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Rugby féminin : au Congo, Stella Makosso au-dessus de la mêlée des préjugés

Au Congo-Brazzaville, pas vraiment facile pour une femme de pratiquer le rugby. Au risque de s’exposer aux critiques de toutes sortes. Et pourtant, Stella Makosso, formée au sein d’une équipe masculine, a pu s’imposer et attirer des congénères avec lesquelles elle forme aujourd’hui une équipe dynamique et ambitieuse.

De notre correspondant au Congo,

Stella Makosso
Stella Makosso

Au quartier Siafoumou, au Nord-Ouest de Pointe-Noire, si toutes les filles sont aussi vertueuses et belles les unes que les autres, Stella Makosso est sans conteste un référent. « Vous voulez voir notre étoile du quartier ou la perle rare du quartier ? ».

Oui, étoile du quartier, parce que « je suis soi-disant unique en mon genre », explique Stella Makosso. Et pour cause ? Elle pratique le rugby, un sport que beaucoup de Congolais considèrent comme étant réservé uniquement aux hommes. « Tout le monde est émerveillé de voir une femme pratiquer le rugby. Lorsque l’on s’en tient à l’agressivité, à la violence et à tous les efforts physiques consentis, on se dit que ce sport, contrairement aux autres, n’est réservé qu’aux hommes », poursuit-elle.

L’histoire d’amour entre Stella et le rugby commence dans le mitan des années 2000. À l’époque, il n’y avait pas de clubs féminins. Enfant, mais curieuse, elle entre en contact avec le ballon ovale. « Un jour, j’assistais à une séance d’entraînements de rugbymen au stade Enrico Mattei sous la direction de Paolo Familiari (un expatrié italien, fondateur du club Congalie, NDLR). J’ai été fascinée et attirée par ces hommes qui donnaient l’impression de se disputer le ballon en se battant pour de vrai.. J’ai donc décidé de rencontrer le coach. Et monsieur Familiari m’a admise et intégrée au sein de cette équipe composée uniquement d'hommes », raconte l’actuelle demi de mêlée des Bar’Bar, un club féminin de Pointe-Noire.

Stigmatisations, préjugés,…

Quelques années plus tard, Familiari quitte le Congo. Jusmo Obambi ancien joueur, décédé en décembre dernier, fonde le club « Bar’Bar » et fait appel à Stella pour constituer le tout nouveau club. La jeune Stella s’affirme petit à petit et s’impose sur la place de Pointe-Noire. Et ses supérieurs ne tarissent pas d’éloges à son égard. « Elle fait la fierté du rugby féminin du Congo, car elle est la plus ancienne des rugbywomen du pays », se félicite Aziz Vincent Niambi Malalou, directeur technique national à la Fédération congolaise de rugby (FECORUG).

« À ses débuts au sein de Congalie, elle jouait sans crainte ni complexe avec les hommes. Elle n’avait nullement peur des duels », témoigne pour sa part, Marcelin Massamba, son ancien coéquipier à Congalie et devenu son coach aux Bar’Bar.

Une aura qui ne fera pas l’unanimité au sein des Makosso. En effet, si sa mère, son défunt père et ses deux sœurs ne s’opposent pas à ce que Stella pratique le rugby, elle doit composer avec l’opposition de la quasi-totalité de ses onze frères dont Justice Makosso qui estimait que le rugby pouvait l’isoler d’autres filles et surtout l’empêcher de poursuivre ses études. « Mon défunt mari et moi disions toujours aux autres enfants de la laisser évoluer là où elle se sent à l’aise, car dans la vie lorsqu’on fait ce qu’on aime, on a des chances d’aller de l’avant. Et tous les enfants ont fini par admettre leur sœur avec son rugby », souligne Célestine Anette Boyou, la mère de Stella.

Des parents aussi bien compréhensibles que compréhensifs, c’est sans doute une exception qui confirme la règle dans un Congo, où le rugby au féminin, c’est tout un lot de préjugés. « Les sports comme le foot, le handball, ça peut se comprendre. Mais le rugby, c’est comme les arts martiaux. Tu subis une profonde transformation morphologique. Avec un gabarit digne d’un robot, tu perds ton charme et ta beauté de femme », explique Chimène Mahanga, vendeuse au marché.

Le précieux souvenir du ballon ovale

« C’est à cause de ces idées reçues que certaines femmes ou filles redoutent de pratiquer le rugby », déplore Stella. Et pourtant, je n’ai jamais changé. Je suis une femme comme les autres ». Elle dit garder un précieux souvenir du rugby. « C’est Familiari qui a financé les études de toutes les premières joueuses de rugby. Son objectif était de nous administrer non seulement une formation sportive mais aussi nous aider à aller un peu plus loin dans nos études. Il payait les frais et nous achetait les fournitures. Et aujourd’hui je suis électricienne et peintre en bâtiment », se souvient encore Makosso.

Ce qui permet de faire face à ses besoins quotidiens. Non sans rêver d’un avenir meilleur grâce au rugby. « Je n’entends pas raccrocher les crampons maintenant. Je dois un jour participer à la Coupe d’Afrique et la Coupe du monde avec l’équipe nationale », projette-t-elle. Un rêve que partage son staff dirigeant. « Elle a tous les atouts et elle ira loin », positive Massamba.

Un rêve pas vraiment facile à réaliser dans un pays où, excepté quelques rares tournois et matches amicaux initiés par des privés, le rugby est quasiment le parent pauvre de toutes les fédérations, car la modicité des moyens et le manque d’appui de la part du gouvernement sont freins au développement du ballon ovale au Congo-Brazzaville.

John Ndinga-Ngoma

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