Ce vendredi 28 octobre 2022 est la date limite pour que la Fédération tunisienne de football « donne sa position et plus de détails » en ce qui concerne « la volonté d’immixtion dans les affaires et la gestion de la FTF » et une éventuelle dissolution de son bureau fédéral. Le président de la FTF, Wadie Jary, et ses collaborateurs n’auront pas du mal à trouver des éléments qui incriminent le ministre de la Jeunesse et des Sports, Kamel Deguiche.
De notre correspondant en Tunisie
Le président de la FTF Wadie et ses collaborateurs sont dans un conflit ouvert avec le ministère de la Jeunesse et des Sports de la Tunisie depuis plus de deux ans. Mais, les choses ont pris une tout autre dimension le lundi 24 octobre 2022. La Direction de la Division Associations Membres de la FIFA a en effet envoyé une correspondance à la FTF pour demander « plus de détails » sur la volonté des « autorités de s’immiscer dans les affaires et la gestion de la FTF. »
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Dans sa missive, la FIFA n’a pas fait dans la langue de bois. Elle a rappelé les articles 14 et 19 de ses Statuts en réaffirmant que ses « membres sont tenus de gérer de manière indépendante et sans influence indue de tiers ». Le Directeur de la Division Associations et Membres, Jean-Marie Kenny, a tenu à souligner que « tout manquement pouvant aller jusqu’à la suspension de la Fédération ». En somme, la FIFA réitère son opposition à toute ingérence dans la gestion des fédérations de football partout dans le monde. Cela relevant de ses prérogatives à elle seule. L’instance mondiale du foot avait donné jusqu’au vendredi 28 octobre pour que la FTF apporte des explications sur les menaces formulées par les autorités tunisiennes. La FTF pourra charger son ministère de tutelle sans grande difficulté.
Les hostilités entre le président de la FTF, Wadie Jary et le ministre, Kamel Deguiche, ne datent d’hier. Il règne une terrible inimité entre les deux hommes. Deux personnalités aux convictions politiques opposées. L’un soutenu par le président de la République, Kais Saïd, qui veut plus de transparence dans la gestion des fonds de la Fédération et un dirigeant qui soit proche du pouvoir en place, et l’autre réélu à l’unanimité, le 16 mars 2020, par les présidents de clubs auxquels il apporte un appui financier constant grâce aux revenus engrangés. Avant le démarrage de la saison, la quasi-totalité des dirigeants de clubs est allée au siège de la FTF pour solliciter un soutien financier du patron Jary. Et personne n’est rentré bredouille. Mieux encore, sans l’appui de la FTF, le CS Sfaxien ne pourrait même pas régler ses litiges et participer à la Coupe de la CAF.
La querelle perdure pourtant. On se rappelle le 27 octobre 2020, lors d’une séance parlementaire, Kamel Deguiche, avait annoncé que la décision de la FTF de suspendre le CS Chebba était illégale. Il avait émis l’idée de « dissoudre le bureau fédéral en cas de manquement ou de mauvaise gestion ». Il avait ajouté : « L'intervention du ministère ne peut pas être une ingérence politique dans le champ sportif. Le ministère se doit, parmi ses devoirs exclusifs, de faire appliquer la loi relative aux activités sportives ». Et pourtant, Deguiche et ses agents n’ignoraient pas que la FIFA ne tolère pas une telle démarche. Entre-temps, Kamel Deguiche avait cédé sa place mais pas pour longtemps. Il avait repris du service le 11 octobre 2021.
Au mois de novembre 2021, le président de la FTF avait publié une lettre ouverte adressée au chef du gouvernement pour fustiger le comportement du ministre qu’il accuse d’avoir « chargé des juristes d’inventer des affaires à [son] encontre ». Le 15 juin dernier, lui et son directeur des affaires juridiques du ministère, Chokri Hamda, une nouvelle fois, s’en sont pris à l’équipe de Wadie Jary. Ils avaient promis une enquête suivie d’une « possible dissolution du bureau fédéral » après les accusations de corruption formulées par les dirigeants de l’ES Zarzis à l’encontre des fédéraux. On était juste à 5 mois de la Coupe du monde. La FIFA n’avait pas réagi même après le7 tollé suscité par ces accusations graves et les contestations récurrentes de toutes les décisions prises par la FTF.
Après la réponse de la FTF à la FIFA, on espère que le ministre Deguiche va mettre définitivement un terme à ses menaces de dissoudre le bureau fédéral. S’il persiste, il aura la lourde responsabilité de priver son pays de la Coupe du monde. Que ce soit le Mali (éliminé en barrages par la Tunisie) ou le Nigeria (4ème de la zone Afrique au classement FIFA), chacun de ces pays sera bien heureux de remplacer la Tunisie au Qatar. Les fans des Aigles de Carthage ne pardonneront jamais une telle bourde à leur ministre s’il continue à défier le patron du football tunisien soutenu, par la FIFA. Il faut aussi admettre que beaucoup de supporters tunisiens ne portent Jary dans leurs cœurs mais ils ne veulent pas pour autant être privés de la grand-messe du foot mondial.