Les conditions de vie des footballeuses locales sont au centre des débats depuis l'instauration d'une prime quotidienne jugée très maigre par tous.
La saison 2022-2023 de football féminin débute le 7 octobre 2022 avec l'opposition Athletico-Inter d'Abidjan. Mais cette année, la nouveauté, c'est bien l'instauration officielle d'une prime journalière de 3 euros pour les filles. Alors qu'on s'attendait à ce que tout le monde saute au plafond, c'est plutôt la fine bouche qu'on observe un peu partout. Que ce soit les joueuses locales, les professionnelles ou les dirigeants et autres intervenants dans le milieu du foot féminin ivoirien.
Pour plusieurs athlètes, cela n'est en rien une avancée car c'est d'un salaire fixe que les filles ont besoin et pas d'une prime dérisoire qui ne mènera nulle part. « Ça n'apporte aucun changement vu que depuis toujours, chaque équipe a des primes de transport après chaque entraînement et chaque match. Et si on calcule le nombre de séances d'entraînements et de matches, les primes que chaque fille reçoit dépassent les 30 euros qu'ils ont instaurés comme prime de transport par mois », confie Dieudonnée Doudjon à Sport News Africa. Pour l'ancienne joueuse du Stella Club d'Adjamé, la solution est claire. Et elle n'y va pas de main morte. « Les filles ont besoin d'un salaire considérable pour subvenir à leur propre besoin. Je n'ai pas besoin de vous faire la liste mensuelle du nécessaire pour une femme. On dit qu'on a un style de garçon manqué. Ok. Mais avec quels moyens auront-nous l'allure de femme coquette ? » questionne-t-elle.
Même les dirigeants rentrent dans la danse, les agents de joueuses aussi. « La subvention est de 15.200 euros par club de football féminin dont 1522 euros pour le président du club. Avec ça les joueuses, elles, ont droit à 3 euros par jour ? C'est une somme dérisoire car c'est sous réserve de la présence aux entraînements et aux matches. Le reste de la subvention va où ? Qu'on nous le dise puisque 99% des clubs ne voyagent pas véritablement », s'insurge un agent qui a requis l'anonymat.
Comme lui, l'un des porte-voix de la cause de la footballeuse en Côte d'ivoire trouve insignifiante la prime quotidienne de 3 euros. « Avant, quand la subvention était à 3805 euros, quatre clubs ivoiriens sur dix donnaient un salaire minimum de 45 euros à leurs joueuses et tous les dix clubs payaient le transport des joueuses à raison de 1,5 ou 2,1 euros par entraînement. Maintenant que la subvention est passée à 15.200 euros, la Commission Football Féminin fixe une prime de transport à 30,4 euros par mois omettant de parler d'un salaire minimum. A-t-on avancé ? Non, car je suppose qu'augmentation de subvention doit rimer avec amélioration des conditions des footballeuses », fustige Ouattara Lakoun, président de l'ONG Footeuse. Lui aussi propose sa petite idée sur ce qui serait l'idéal.
« Notre commission devrait plutôt fixer un salaire minimum incluant la prime de transport. Par exemple 60 ou 91 euros le mois, en plus des primes de matches, voilà la meilleure solution pour aider nos filles à subvenir à leurs besoins primaires, suggère-t-il. Cela aurait permis à toutes les footballeuses des dix clubs d'avoir au moins un salaire à la fin du mois. Cette pseudo innovation ne participe en rien à l'amélioration des conditions des joueuses car la question du salaire dépendra du bon vouloir des présidents. »
Il poursuit : « Au Cameroun, la Fédération camerounaise de football (Fecafoot) a fixé le salaire des footballeuses à 152 euros par mois pour la saison à venir. Au Maroc, la Fédération se charge de payer elle-même le salaire des joueuses. Le montant est déduit de la subvention octroyée aux clubs qui, eux, se chargent de payer les primes et autres. »
Sanh Séverin