtres ont été positives et c’est l’avis du Directeur technique national. Je salue son travail. On est dans un projet et on va voir dans quelles conditions continuer la collaboration», annonce-t-il.
En tout cas, le coach veut continuer à bâtir son équipe dans la durée en faisant la jonction jeunes-anciens. «Le futur de l’équipe est prometteur. Lors du dernier match contre le Cameroun, on a vu les jeunes comme Babacar Sané, Amar Sylla, Khalifa Diop, Brancou Badio, Mbaye Ndiaye, Jean Jacques Boissy et Mohamed Alga qui se sont illustrés».
Jadis, le Sénégal faisait rêver grâce à sa formation. Les locaux constituaient 90% de l’équipe nationale. Pour redevenir une puissance dominante du basket masculin, il faut un retour à l’orthodoxie.
Au Sénégal, il n’y a que Seed Academy qui forme des basketteurs. L’Académie de Thiès a sorti plusieurs talents, dont Gorgui Sy Dieng et le jeune Babacar Sané (NBA G-League Ignite), pour ne citer que ceux-là. Mais contrairement au football qui s’appuie sur les centres comme Diambars, Dakar Sacré-Cœur ou Génération Foot, le basket est à la traine. Seed Academy peut être un début de solution car il y a toutes les catégories (13-18 ans) et c’est un bon réservoir pour préparer le futur. Dans la mesure où, le centre fédéral tarde à voir le jour.
Il faut une réorganisation au niveau de la Fédération, une meilleure gestion des compétitions nationales, une réorganisation de la Direction technique nationale en la dotant de moyens suffisants pour faire la prospection. Cette structure doit être scindée en pôles et permettre aux différents sélectionneurs d’établir des plans de travail sur toute l’année et de ne pas attendre les veilles des joutes internationales pour se réunir. Le Sénégal ne peut pas se permettre de jouer les seconds rôles dans le basket africain, au regard de son palmarès et des investissements faits par l’État au cours de ces dernières années, dont Dakar Arena en est une belle illustration.
Le Sénégal court après son 6ème titre africain depuis 1997. Cela fait 26 ans et l’attente est très longue. «La victoire ne se décrète pas, c’est un processus», dit souvent Abdourahmane Ndiaye «Adidas», ancien champion d’Afrique (1971 et 1978). Il faut un tout pour mettre fin à cette longue disette. D’abord, il faut repenser la formation des jeunes, mettre fin à valse des entraineurs, laisser le temps aux joueurs de grandir ensemble, mettre de bons plans programme de préparation.
Le prochain Afrobasket est prévu en 2025. Il y aura juste les tournois de qualification olympique (12-20 août 2023). C’est une occasion de continuer le processus en regroupant les joueurs. C’est le souhait de Ngagne Desagana Diop qui tient à son programme 2025. «On est à deux ans de l’Afrobasket, mais on ne peut pas rester sans rien faire. Je l’ai dit aux joueurs, au Directeur technique national et au président de la Fédération. Il faut qu’on regroupe les joueurs durant les vacances quand ils seront au Sénégal. On peut s’entraîner 4 fois par semaine en externat à défaut d’avoir un regroupement interne. On ne peut pas rester deux ans sans rien faire. Il faudra des camps pour continuer le travail en direction de l’Afrobasket 2025», souhaite-t-il.
Les ressources humaines et le talent ne font pas défaut, il suffit juste d’avoir une vision claire, savoir que le sport est une industrie économique qui demande une certaine rigueur dans la gestion, une planification efficiente afin d’atteindre les objectifs fixés. Le basket sénégalais est le plus titré d’Afrique avec 16 Afrobasket (5 hommes, 11 dames), 8 Jeux africains (1 hommes, 7 dames), 1 médaille d’or des Jeux de la Francophonie avec les dames. A cela, il faut y ajouter les trophées glanés par les clubs comme le Duc (dames), l’ASFA et la Police.
Victor BAGAYOKO